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Décès Moubarak : L’ultime voyage du « dernier pharaon »

Hosni Moubarak est mort. Cet ancien président égyptien, dont la santé chancelante avait souvent nécessité des hospitalisations en soins intensifs, a fini par succomber le mardi 25 février 2020 dans un hôpital militaire du Caire. Il avait 91 ans. 91 ans à la fois riches et tumultueux. Celui qui naquit le 4 mai 1928 dans une famille modeste du Delta du Nil, militaire dans l’âme, entre à 22 ans dans l’Académie de l’armée de l’air égyptienne dont il sortira major. Suivra alors une ascension fulgurante dans la Grande Muette.

 

Pour celui qui est souvent présenté comme un héros de la guerre de Kippour, qui a opposé l’Egypte à Israël en 1973, l’Armée de l’air sera un bon tremplin pour se mettre sur orbite sur le plan politique, puisqu’il deviendra très rapidement le n°1 du Parti national démocratique (PND), le bras droit du président Anouar el-Sadate dont il sera le vice-président. A la mort du raïs, assassiné par les Frères musulmans, il hérite ainsi du fauteuil présidentiel qu’il occupera pendant trois longues décennies, décrétant dès son arrivée l’état d’urgence qui ne sera levé qu’en 2012 après sa chute.

En effet, après 30 ans d’un pouvoir autocratique, le pharaon est lui aussi dans la tourmente du printemps arabe en 2011 qui balayera également le Libyen Mouammar Kadhafi et le Tunisien Zine el Abidine Ben Ali.

On revoit encore la marée humaine bivouaquant place Tahrir, pendant quelque trois semaines et qui a fini par déboulonner la statue du commandeur qui avait pourtant échappé à six tentatives d’assassinat. Dès lors, celui que certains avaient méchamment surnommé « La vache qui rit » faisait grise mine, alternant les passages à l’hôpital et au prétoire.

D’abord réfugié dans la station balnéaire de Cham el-cheik, il sera transféré au Caire pour être jugé à plusieurs reprises. Régulièrement condamné avant d’être miraculeusement acquitté, que ce soit pour les accusations du meurtre de près de 850 manifestants lors du soulèvement de 2011 ou pour le détournement de fonds publics qui portait sur la somme d’au moins 100 millions de livres égyptiennes (plus de 10 millions d’euros)

Avec le recul, on découvre qu’Hosni Moubarak aura été trahi par sa propre armée  ainsi que par les Américains qui le portaient à bout de bras par des milliers de dollars injectés, notamment dans l’armée égyptienne. Mais au bout du compte, les manifestants de la place Tahrir auront tiré les marrons du feu, puisque leur révolution finira par être volée. Un tyran ayant remplacé un autre tyran : Abdel Fattah al-Sissi.

L’intermède démocratique n’aura été que de courte durée, les Frères musulmans remportent l’élection en 2012, et Mohamed Morsi, leur chef, devient le président pour seulement quelques mois, puisqu’en 2016 il est renversé par l’armée qui reprend pour ainsi dire sa chose, le pouvoir militaire ayant toujours été au cœur du pouvoir politique mais aussi économique du pays.

Moubarak aura été donc tout juste sacrifié par ses propres éléments qui font aujourd’hui en réalité du Moubarak sans Moubarak, voire pire. Les choses ne sont pas près de s’arranger, et personne parmi les nouveaux maîtres du Caire ne prendra le risque de jeter la pierre sur la barque funéraire du « dernier pharaon ».

 

D. Evariste Ouédraogo

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