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Tahirou Barry : «Je suis le produit d’une nation forte dans sa diversité»

 

Une chose est sûre désormais: Tahirou Barry pense à la présidentielle 2020 chaque matin devant son miroir en se rasant, lui qui, le 26 janvier dernier, a été investi près des siens à Gaoua, chef-lieu de la région du Sud-Ouest. Dans la matinée du 24 février 2020 au quartier Somgandé, à quelques encablures de la salle de ciné éponyme, il est descendu de son véhicule dans un ensemble Faso Danfani, le bonnet vissé sur la tête. Après de vigoureuses  poignées de main, il nous introduit dans la salle de séjour d’une propriété qui lui sert pour le moment de bureau  plutôt que de QG ou de siège de campagne.  Sur le mur, et en grandeur plus que nature, trône son portrait, avec des messages qui en disent long sur ses ambitions pour 2020. A entendre « le candidat de la jeunesse consciente » qui, cette fois-ci, n’est pas adossé au PAREN mais plutôt à un nouveau regroupement, le MCR, la foi en des lendemains victorieux est grande, surtout que, nous confie-t-il, le ciel gorgé de lourds nuages menaçants qui pesait entre lui et son père spirituel, Laurent Bado, s’éclaircit peu à peu.

 

 

Vous avez été investi à Gaoua. Il est vrai que c’est chez vous, mais s’il s’agissait d’élections municipales on pouvait comprendre que pareille cérémonie y soit organisée. Pour quelqu’un qui a des ambitions présidentielles, on s’attendait à ce que cette investiture se fasse ailleurs que chez soi.

 

 

 

Le choix de Gaoua est justifié par le fait que c’est une ville historique, fortement attachée à ses valeurs et à ses racines. Et comme on le dit souvent, la force du baobab réside dans ses racines. C’est pourquoi j’ai voulu mettre en évidence le succès de toute nation dès lors qu’elle s’appuie sur ses racines, sa culture et son identité.

 

 

 

Dans quel état d’esprit abordez-vous cette échéance électorale ?

 

 

 

La compétition électorale est placée sous le signe de deux valeurs : la volonté et la vérité. Avec la volonté, on peut déplacer les montagnes. C’est avec cette valeur que des populations démunies ont érigé les colossales pyramides d’Egypte.

 

Le signe de la vérité s’explique par le fait que tous les dirigeants qui se sont succédé se sont évertués à nous cacher la vérité. Quand on regarde la gouvernance actuelle, ce sont des rêves qu’on essaie de faire miroiter mais qui se révèlent toutefois  être des cauchemars, avec comme  conséquences la désillusion des masses, la frustration et même la colère. Les adversaires qu’on aura sur le terrain politique vont se battre pour cacher la vérité au peuple ; ils vont pratiquement mentir. Donc, il nous appartiendra de mener notre action sous le signe de la vérité, parce que sans elle, il n’y a pas de grandeur.

 

 

 

A quelles vérités cachées faites-vous allusion ?

 

 

 

On nous a,  par exemple, parlé du Plan national  de développement économique et social (PNDES) avec un besoin de 15 000 milliards de francs CFA. Quel bilan positif peut-on tirer de la centaine de projets envisagés ? Ensuite, il y a le cas du partenariat  privé/public (PPP), où même pas cinq projets ont été exécutés. Pourtant on nous exhibe des bilans flatteurs tout en taisant le fait que c’est au prix de mille sacrifices comme l’endettement.  Ce gouvernement est passé maître dans l’art de l’endettement  au lieu de celui de  la création des richesses. Des années 1990 à nos jours, notre endettement est passé de près de quatre-vingt-quatorze milliards à plus de trois mille trois cent milliards ; soit le montant global de notre budget annuel. C’est exactement  la même situation que connaît le fonctionnaire qui a un endettement supérieur à l’ensemble de sa rémunération annuelle, sans déduction de ses charges familiales. Avec quel moyen ce travailleur va-t-il rembourser ses dettes sans se compromettre ?  Cela  résume bien la réalité de notre pays.

 

 

 

En 2015, vous avez réussi l’exploit d’arriver en troisième position à l’élection présidentielle. Pensez-vous pouvoir rééditer cette prouesse ou même faire mieux cette fois-ci ?

 

 

 

 Aujourd’hui, nous sommes engagés dans  une marche collective avec un mouvementde femmes, d’hommes et de jeunes qui croient en des valeurs, qui ont un espoir  ainsi que des rêves.Je m’investis pour ces gens-là et non aux côtés de ceux qui font des cauchemars. Au-delà de cet aspect, je crois que si on est uni dans une même foi, tout est possible.

 

 

 

Le fait de voler de vos propres ailes et de ne plus être adossé à un parti déjà connu, en l’occurrence le PAREN, ne constitue-t-il pas en soi un handicap ?

 

 

 

(Silence)…Le soutien de toute formation politique, de tout citoyen est toujours le bienvenu. Si les incompréhensions avec le PAREN sont levées, ce sera avec une véritable satisfaction que nous allons mener ce grand combat. Aujourd’hui j’estime qu’avec le grand frère et professeur Laurent Bado, il n’y a plus d’incompréhensions. Cela dit, je souhaite de tout cœur que le professeur quitte la majorité et rejoigne  le combat de l’opposition, car à travers ses sorties publiques, il ne semble plus se retrouver dans la politique qui est actuellement conduite par la classe dirigeante.

 

 

 

Le professeur vous en a-t-il parlé ?

 

 

 

J’ai bien  indiqué que ce constat se laissait entrevoir à travers ses sorties publiques et vous vous rendrez compte qu’il n’a ni le cœur ni l’âme à la gouvernance actuelle.

 

 

 

Quelles sont les incompréhensions qui existent ou existaient entre vous et Laurent Bado ?

 

 

 

Les difficultés entre le professeur et moi ont été le produit d’une instrumentalisation politicienne. C’est la conséquence de manœuvres dont l’objectif était de créer une tension, voire une crise, au sein du parti. Mais avec le temps, nous avons levé un  certain nombre d’incompréhensions. Et à ce sujet, je lui ai présenté mes excuses et manifesté ma disponibilité à œuvrer avec lui pour le salut de la nation. Il faut dire que c’est avec un grand plaisir que je rends visite au professeur  pour solliciter ses conseils. Toutefois, l’obstacle majeur reste notre appartenance à des tendances différentes. Il ne me paraît pas logique, après avoir démissionné du gouvernement, de rejoindre de nouveau  la majorité. Mais je pense que c’est une question d’opportunité. Donc lorsque les conditions seront favorables, nous apprécierons les modalités dans lesquelles nous engagerons une action commune pour opérer les changements désirés.

 

 

 

Certains ténors de l’opposition estiment qu’il y aura un second tour cette fois-ci. Etes-vous de ceux qui soutiennent cette thèse ?

 

 

 

Pour moi, c’est Dieu qui détermine les résultats. Mais il est de notre devoir de nous battre pour qu’il y ait l’alternative. Il n’est pas normal que nous restions inactifs face à un danger qui guette la nation. Aujourd’hui, cette nation est vraiment malade. Elle a besoin de la mobilisation patriotique de tous ses  fils et filles pour opérer le changement.

 

 

 

Pour vous donc, la gouvernance de Roch Marc Christian Kaboré laisse à désirer ?

 

 

 

Le président, en tant que capitaine du bateau, me paraît être franchement une personnalité qui aime son peuple et qui est d’une certaine sagesse. Seulement, il manque d’audace, d’initiatives et d’inspiration pour faire face aux préoccupations de la nation. C’est pourquoi nous avons le devoir de nous battre  afin qu’il y ait l’alternance et l’alternative.

 

 

 

Le plus décevant dans ces courses à la présidentielle, c’est que les programmes des candidats sont souvent  presque identiques. Quelle sera la différence fondamentale avec vous ?

 

 

 

Une chose est d’élaborer des programmes, une autre est de proposer un  projet politique réaliste et intrinsèquement lié aux réalités profondes de notre nation. Un programme n’est pas une accumulation de vœux pieux  ni de visions électoralistes. Il s’agit plutôt d’une vision intergénérationnelle ; de savoir quel Burkina on voudrait avoir dans 20, 30 ou 50 ans ; la place de notre nation dans la mondialisation, la course vers l’émergence et  le repli identitaire. Et notre projet intègre tout cela. En outre, il y a l’identité des acteurs autour du projet. Vous avez beau avoir le programme qu’il faut, s’il n’y a pas les hommes qu’il faut à la place qu’il faut, ce sera un leurre.

 

 

 

Est-ce parce qu’il n’y a  plus de gens de cette trempe-là que les choses vont de mal en pis ?

 

 

 

Je crois qu’ils sont nombreux dans notre pays, dans la sphère des instances décisionnelles, qui ne sont pas à leur place ou qui ne méritent pas la place qu’ils occupent.

 

 

 

C’est bien beau de présenter ainsi les faits. Mais qu’est-ce que Tahirou, s’il était élu président, ferait les cent premiers jours de son mandat  pour marquer la rupture avec ce qui se faisait jusque-là ?

 

 

 

Les 100 premiers jours de ma gouvernance seront, de façon générale, placés sous le signe de l’exemplarité au sommet de l’Etat. Dans cette dynamique, je veillerai  d’abord, dans la constitution du gouvernement, à ce que l’équipe ne soit pas pléthorique. En lieu et place d’une trentaine de personnes, on aura une quinzaine de membres. Naturellement, si on doit passer de 30 à 15, il y aura des regroupements à faire selon la connexité  des différentes  missions. Ensuite, il y aura une réduction symbolique du traitement des hauts fonctionnaires de l’Etat. Et enfin, il sera mis en place un fonds de soutien aux initiatives innovantes de la jeunesse.

 

 

 

L’élection présidentielle coûte très cher. Tahirou a-t-il les reins suffisamment solides pour aller à l’assaut de Kosyam ?

 

 

 

En la matière, l’argent peut être utile, mais il n’est pas déterminant pour une nation comme la nôtre  qui a traversé tant d’épreuves, acquis une conscience civique et citoyenne assez forte. Et l’insurrection populaire a consacré une certaine maturité politique de la jeunesse en particulier et de la population de façon générale.  Il y a même avant cette période des cas qui ont démontré à quel point un leadership bien exercé  pouvait vaincre  les caisses d’argent. C’est l’exemple du maire Anatole Bonkoungou dans l’arrondissement 4 de Ouagadougou qui a fait face à la débauche de moyens du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir autrefois. Nous pensons que l’être prédomine sur l’avoir. Et à ce titre, la meilleure richesse n’est pas celle matérielle mais  celle qui est dans l’âme. Sur le plan international, des personnalités historiques comme Gandhi ont bâti leur réputation sur la base de l’être avec des valeurs et non sur le matériel. Avec les mesures que nous envisageons, comme la proposition de loi  sur le plafonnement  des dépenses  électorales que j’ai engagée avec le soutien de mes amis du groupe de l’UPC, nous entendons  réduire la portée de l’argent dans le jeu électoral, ne serait-ce  que pour éviter que nous instaurions une ploutocratie à la place de la démocratie.

 

 

 

Est-ce en partie pour rassembler votre trésor de guerre que vous faites des tournées à l’étranger ?

 

 

 

Mes tournées, c’est pour rencontrer nos compatriotes à l’étranger afin de solliciter leurs soutiens, pour rencontrer des personnalités aussi bien de la société civile que de la classe politique  des pays visités et avec qui nous avons la même vision en vue d’envisager une possible collaboration. Par conséquent, mes visites ne sont pas initiées dans le sens d’une course vers  l’accumulation de moyens. Si  on doit chercher des moyens, c’est ici au Faso qu’on va les mobiliser de sorte à ce que notre indépendance ne soit pas compromise, encore moins  notre autonomie d’esprit  lorsqu’il sera question d’exercer le pouvoir. 

 

 

 

Qu’à cela ne tienne, si ce n’est pas indiscret, quelles sont les personnalités visitées ?

 

 

 

Elles sont diverses. Récemment j’étais au Mali, où j’ai rencontré le président Amadou Toumani Touré, de qui j’ai reçu des conseils. En France, j’ai  rencontré de grandes personnalités dont j’ai appris de la riche expérience.  J’ai également rencontré des notables religieux et coutumiers au Sénégal. C’est tout cela qui m’enrichit à titre personnel.

 

 

 

Au niveau national, qu’est-ce qui fait donc courir Tahirou Barry ces derniers temps ?

 

 

 

Je ne cours pas. Je suis plutôt préoccupé par la situation nationale.  Ayons le courage de reconnaître que nous avons atteint un seuil critique de notre vie nationale. Quand on regarde la situation sécuritaire avec son lot de morts, d’orphelins,  de veuves, de déplacés internes, d’écoles fermées et de familles déchirées, on ne peut pas rester indifférent. Pire, il ne faut pas attendre que la pirogue chavire pour  appeler les secours. Donc j’estime qu’il est temps que chacun sorte de sa léthargie pour être au chevet de notre nation, qui est en danger.

 

 

 

Il y a quelques mois, vous avez initié des tournées sur les campus. Que répondez-vous à ceux qui estiment que vous piochez dans le vivier électoral du PAREN ?

 

 

 

Je suis plutôt préoccupé par le sort de cette génération d’apprenants, qui me paraissent être sacrifiés. Quand on regarde notre système éducatif, je peux dire qu’il est un énorme gâchis. Nous assistons à une démission de l’Etat de ce secteur qui est stratégique dans notre marche vers l’émergence. Un enfant issu d’une famille pauvre ou d’une famille déshéritée n’a  pratiquement aucune  chance de réussir dans un tel système qui est laissé aux mains du privé. Les frais de scolarité ne sont pas à la portée du Burkinabè moyen, il y a peu de bourses : moins de 5% de boursiers, des groupes vulnérables comme les jeunes filles sont entraînés dans des pratiques déplorables. C’est ce qui me préoccupe quand je fais mes sorties sur le campus pour entendre de vive voix le cri de détresse de ces étudiants. Et cela est beaucoup plus grave quand on se rend compte de toutes ces promesses non tenues depuis la déclaration de politique générale du Premier ministre Paul Kaba Thiéba le 17 février 2016. Il avait promis 26 amphithéâtres, près de 46 bâtiments pédagogiques, des cités universitaires de 1000 places, des bibliothèques de grandes capacités. Que sont devenues toutes ces promesses ? Encore des illusions savamment entretenues et qui ne font que compromettre l’avenir de la jeune génération.   

 

 

 

On reproche souvent à l’opposition d’aller aux élections en rangs dispersés  alors que l’union sacrée pourrait plier le match. Y a-t-il des alliances en vue ?

 

 

 

Le parti qui me soutient, à savoir le Mouvement pour le changement et la renaissance (MCR), a intégré le  Chef de  file de l’opposition politique (CFOP)  et mène des concertations avec les autres formations politiques pour avoir une stratégie adéquate dans le cadre de cette compétition électorale.

 

 

 

Faut-il comprendre qu’il y a des alliances en vue?

 

 

 

Quand on parle d’alliance, il s’agit de stratégie de façon globale. Et cela ne peut  pas manquer. Même le parti au pouvoir, le Mouvement  du peuple pour le progrès (MPP), est dans le jeu des alliances, notamment avec les partis de la majorité. A l’Opposition, il y a eu un accord qui a été scellé pour une forme de ralliement lorsque le second tour sera acquis. Ce système est en cours.

 

 

 

On  a ouï  dire que vous seriez courtisé par certains partis comme le CDP. Qu’en est-il exactement ?

 

 

 

C’est une rumeur sans fondement. C’est peut-être moi qui ferai la cour au CDP.  Je voudrais que vous  ayez à l’esprit que la concertation se mène à l’intérieur d’une entité qu’est le CFOP. C’est à ce niveau que  toutes les stratégies en matière de participation  à ces échéances électorales seront envisagées. Ce ne serait donc pas des accords particuliers qui nous donneraient une  quelconque chance de gagner, mais plutôt une vision globale, au sein d’un groupe crédible et fort.

 

 

 

Sans anticiper sur votre programme, quelles solutions concrètes, réalistes et réalisables pouvez-vous proposer pour nous sortir du bourbier  sécuritaire dans lequel nous pataugeons ?

 

 

 

La situation sécuritaire nous interpelle sur trois aspects. Le premier concerne  la question des moyens affectés aux forces de défense et de sécurité pour assurer leurs missions. Et à ce sujet, nous estimons que ces moyens doivent être substantiels, modernes et adaptés à la menace  présente. Au regard des révélations faites par un journal d’investigation, il y a de sérieux problèmes de primes des soldats, de matériel et d’équipement indiqués et surtout de motivation des soldats. Il faut absolument que ces problèmes soient urgemment traités pour éviter des dérives. Le second aspect porte sur la sécurisation de nos  villes et de nos campagnes. Aujourd’hui, nous assistons, la mort dans l’âme, à cette forme de terrorisme qui consiste à venir assassiner froidement des populations sans défense, puis  disparaître dans la nature. C’est ce qui s’est passé à Arbinda, avec près de 40 personnes assassinées. Il faut une réponse  adaptée à cette nouvelle forme d’attaque.  Le dernier point est relatif à la prise en main des  préoccupations économiques  des zones sous menace, car les habitants de ces lieux vivent dans la misère, la pauvreté et  l’ignorance. Ces éléments constituent un terreau pour le développement du terrorisme. Au-delà du volet militaire, il ne faut donc pas occulter celui économique  pour empêcher  une certaine jeunesse en manque de repères de se laisser entraîner dans cette folie meurtrière.

 

 

 

Etes-vous de ceux qui pensent que la négociation pourrait être une option ?

 

 

 

Quand on parle de négociation, la question qu’on doit se poser c’est avec qui et  sur quel objet. Vous convenez avec moi qu’on ne peut pas négocier sur des questions liées  à l’intégrité du territoire, à la laïcité ou à la souveraineté de l’Etat. L’exemple  récent du Mali est une preuve des limites de cette option. 

 

 

 

Tout le monde est devenu expert militaire. N’est-il pas trop facile, quand on est de l’opposition, de clamer que le pouvoir ne fait pas assez pour nous sortir de l’ornière ?

 

 

 

Sur la question des moyens affectés aux Forces de défense et de sécurité, s’il faut le ressasser, nous allons le faire parce que sur le terrain les échos qui nous parviennent ne sont pas rassurants. Et pourtant il y a un budget substantiel qui est mis à la disposition de l’armée et de la sécurité. En 2020, c’est près de 18% du budget et celui de l’année dernière n’a pas été épuisé. Pourquoi le problème de moyens se pose toujours ? On ne peut pas garder le silence face à cela.

 

Je ne dis pas de mettre tout le budget à la disposition de l’armée. Je dis qu’il faut utiliser pleinement et de façon efficiente les moyens qui sont mis à la disposition de l’armée.    Pour revenir sur la question de la négociation, je n’ai jamais dit que cette option était à exclure. J’ai tout simplement dit qu’elle avait des limites. Chaque fois que l’objet posera problème, s’il est question de négocier et d’attenter à l’intégrité du territoire et à la laïcité, cela pose problème. Mais s’il y a d’autres aspects dans la négociation, ça peut être envisageable à mon humble avis. 

 

 

 

Djibril Bassolé est à peine arrivé à Paris pour soigner son cancer qu’un média publiait une longue interview de lui. Comment avez-vous accueilli cette sortie médiatique, vous qui avez plaidé sa cause pour qu’il puisse aller se soigner ?

 

 

 

L’interview qu’il a accordée peut être placée sous le prisme de sa propre stratégie de communication. Si j’étais à sa place, j’allais me garder de faire une telle sortie qui a été source de grosses incompréhensions dans l’opinion publique.

 

 

 

Actuellement, ça grogne fort du côté des travailleurs de la fonction publique en raison de la volonté du gouvernement d’étendre l’application de l’IUTS à leurs primes et autres avantages. Qu’en pensez-vous ?

 

 

 

L’application de la mesure d’IUTS apparaît à mon humble avis comme une provocation qui n’aura d’autres effets que de dégrader le climat social, déjà bouillant. On nous explique que c’est une question d’équité. Mais la mesure en elle-même est inéquitable parce qu’elle frappe la rémunération des agents déjà dans une situation fragile et ferme les yeux sur les plus nantis qui ne font qu’accumuler leur trésor. C’est là que se trouve l’iniquité.  Je ne crois même pas qu’on puisse accroître les recettes de l’Etat en misérabilisant davantage  les pauvres travailleurs avec une mesure qui était exceptionnelle dans les années 1970 et qu’on veut rendre exponentielle de nos jours. Accroître les recettes de l’Etat passe par la taxation des plus nantis, plus riches par le recouvrement effectif de ces prêts de 500 milliards  de francs qui dorment dans certaines caisses de certains redevables.

 

 

 

Etes-vous contre le principe de l’IUTS ou est-ce parce qu’il n’y a pas eu d’accord ?

 

 

 

Ce qui pose problème, c’est le principe même de la taxation des primes et indemnités. Au lieu d’appliquer aux travailleurs du public la mesure pour soi-disant être équitable avec les travailleurs du privé, il fallait plutôt envisager la suppression de cet impôt chez les travailleurs du privé.

 

 

 

Pourtant c’est bel et bien prévu dans la loi de finances votée par l’hémicycle dont vous faites partie.

 

 

 

L’Opposition n’a jamais cautionné les différentes lois de finances à l’Assemblée parce que nous avons toujours estimé qu’elles n’étaient pas la réponse aux préoccupations du moment. D’ailleurs ce sont des hommes qui votent la loi, il leur appartient, lorsque ces lois se révèlent être sources de détérioration de l’atmosphère nationale, d’en tirer les conséquences.

 

 

 

Si au soir du 22 novembre vous êtes élu président, allez-vous supprimer l’IUTS ?

 

 

 

La mesure qui me paraîtra immédiate, ce sera la suppression de  l’extension de l’IUTS aux primes et indemnités ainsi qu’à la rémunération sur les heures supplémentaires. Il faut faire en sorte que notre système récompense l’effort, le mérite et le travail.

 

 

 

Est-ce que ce n’est pas de la récupération politique que vous faites pour avoir les fonctionnaires avec vous ?

 

  

 

C’est vrai qu’aujourd’hui, la classe politique s’est fortement discréditée avec des promesses fallacieuses, la régularité de ses mensonges et son inconséquence. Mais j’estime que mon éducation m’interdit cela. Ce que je demande au peuple, c’est un contrat de confiance qui engage mon honneur et ceux qui me connaissent, ceux avec qui j’ai œuvré tant sur le plan professionnel que politique, s’ils sont sincères, peuvent témoigner de ma franchise, de ma sincérité, de mon engagement dans tout ce que j’entreprends. Je peux faillir quelque part mais je refuse de plonger dans ce jeu sordide de mensonges, de dribbles.

 

 

 

Pensez-vous qu’on peut se passer de l’IUTS ?

 

 

 

Je dis oui à la suppression de l’IUTS sur les primes indemnités et les rémunérations des heures supplémentaires. Maintenant, en ce qui concerne la mobilisation d’autres recettes, il y a le secteur minier. Pensez-vous qu’il est normal que des milliards dorment toujours dans les tiroirs des mines en ce qui concerne la taxation sur l’eau, le fonds minier ; que les plus riches refusent de payer leurs impôts et ne ressentent aucune forme de pression pour s’exécuter ? Pensez-vous qu’il est normal que le secteur des  baux, qui est une source immense de fortunes, reste jusque-là maigre en termes de recettes ? Il y a des questions à se poser ! 

 

 

 

La récente publication par vous d’une photo de famille avec votre épouse et vos enfants a été diversement interprétée. Qu’est-ce qui vous a motivé à le faire et ne pensez-vous pas, surtout quand on voit ce qui se passe ailleurs, qu’il est risqué de mettre sur la place publique ce genre d’image ?

 

 

 

Je n’ai jamais eu des ambitions cachées dans tout ce que je fais. Si vous avez bien lu mon message, c’était une interpellation de l’opinion face à la grave menace de notre nation : la question de la cohésion sociale. Aujourd’hui, la question sécuritaire a révélé de graves fissures dans notre vivre-ensemble. Malheureusement, il n’y a aucune politique nationale de cohésion sociale. Nous avons un système de prévention et de gestion de crise communautaire défaillant. Nous avons une forme d’impunité sur les crimes qui sont commis. A travers  mon message, j’ai voulu dire, en tant que citoyen né en Côte d’Ivoire, donc de la diaspora, originaire du Sud-Ouest, précisément de Gaoua, marié à une femme mossie du Plateau central et ayant des enfants qui s’évertuent à parler à la fois le mooré et le fulfuldé, que je suis donc le produit d’une nation forte dans sa diversité. C’est ce que je voudrais qu’on retienne du Burkina Faso, qui a besoin d’être uni et soudé pour être fort face à l’adversaire. C’est ce message que j’ai voulu transmettre. Et en tant qu’acteur politique, je ne peux pas rester indifférent aux graves menaces qui pèsent sur notre nation.

 

 

 

Certes, vous êtes parlementaire ; mais professionnellement on ne sait pas ce que vous faites aujourd’hui. Eclairez-nous un peu.

 

 

 

En dehors de mes activités politiques, je dispense des cours de droit dans un établissement supérieur : droit du travail, électoral, administratif, management des ressources humaines.

 

Actuellement c’est la révision du fichier électoral et l’on constate que les Burkinabè traînent encore les pieds pour se faire enrôler. Quel appel leur lancez-vous?

 

 

 

Je voudrais demander à mes compatriotes de nourrir toujours un grand rêve pour la nation, de ne jamais désespérer de la capacité de notre Faso à rester debout, à toujours œuvrer avec bonne foi pour la communion des fils et filles du pays, à se garder de tout propos ou tout acte qui pourrait nous précipiter dans le gouffre. Je demande à tous les citoyens burkinabè remplissant les conditions de bien vouloir retirer leur carte  d’électeur, qui est une arme citoyenne pour sanctionner les politiques publiques. C’est par ce moyen que nous pouvons légitimer l’action politique au sommet de l’Etat et dans toutes les instances publiques et en même temps nous rendre utiles dans la marche de notre nation.  

 

 

Interview réalisée par :

 

Issa K. Barry

 

Lévi Constantin Konfé

 

Roukiétou Soma (Stagiaire)

 

Dernière modification lemercredi, 04 mars 2020 19:58

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