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8-Mars avec les déplacés : «Nous avons récolté à ce jour 3 millions et des dons en nature» (Rita Sawadogo, présidente du Comité)

 

Dans le but de venir en aide aux déplacés internes occasionnés par les  attaques terroristes, un comité mis en place le 7 février dernier lançait le concept : «Célébrons le 8-Mars autrement». A jour-j moins trois, dans la matinée du jeudi 5 mars 2020 à Ouagadougou, nous avons rencontré Rita Sawadogo, initiatrice et présidente du comité d’organisation. Selon elle, l’initiative est un appel citoyen à tous les Burkinabè à laisser parler leur cœur. A la date du 4 mars, le comité a pu engranger plus de 3 millions de F CFA avec des dons en nature. La collecte est prolongée jusqu’au 31 mars sur toute l’étendue du territoire national. Une stratégie de collecte de proximité avec des tickets de 100 à 10 000 F CFA ainsi que  des sites pour recevoir les dons en nature a été mise en place. Plus de détails dans l’interview que la présidente du comité nous a accordée.

 

Comment le concept «Et si on célébrait le 8-Mars autrement...» vous est venu à l’idée ?

 

 

 

Natif du Sanmatenga, c’est en rentrant du village que j’ai eu l’opportunité de voir les camps des déplacés internes. J’avoue que je n’imaginais pas la situation telle que je l’ai vue. Je me contentais des images de la télé mais je ne savais pas que la situation était aussi dramatique car j’ai été très touchée et choquée au point que j’ai pleuré de Kaya à Ouagadougou. Je me posais des questions sur ce qui pouvait être fait pour soulager ces déplacés.

 

J’ai vu des enfants grelottants en décembre, des femmes avec leurs bébés au dos sans aucune protection, j’ai été très touchée. Quand je suis arrivée à Ouagadougou, toute la nuit, je revivais ces images et j’ai eu un sentiment profond. Et si nous les femmes faisions quelque  chose  au profit des déplacés internes ? La Journée internationale de la femme a été vue comme la plateforme  idéale et j’ai lancé mon cri du cœur avec des femmes en comité restreint.

 

 

 

Est-ce qu’il y a eu beaucoup de personnes qui ont adhéré à cette initiative ?

 

 

 

 Dans la foulée, j’ai ramassé pratiquement les deux tiers de mon armoire et même pour mes enfants composés d’habits, de chaussures, etc., que j’ai envoyés à Kaya. Une amie qui réside à Djibo était de passage chez moi et a pris une partie pour y amener. Là-bas, ces personnes devraient vivre la même situation car un déplacé reste un déplacé : des gens qui ont souvent  tout abandonné derrière eux pour sauver leur vie. Après l’appel dans un groupe restreint sur WhatsApp, un autre groupe a été touché et l’a mis sur le réseau social Facebook. Du coup, il y a eu un engouement qui a dépassé mon entendement parce que je ne savais pas que cela allait prendre une telle ampleur. J’ai reçu des messages des gens qui sont à l’extérieur et à l’intérieur. C’est devenu une affaire des femmes qui ont décidé de prendre la chose en main et de l’opérationnaliser.

 

 

 

Est-ce que c’est à l’occasion du 8-Mars uniquement ou cela va-t-il continuer après la célébration de cette journée dédiée à  la femme ?

 

 

 

C’est quelque chose de ponctuel et de circonstanciel. J’ai l’espoir que le 8-Mars prochain, on ne parlera plus de déplacés internes au Burkina Faso parce que je sais que mon pays va retrouver la paix et que toutes ces personnes vont pouvoir rentrer chez elles et vivre en toute quiétude. Quand l’appel a été lancé, des idées ont fusé  de partout et effectivement nous pouvons faire beaucoup de choses chaque 8-Mars. Les femmes qui sont dans le comité actuel souhaitent  que nous fassions désormais des 8-Mars utiles, à savoir des conférences, des masters class, des sensibilisations et  non plus se limiter à faire la fête. Mais le plus urgent pour nous maintenant c’est de collecter et de pouvoir rapidement venir en aide aux déplacés.

 

 

 

Où en êtes-vous avec la collecte des fonds et à quoi servira la somme récoltée ?

 

 

 

A la date du 4 mars 2020, nous sommes à 3 609 795 F CFA. A cela s’ajoute 200 dollars d’un compatriote résidant au Nigeria qui n’ont pas encore été convertis.

 

J’avoue que nous avons reçu beaucoup de dons en nature. Les Burkinabè ont laissé parler leur cœur et je remercie tout le monde. La moisson a été excellente à Banfora, très bonne à Bobo-Dioulasso, pour ne citer que ces villes. Nous avons décidé de continuer la collecte jusqu’au 31 mars prochain car tout le mois de mars est dédié à la Femme. Concernant la répartition, elle se fera en fonction des besoins  car un comité sera mis en place pour statuer. Nous n’allons pas tout rassembler à Ouagadougou parce qu’il y a un problème de transport et de logistique qui se pose. A partir des centres, nous allons déployer les dons en fonction du nombre de déplacés quand on aura fait le point.

 

 

 

A part le Nigeria, de quels autres pays étrangers avez-vous reçu des dons ? Et à combien s’élèvent-ils ?

 

 

 

Nous avons reçu des dons venant de la France, du Liechtentein (Allemagne), des Etats-Unies, du Canada, et aussi de la diaspora burkinabè qui s’est organisée. Pour le moment, on attend la fin du mois pour faire le bilan avec la trésorière et la presse sera conviée à cet effet.

 

 

 

Les dons sont-ils destinés uniquement aux déplacés internes ?

 

 

 

Oui. Mais il y a aussi des veuves et des orphelins des soldats qui sont tombés sur le champ de bataille. Pour moi, il est prématuré pour nous de parler de la clé de répartition sans savoir ce que nous allons récolter.  

 

 

 

Y a-t-il d’autres activités prévues en cette journée ?

 

 

 

Nous allons nous déployer dans toute la ville et nous ferons 3 jours de collecte intense les 7, 8 et 9 mars. Nous serons à l’ABMAQ, dans la cour du FESPACO, à Jean-Pierre-Guingané, à la maison de la Femme, à la maison du Peuple, à l’IBAM Somgandé, à la mairie de Nongremasson, au jardin de la musique Reemdogo, à Canal Olympia (Pissy), à la pharmacie Saint-Julien, au jardin Kolognooma en face de la mairie de Signonghin, arrondissement 3, afin que les gens n’aient pas à effectuer de grande distance pour contribuer. Il n’y a pas de petite contribution même si c’est 100 F CFA nous applaudissons comme l’a si bien fait certaines personnes  avec 2 kg de riz, 2 boules de savon, etc.

 

Je lance un appel à l’ensemble des Burkinabè à nous aider à aider ces personnes. Ce n’est pas la grandeur du don qui compte mais la bonté du cœur. Nous avons déposé également des demandes de soutien dans de nombreuses structures et nous attendons la réaction de ces institutions.

 

Pour toute contribution en espèces, il y a les numéros suivants : Coris money : 77 42 40 79 ; Orange money : 54 25 40 40 ou 77 83 63 63 et Mobicash 70 31 11 89.

 

 

 

Est-ce que vous avez la garantie que votre appel à célébrer sobrement le 8-Mars sera entendu par toutes les femmes ?

 

 

 

Nous avons fait notre part en appelant les gens à la sobriété, à la modération au regard de la situation sécuritaire qui prévaut dans le pays. Nous n’avons pas dit de ne pas célébrer mais nous appelons à un peu plus de retenue et à beaucoup de modestie pour respecter le deuil du peuple burkinabè. En combien de temps l’Etat a décrété des deuils ? Soyons solidaires avec toutes les familles, un mort chaque jour est un mort de trop. Nous ne ferons pas non plus plaisir à ceux qui endeuillent notre pays parce que c’est leur objectif. La vie doit continuer et les Burkinabè doivent rester forts, debout et solidaires.

 

En outre, les gens passeront dans des services, des ménages, des marchés et des yaars pour une collecte de proximité car nous avons émis des tickets de 100 F, 500 F, 1000 F, 5000 F et 10 000 F CFA et pour une question de traçabilité, les noms et numéros de téléphone  seront notés. Egalement, nous allons déposer des urnes scellées dans les pharmacies et les  supermarchés de la place identifiables par notre logo et notre slogan ou les gens peuvent laisser leurs dons en espèces.

 

 

 

Interview réalisée par

Félicité Zongo

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