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Couplage législatives référendum en Guinée: C’était donc pour ça…

On avait pensé qu’en décidant de reporter au 1er mars les élections législatives initialement programmées pour le 16 février, le président guinéen voulait se donner quelques semaines supplémentaires pour mieux organiser le scrutin et le rendre plus consensuel. On se souvient en effet que les principaux partis d’opposition avaient opté pour le boycott et que 7 membres de la CENI avaient annoncé leur retrait de l’institution pour protester contre la gestion nébuleuse du processus. Et pour couronner le tout, les leaders religieux avaient demandé aux autorités de suspendre l’organisation de ces élections, le temps de trouver avec les différents protagonistes de la crise les modalités concrètes pour des consultations libres, transparentes… en un mot crédibles.

Et voila qu’on découvre qu’en décrétant ce second report en l’espace de 3 mois, Alpha Condé avait en réalité un agenda caché : il a en effet signé ce mardi un décret instaurant le couplage des législatives et du référendum constitutionnel qui divise la société guinéenne depuis de longs mois. Officiellement, la principale raison de ce couplage serait d’abord financière. Organiser deux scrutins en un seul devrait théoriquement coûter moins cher aussi bien à l’Etat qu’aux partis politiques qui n’auront pas à battre campagne deux fois. N’y voyez donc surtout pas une entourloupe politique, encore moins une manœuvre politicienne dont le seul but serait de faire avaler la couleuvre référendaire par le biais des législatives. En réalité la ficelle est si grosse qu’elle ne peut passer inaperçue aux yeux des observateurs et des acteurs de la scène politique guinéenne, au premier rang desquels le Front national de défense de la constitution (FNDC) qui s’est battu et se bat encore au prix de nombreux morts pour faire barrage au tripatouillage de la loi fondamentale.

Alors que l’actuelle constitution instaure un mandat de 5 ans, indiquant que nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs ou non, sa nouvelle version, voulue par le locataire de Sékoutoureya, va non seulement prolonger ledit mandat de 5 à 6 ans, mais aussi le rendre renouvelable une fois, sans plus. Et puisqu’il ne s’agit pas d’une simple révision mais d’une nouvelle loi fondamentale qui, comme on le voit venir, n’attend plus que l’onction populaire pour produire tous ses effets, l’irascible professeur de droit, qui est en train d’épuiser ce qui est censé être son second et dernier mandat, devrait pouvoir remettre son compteur à zéro. Un stratagème déjà éprouvé par tant d’autres de ses pairs avec plus ou moins de fortune. Qu’il s’agisse d’Abdoulaye Wade, de Blaise Compaoré, de Denis Sassou Nguesso ou d’Alassane Ouattara qui s’est aménagé la possibilité de rempiler en octobre prochain si l’envie lui en prenait.

Certes, le professeur Alpha Condé ne s’est toujours pas prononcé sur ses réelles intentions, mais on ne voit pas pourquoi il aurait enjambé tant de morts et se serait donné tant de mal pour prolonger le mandat présidentiel si ce n’est pour en profiter lui-même. Que cherche-t-il encore à prouver à 82 ans, celui qui dans une autre vie a été un opposant historique à Sékou Touré et à Lansana Conté, celui qui a lutté sans relâche pour que la démocratie véritable soit et qui, depuis 10 ans qu’il est au pouvoir, a dilapidé le capital de sympathie qu’il avait accumulé jadis ?

Et le plus grave dans tout ça, c’est qu’il pourrait conduire son pays au chaos, car en instaurant une gestion monopolistique du pouvoir, il ne laisse pas d’autre choix à ses adversaires que d’user de toutes les voies qu’ils jugent utiles pour faire pièce à cette forfaiture.

H. Marie Ouédraogo

Dernière modification lejeudi, 06 février 2020 20:46

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