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Guinée : Elections au forceps pour un désir d’éternité

Rien n’y a fait

Ni les manifestations quasi quotidiennes du Front national pour la défense de la constitution qui se sont soldées par des dizaines de morts.

 

 

Ni les réprobations de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et de l’Union africaine qui se sont désolidarisées d’un processus électoral vicié.

 

Ni le retrait de l’Organisation internationale de la Francophonie, fâchée que ses recommandations sur le fichier électoral corrompu n’aient pas été prises en compte.

 

Ni la mission de toilettage des experts informatiques de l’organisation sous-régionale, qui avait préconisé d’expurger le fichier des quelque 2,5 millions d’électeurs «problématiques».

 

Et pas même le coronavirus qui, bien qu’il ne se soit pas encore installé en Guinée, aurait dû inciter à la prudence dans un pays qui a déjà connu les ravages d’Ebola n’auront empêché qu’envers et contre tout et tous, le président guinéen, Alpha Condé, organisé hier dimanche le double scrutin législatif et référendaire auquel il tenait tant comme si sa vie en dépendait. Une consultation boycottée par la frange la plus représentative de l’opposition pour qui la nouvelle loi fondamentale que les Guinéens vont adopter va permettre au locataire du palais de Sékhoutouréya d’y renouveler, à 82 ans, son bail après y avoir déjà passé une décennie.

 

Comme il fallait s’y attendre, cette élection au forceps se sera déroulée dans des conditions chaotiques : un joyeux désordre dû aux multiples reports et au couplage improvisé ainsi que des échauffourées et des actes de violence à travers tout le pays : jets de pierres, dressage de barricades, pneus brûlés, attaques de bureaux de vote, incendies de commerces et de matériel électoral, etc. Mais il en faut sans doute beaucoup plus pour arrêter la marche forcée de l’octogénaire autiste vers la présidence à vie. Puisque l’UA et la CEDEAO interdisent la relecture des textes fondamentaux six mois avant la tenue des scrutins, il fallait hâter le pas pour être dans les délais (la présidentielle ayant lieu en octobre prochain) alors que la sagesse aurait voulu une remise à plat de tout le processus pour un scrutin inclusif.

 

En bonne démocratie, quoi de plus démocratique, convenons-en avec celui qui fut dans une autre vie professeur de droit, que de faire appel au peuple souverain pour départager les citoyens sur une question d’importance qui les divise ? Sauf que dans les démocraties bananières qui ont poussé comme champignons après l’orage sur le continent suite au discours de la Baule, la plupart des modifications démocratiques en Afrique ont souvent eu pour objectif principal, sinon unique,  de permettre au prince régnant de pousser des racines sur son trône.

 

Tant et si bien que même un opposant historique à l’image d’un Alpha Condé qu’on pensait au-dessus de tout soupçon telle  la femme de César ;  qui a lutté une bonne partie de sa vie pour que la démocratie vraie soit dans sa patrie ; qui a été condamné à mort ; qui a connu la prison pour avoir défendu ses idéaux est maintenant tombé, lui aussi, dans ce piège du règne ad vitam aeternam. Et pour sa défense, l’irascible incompris de Conakry avance pour tout argument que beaucoup d’autres chefs d’Etat ont bien tripatouillé leur constitution, mais qu’autant qu’il se souvienne il n’y a pas eu le même tollé général. On en voudrait donc à ce panafricaniste éprouvé, à ce nationaliste sourcilleux qui n’hésite pas à cracher leurs quatre vérités aux Blancs et à convoquer le « non à De Gaulle » du 28 septembre 1958 pour plaider sa cause. 

 

C’est que justement on le mettait, lui, sur un piédestal, on le pensait au-dessus du lot des vulgaires tripatouilleurs en raison de  son pedigree rappelé ci-dessus, et voilà qu’il est tombé si bas au point de se comparer au pire, aux Sassou, Déby Itno, Musseveni, Obiang et tous ses dinosaures qui peuplent encore la faune politique africaine. On se sera lourdement trompé sur son compte. Hélas !

 

La Rédaction  

Dernière modification lelundi, 23 mars 2020 22:29

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