Menu

Sur la chloroquine: «Dans trois semaines, nous ferons de bonnes recommandations» (Pr Halidou Tinto, coordonnateur de la recherche sur la chloroquine)

A quelques jours du lancement des deux essais cliniques en vue de trouver un remède au coronavirus au Burkina Faso, le Pr Halidou Tinto, coordonnateur de l’essai sur la chloroquine, nous a accordé une interview dans l’après-midi du 30 mars 2020 au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), à Ouagadougou. Le directeur de recherche, directeur régional de l’Institut de recherches en sciences de la santé (IRSS) à Nanoro qu’il est nous a en effet confié que l’opération va débuter très prochainement et que les chercheurs seraient en mesure de faire de bonnes recommandations au ministère de la Santé dans les trois semaines qui suivraient.

 

 

Vous êtes surtout connu dans la recherche liée au paludisme. Où en êtes-vous aujourd’hui avec le vaccin contre la malaria ?

 

Les plus célèbres de nos travaux de recherche sur la malaria concernent le vaccin RTSS, que nous avons développé pendant près de dix ans et qui a donné une activité de protection contre cette maladie qui est d’environ 50% sur une année. Et lorsque nous avons suivi les enfants sur une période de quatre années, cette efficacité a été de l’ordre de 36%. Ces résultats ont bénéficié d’une opinion positive de l’Agence européenne des médicaments (AEM). Ensuite, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est approprié ces données et s’est aussi dit qu’étant donné qu’il n’y a pas de vaccin au stade actuel, ces résultats sont certes modestes mais méritent une attention particulière. C’est ainsi que depuis un an, cette structure onusienne a initié le déploiement de ce vaccin en phase pilote dans trois pays africains qui sont le Malawi, le Ghana et le Kenya sur plus de deux cent mille enfants pour voir d’abord si dans les conditions de vie réelle, nous pourrons reproduire la même efficacité que nous avons enregistrée lors des essais cliniques. Ensuite, nous verrons si ce vaccin aura un impact sur le taux de mortalité des enfants, puis enfin s’il sera facile à déployer dans le cadre du Programme élargi de vaccination (PEV). Mais la recherche est dynamique, et comme nous n’étions pas satisfaits lorsque nous avons testé ce vaccin, nous avons donc continué de travailler.

Avec nos partenaires de l’Université d’Oxford en Angleterre, nous avons modifié ce RTSS en espérant qu’il soit plus efficace et cette modification nous a donné le R21, le 21 pour 21e siècle, puisque le premier a été développé au siècle d’avant, même s’il a été testé par la suite. R21, c’est donc la nouvelle génération, ce sont pratiquement les mêmes protéines mais modifiées. Nous sommes en train de le tester présentement à Nanoro sur 450 enfants qui seront suivis dans un premier temps pendant un an, nous allons analyser les données et, par la suite, allons leur administrer une dose de rappel en espérant augmenter le seuil de protection afin qu’il soit mieux que le précédent. Nous escomptons 75% de protection avec ce nouveau produit et si les résultats sont concluants, cela veut dire que nous allons oublier son «ancêtre » et nous rabattre sur celui-ci. Chose qui pourrait nous amener dans une phase 3 à partir de la fin de cette année et dans trois ans nous verrons s’il va se comporter mieux que l’ancien. 

        

Dans quelle échéance, selon vous, pourra-t-on l’administrer à grande échelle ?

 

Si les résultats sont à la hauteur de nos attentes, il faudra aller pour l’enregistrement de ce vaccin avant de le mettre sur le marché. Nous, nous sommes des chercheurs qui testent un produit mais ne pouvons pas le commercialiser. Ce qui fait que nous travaillons en collaboration avec une industrie indienne dénommée le Serum Institute of India qui est chargée de déployer tous les vaccins utilisés dans le cadre du PEV. Si le produit est bon, cette industrie va racheter le brevet et le produire à grande échelle pour sa commercialisation. Nous allons analyser les tendances en juin prochain : si le taux va de 70 à 75% en un an, nous irons dans la phase 3 qui concernera des milliers d’enfants du Burkina Faso et du Kenya (2400 au minimum) pour  voir encore si nous aurons les mêmes résultats. Et si à l’issue de cette étude de trois ans nous arrivons à montrer que l’efficacité du vaccin est maintenue à des seuils assez élevés, nous le ferons enregistrer avant sa mise sur le marché. L’un dans l’autre, il faut au moins cinq ans. Cela peut sembler trop long mais par exemple le développement de RTSS a commencé depuis 1983, soit il y a plus de 30 ans. Pourtant,  il n’est pas encore sur le marché. C’est dire qu’il y a un long processus avant d’arriver à la commercialisation.

 

L’enregistrement de ce vaccin va consister en quoi au juste ?

 

Cela veut dire que le dossier sera soumis à des autorités de régulation telles l’Agence européenne de médicaments, la FDA aux États-Unis, ou notre Agence de régulation pharmaceutique, qui vont examiner tout le protocole utilisé pour l’étude, les questions de sécurité de l’utilisation du vaccin, d’efficacité et dire s’il s’agit d’un bon vaccin qui peut être accepté dans les pays pour être commercialisé, avant de donner l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Si l’AMM est obtenue, cela veut dire que le vaccin peut être commercialisé sur leur territoire et utilisé pour vacciner leurs concitoyens qui voudraient venir en Afrique pour des visites par exemple.   

 

Mais à ce stade, quels sont les résultats que vous avez déjà constatés sur les 450 enfants ?

 

Du point de vue de la sécurité, c’est un vaccin qui se comporte bien, nous n’avons pas eu beaucoup d’effets indésirables. Mais concernant l’efficacité, il faut patienter, nous continuons de le suivre et cela se terminera en fin avril. En mai, nous commencerons à nettoyer les bases de données et au plus tard en juin, nous aurons des résultats à présenter à la presse et par ricochet au public.  

 

Depuis des semaines, on ne parle plus que du coronavirus, qui a officiellement infecté 222 personnes dans notre pays à la date du 29 mars. Ces chiffres, selon vous, sont-ils conformes à la réalité de la situation ?

 

Bien entendu, ils reflètent la réalité du point de vue officiel puisque basés sur les données dont disposent nos structures sanitaires. Mais dans toute épidémie, il y a des gens qui souffrent de la maladie mais n’iront pas se faire dépister. Du coup, cela est difficile à évaluer parce que des gens, pour une raison ou une autre, vont opter d’aller vers d’autres thérapies au lieu des services sanitaires. Mais je fais confiance à la population qui a été suffisamment sensibilisée, en espérant que tous ceux qui ont eu des signes de la maladie se sont fait dépister. Il y a tellement de sollicitations au niveau de l’appel d’urgence et cela avait été signifié par le coordonnateur au cours d’un point de presse ! On se rend compte qu’il y a l’effet de la psychose aussi qui amène les gens à se faire dépister. Ce jour, sur plus de 80 personnes, il y avait à peine 30 qui ont été testées positives. Au vu de tout cela, je pense que ces chiffres peuvent être considérés comme réels.

 

Est-ce que le gouvernement ne cacherait pas certaines données pour ne pas ajouter à la psychose comme d’aucuns le pensent ?

 

Il y a beaucoup de transparence. Le gouvernement ne contrôle pas la diffusion de ces données. C’est une cellule de riposte qui travaille de façon indépendante, qui est composée de biologistes indépendants qui n’ont pas intérêt à cacher ces chiffres qui le fait. En matière d’épidémiologie, si les données sont pipées, cela va nous revenir à la figure car lorsque que l’épidémie atteindra une certaine ampleur, elle sera incontrôlable. S’ils étaient tronqués, vous alliez vous en rendre compte parce que nos services sanitaires seraient débordés par la sollicitation mais jusque-là, nous n’avons pas atteint le niveau de saturation concernant les lits disponibles à Tengandogo. Le coordonnateur a fait cas de 400 lits mais nous ne sommes qu’à 200 cas, y compris ceux des autres provinces. Je pense que de façon sérieuse et consciente, nos autorités ne joueront pas à ce jeu parce que sinon, ça va se retourner contre nous.    

 

Pour certains, cette bombe virale qui a mis un peu de temps avant d’arriver sur le continent africain risque d’exploser dans les semaines à venir. Partagez-vous ces prédictions apocalyptiques ?

 

Quand on suit la dynamique de la maladie en Chine et en Europe, je pense, comme eux, que nous n’avons pas encore atteint le pic de l’épidémie. Il y a à peu près deux semaines que les mesures radicales ont été prises, j’appellerais cela un confinement partiel, à savoir la fermeture des marchés, des écoles et un durcissement au fur et à mesure. Ce sont ces mesures qui nous permettront d’avoir un impact sur la réduction du nombre de cas. Si on considère qu’elles sont entrées en vigueur il y a à peu près deux semaines et que la période d’incubation est de sept à quatorze jours, tous ceux qui ont pu avoir des contacts avant la mise en œuvre de ces actions vont commencer à développer leur maladie dans une ou deux semaines. Donc je crains que les cas ne baissent pas avant deux semaines, à condition que les gens restent disciplinés, civiques, car nous sommes dans une situation assez critique qui exige la contribution de chacun afin que nous puissions casser la dynamique de la transmission au niveau communautaire. Pour la casser, il n’y a pas de secret : c’est la réduction des contacts humains qui passe par les décisions gouvernementales. Je pense que beaucoup d’efforts ont été faits, notamment en matière de moyens pour l’application de ces mesures, sinon je crains que ça explose comme cela évolue ailleurs dans le monde.    

 

Le ministre de la Recherche scientifique, le Pr Alkassoum Maïga, a annoncé la mise en œuvre de deux essais cliniques dont vous êtes l’un des coordonnateurs. En français facile, c’est quoi un essai clinique pour le commun des Burkinabè ?

 

L’essai veut dire tester un outil, un médicament, un vaccin. C’est le tester dans certaines conditions pour vérifier qu’il peut être utile à  la population du point de vue de la sécurité de son utilisation, de son efficacité et des conditions dans lesquelles on peut avoir l’effet escompté. Le terme « clinique » signifie tout simplement que cela concerne des êtres humains. Dans le processus de développement des médicaments, il y a la phase préclinique, c’est-à-dire tout ce qui se fait avant qu’on n’administre le produit à un être humain. C’est par exemple son administration à un singe, un rat, une souris, etc., pour démontrer que le produit ne crée pas de dommage aux animaux et à partir de là, passer à la phase d’essai clinique qui concerne les humains.

 

Comment cela va se passer concrètement ?

 

Comme dans tout processus d’essai clinique, la première des choses, c’est d’élaborer un protocole. Autrement dit, écrire dans un document tout ce que vous ferez pendant votre essai, les conditions dans lesquelles il sera réalisé, les hypothèses qui vous ont conduit à initier cette recherche et ce à quoi vous vous attendez. Sur le plan réglementaire, notre pays dispose de structures qui vont d’abord examiner le contenu de ces protocoles, qui sont dans un premier temps le Comité d’éthique pour la recherche en santé. Lui, il s’assurera que vous n’allez pas entamer une recherche qui va abuser des populations, qui va les mettre dans une situation où elles vont risquer leurs vies. S’il estime que l’essai est conduit selon les règles de l’art en respectant les principes de bonnes pratiques cliniques et de standards internationaux, le dossier est ensuite transmis à l’Autorité nationale de régulation pharmaceutique, où le Comité technique d’examen des essais cliniques, composé d’experts de différents domaines de la science, va voir si ce dossier est cohérent sur les plans technique et scientifique. Une fois que ces deux instances auront donné leur  quitus, vous pourrez avoir une autorisation d’importer le produit que vous voulez tester et vous rendre finalement sur le terrain pour le faire. Mais dans le cas du Covid-19, où nous nous trouvons dans une situation d’urgence, les deux comités, au lieu de soumettre les protocoles de façon séquentielle, ont fait une soumission parallèle aux deux instances qui les examinent à l’heure où nous parlons. Nous avons l’espoir que d’ici la fin de cette semaine, nous aurons le retour de ces organes. Nous sommes également en contact avec l’Agence nationale de régulation et le ministère de la Santé pour voir comment nous pourrons, très rapidement, acquérir les produits afin que dès la semaine prochaine, nous puissions lancer les essais avec l’inclusion des premiers patients qui vont recevoir les traitements.

 

Sur quelle base va se faire le choix des 64 cobayes ?

 

Dans le principe des essais cliniques, pour le choix des patients, il y a deux aspects. Il y a d’abord ce qu’on appelle la randomisation, c’est-à-dire que le fait pour le patient de recevoir tel ou tel médicament ou encore telle combinaison de médicaments à tester est un fait du hasard. Ce sera comme de la loterie. On tire à l’avance les numéros des patients et nous-mêmes qui ferons ces essais ne savons pas à qui nous devons administrer quoi si ce n’est à l’ouverture des enveloppes. L’avantage est que cela permet à l’opération de ne pas être biaisée, d’avoir des résultats fondés sur la réalité des choses car si on doit choisir quoi donner à qui, il y a déjà une injustice, ce qui n’est pas toléré en la matière. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous ne devons pas inclure des gens de nos familles dans ces essais parce que nous avons le risque d’avoir un regard plus attentionné sur nos proches, contrairement aux autres ; ce qui est humain. Mais les essais veulent qu’on donne la chance à tous les participants de recevoir l’un ou l’autre traitement, voire de ne rien recevoir.

 

Sur l’ensemble des 222 cas testés positifs au Covid-19, comment vous allez extirper les 64 personnes qui subiront ces essais cliniques ?

 

Je dois d’abord préciser qu’en ce qui me concerne, l’essai se fera avec un médicament conventionnel connu, la chloroquine, l’azithromycine, et l’idée pour nous sera de combiner ces deux, de les comparer à la chloroquine utilisée toute seule, pour voir si l’un ou l’autre peut traiter le Covid-19 avec le moins de risque sur le plan de la toxicité. L’autre étude concerne l’apivirine, c’est un autre cas avec des dérivés de plantes que je ne maîtrise pas. Mais nous n’allons pas faire ces essais sur ceux qui sont déjà atteints par la maladie. Parce que pour l’essai clinique, vous devez avoir les données à la base, tout ce qui est fonction rénale, hépatique, cardiaque, de la personne. Nous savons par exemple que la chloroquine est toxique pour le cœur. Quelqu’un qui a un cœur défaillant ne recevra pas ce médicament car il court un gros risque. Les doses que nous allons administrer sont très fortes. Je vous rappelle que la chloroquine est connue pour le traitement du paludisme et elle a été retirée du marché en 2005, précisément à cause de la résistance que les parasites avaient vis-à-vis de lui. Quand on l’utilisait pour le paludisme, c’était à des doses très faibles à raison de six comprimés pour le premier jour de traitement, autant pour le deuxième jour et trois pour le troisième jour. Ce produit a été mis au point spécialement pour cette maladie. Mais comme toute molécule, un même produit peut avoir une activité principale connue sur un parasite et aussi une autre activité sur d’autres types de microbes. Dans ce cas-ci, la chloroquine a une activité secondaire sur le virus et pour l’amener à détruire ces virus, il faut augmenter la dose. Dans le cadre de l’essai clinique sur le Covid, nous administrerons six comprimés par jour pendant 10 jours. De 15 comprimés pour le traitement du paludisme, nous passerons à 60 pour le coronavirus.

 

D’où le danger…      

En effet, il faut savoir que la dose efficace de la chloroquine n’est pas loin de la dose toxique et n’est pas loin de la dose qui peut vous tuer. Il y a quelques années, lorsque quelqu’un voulait se suicider, il prenait dix comprimés de chloroquine parce qu’une telle dose est toxique. Là, on va prendre des doses qui vont se cumuler. Ça nécessite qu’on l’observe. Donc à l’entrée, on va voir l’état de votre foie, des reins et du cœur avant de vous donner le médicament. C’est pourquoi les malades qui sont déjà là, certains ont eu des suivis et peut-être qu’ils sont en train de guérir, si vous les testez vous allez vous dire que c’est l’efficacité du produit alors qu’ils étaient en train de guérir.

Il faut rappeler que concernant le coronavirus, dans 80% des cas, si vous avez un organisme solide, vous allez guérir spontanément sans traitement. C’est comme le rhume ou la grippe qu’on a l’habitude d’avoir. C’est une maladie dont le taux de létalité ne dépasse pas 4%. Si on regarde au Burkina Faso, le taux de mortalité est bas.

Le hic, c’est quand vous avez d’autres problèmes de santé. Parmi les personnes décédées dans notre pays, la plupart étaient des gens qui avaient soit le diabète, soit l’hypertension artérielle ; sauf  le jeune de 33 ans qui est décédé et dont on ne connaissait pas les pathologies associées. La plupart de ces maladies éprouvent déjà votre système immunitaire alors que quand vous contractez le virus, il va lutter avec vous à travers ce système. Donc si vous êtes bien portant, costaud comme on le dit, en principe vous ne mourrez pas. Vous allez vaincre la maladie.

Parmi les malades déjà recensés, il y a certains qui étaient en train de guérir. Si on leur donne le médicament, on ne peut pas dire que c’est le médicament qui les a guéris. Non. Mais le médicament peut accélérer cette guérison. C’est ça, l’avantage. Parce que si on démontre que la chloroquine marche, ça peut accélérer. Au lieu que vous preniez trois semaines pour vous rétablir, le médicament en six jours pourrait éliminer vos virus. Le médicament va lutter contre le virus et pendant qu’il le fait, votre système immunitaire va l’éliminer. L’avantage du médicament, c’est qu’il va accélérer le processus. Plus on accéléra la guérison, moins on aura d’infections dans la communauté. Voilà des raisons pour lesquelles on va préférer de nouveaux patients. On va les prendre dès le départ. Là on connaît leur  situation  de base, on leur donne le médicament, on les suit et on observe comment ils évoluent jusqu’à la guérison.

 

Est-ce que l’avis des patients et celui de leurs familles seront requis au préalable ?

 

Notre équipe va s’installer à Tengandogo et à l’hôpital Souro- Sanon. Nous allons travailler en étroite collaboration avec les équipes cliniques de ces hôpitaux. Si un patient   suspecté de COVID-19  arrive et qu’il est testé positif, nous lui dirons que nous avons un essai clinique et nous lui en exposerons les tenants et les aboutissants. Vous savez qu’il n’y a pas de médicament approuvé, certifié sur le plan international contre la pandémie. Nous sommes dans la perspective de faire des recherches. Nous allons vous proposer trois options. Dans tous les cas, sans l’essai clinique vous n’auriez pas reçu de soins, on va vous suivre avec les soins palliatifs. Avec l’essai clinique, vous allez recevoir soit la chloroquine, soit la chloroquine plus l’hydroxychloroquine. Le fait d’appartenir à l’un des bras est lié au hasard. Si on tire votre numéro et que vous appartenez à l’un ou l’autre, ce n’est pas nous qui avons décidé. C’est préétabli. Si vous donnez votre accord, on vous fait signer une fiche de consentement : Vous consentez librement de participer à l’étude, ce n’est pas une obligation. Et vous pourrez vous retirer à tout moment. A partir du moment où on vous inclut, on vous suit pendant deux semaines.

 

Est-ce que vous disposez des moyens humains, matériels et techniques suffisants pour mener à bien ces essais ?

 

Nous disposons des moyens techniques parce que cela fait plus de vingt ans que nous sommes dans le domaine des essais cliniques. On a même fait des essais plus complexes que ça. Par exemple, lors de l’épidémie d’Ebola, on a testé au centre Muraz à Bobo-Dioulasso un vaccin contre la maladie. Actuellement, nous avons un vaccin en cours chez les PVVIH infectées d’Ebola. On a, comme vous l’avez rappelé, testé des vaccins contre le paludisme. On a testé beaucoup de médicaments qui sont aujourd’hui dans les pharmacies en vente comme l’artemeter, le pyramax qui est un nouveau médicament. Donc nous avons l’expertise. Cette expertise est même valorisée sur le plan international parce que je siège au niveau de l’UE dans les instances qui financent les essais cliniques à travers le monde. Donc, les hommes, on en dispose.

Maintenant, sur le plan financier l’Etat s’est engagé, à travers le Fonds national pour la recherche et l’innovation (FONRID), à financer l’essai clinique. Il est important de le mentionner. La recherche a été conçue par des Burkinabè, le financement sera effectué par l’Etat burkinabè. C’est vraiment un engagement qu’il faut saluer. Parce que ce n’est pas toujours ainsi.

 

Combien va coûter donc l’essai clinique ?

 

Nous sommes encore en discussion pour finaliser le budget. On a des réunions qu’on va tenir cette semaine parce qu’il nous reste une semaine pour tout boucler. Le budget définitif n’est pas encore arrêté. Mais l’Etat s’est engagé, quel que soit le montant sur lequel on va s’accorder, à mettre les moyens pour que l’essai clinique puisse être conduit car le COVID-19 a arrêté la vie au Burkina Faso. On ne vit plus, il n’y a plus d’activités, et il faut qu’on redémarre la machine. L’Etat en est conscient et s’est engagé et nous avons confiance qu’ils vont financer.

 

Un montant approximatif

 

C’est difficile. Parce que le budget peut évoluer en fonction du nombre de patients et en fonction de la dynamique. L’OMS est aussi dans la perspective de lancer un grand test international auquel notre pays va participer à travers ma personne en tant que coordonnateur national. Si cet essai aboutit, ça va nous faciliter la tâche. On n’aura pas besoin d’aller jusqu’au bout avec notre essai parce qu’après un certain nombre de personnes, nous avons prévu qu’après 30 personnes dans chaque bras nous puissions faire une analyse, dire au gouvernement si on peut y aller avec la chloroquine ou non. Même si on peut y aller, voilà les conditions qu’il faut. Ce qui va nous amener à remodeler le budget parce que l’OMS va mettre les ressources pour nous accompagner.

 

L’utilisation de la chloroquine fait l’objet d’une vive polémique entre les partisans du Pr Raoult de Marseille et ses adversaires. Doit-on comprendre que le Burkina Faso a choisi son camp dans cette querelle de scientifiques ?

 

Le Burkina Faso est un pays souverain qui n’a pas de camp à choisir. C’est pourquoi nous avons entrepris d’élaborer ce protocole.  Parce qu’on aurait pu se rabattre sur les résultats du Pr Raoult ou ce qui a été fait en Chine. Les réalités en France sont différentes des nôtres. Celles en Chine sont aussi différentes des nôtres.  Et le système de santé burkinabè n’a pas la force du système français. Les gens ne font pas attention. Quand le Pr Raoult parle de la chloroquine, ce médicament qu’on connaît sous le nom de nivaquine est très toxique.  C’est pourquoi lui-même, il utilise l’hydroxychloroquine qui est un dérivé de la chloroquine et qui est moins toxique que la chloroquine mais qui est plus cher.  Ce que Raoult n’ajoute pas, c’est qu’avant de donner le médicament, il fait un électrocardiogramme. Deuxièmement quand les Français ont fait la recommandation d’utiliser la chloroquine, ils ont recommandé que ça se fasse en milieu hospitalier.  De sorte qu’on puisse surveiller le patient au fur et à mesure qu’on lui donne le médicament.  S’il y a un petit problème, le cardiologue peut intervenir tout de suite.  Mais quand il parle de la chloroquine on ne donne pas toutes ces informations. Au Burkina, nous avons combien de cardiologue ? C’est dire que le contexte n’est pas le même. Si on doit l’appliquer, il faut voir comment on peut adapter le protocole à nos réalités et à nos conditions locales. Les gens ne font pas la différence entre l’hydroxychloroquine et la chloroquine alors que c’est deux choses différentes. Je le répète encore, ce que Raoult utilise c’est l’hydroxychloroquine. Mais comme tout vient de la chloroquine, on dit chloroquine. En réalité, l’hydroxy est meilleure. Dans notre essai clinique, c’est ce qu’on cherche. Mais la chloroquine est plus accessible que l’hydroxychloroquine. Elle est moins chère mais plus toxique. En tant que chercheur, on ne peut pas être conscient de tous ces éléments et fermer les yeux   sous prétexte que l’étude a été faite en France par Raoult qui dit que c’est bon et l’utiliser dans notre pays sans même donner de précisions sur les conditions dans lesquelles on l’utilise. Les Français sont dans un milieu hospitalier et ils ont beaucoup de respirateurs. Et si on dit d’utiliser la chloroquine sans explications, les gens vont commencer à s’empoisonner.

 

Vous parliez tantôt de l’hydroxychloroquine qui est plus cher, le médicament peut coûter combien ?

 

Sur le marché, ça dépend des marques disponibles. Il y a même des formules indiennes. Mais en moyenne entre 4000 et 5000FCFA la boîte. Et une boîte qui contient 20 comprimés ne peut pas suffire pour le traitement. La posologie à laquelle on veut aller, c’est six comprimés par jour sur dix jours. Donc il faut trois boites. Dans l’essai, on va voir s’il faut aller jusqu’à dix jours. Est-ce qu’au bout d’une semaine, ce n’est pas suffisant ? Et là, il faut utiliser moins de boîtes, donc cela va réduire le coût. Comme la prise en charge est gratuite, cela va encore réduire le coût pour l’Etat.

 

De tout temps, il y a une bataille féroce que se livrent les firmes pharmaceutiques. Est-ce que la polémique sur la chloroquine ne cache pas des enjeux économiques énormes ?

 

Je ne crois pas que cela cache des enjeux économiques parce que les décisions sont prises sur un fondement purement scientifique. Si on fait notre essai clinique et qu’on dit qu’on peut utiliser l’hydroxychloroquine pendant sept jours, le Burkina va l’adopter. Parce que c’est basé sur l’évidence. Ce n’est pas empirique. Ce n’est pas parce qu’on a entendu qu’ailleurs on l’utilise qu’on le fait. Non. On a fait les preuves que dans notre pays avec notre système de santé, si on va à dix jours on va exposer beaucoup de gens qui vont mourir d’autre chose que du coronavirus. Donc, ce n’est pas un enjeu économique à ce stade. Je pense que le monde est tellement ébranlé qu’aujourd’hui nul ne peut avoir un esprit mercantiliste dans la lutte contre le COVID-19 à l’étape actuelle. La preuve est qu’on cherche aujourd’hui l’hydroxychloroquine qu’on ne trouve pas sur le marché. Pour faire notre essai, on est en discussion actuellement avec l’Agence nationale de régulation pharmaceutique. On espère qu’on en aura avant la fin de cette semaine pour pouvoir commencer notre essai la semaine prochaine. C’est dire que la demande est forte et les usines pharmaceutiques n’arrivent même pas à satisfaire la demande actuelle. Donc ce n’est pas une question de course.

 

On parle de séquelles liées à la prise de ce produit, quelles sont-elles exactement ?

 

Il y a le cœur. Il y a aussi les yeux. Ça s’accumule au niveau de vos yeux quand vous prenez la chloroquine. Ça peut aller jusqu’à la destruction de votre rétine et vous allez devenir aveugle à vie. C’est pourquoi chez ceux qui ont pris la chloroquine dans le passé, ça s’accumule au niveau des yeux qui s’alourdissent. Il faut aussi savoir que la chloroquine ne s’élimine pas vite du sang. Les deux organes qui sont vraiment attaqués lorsque vous êtes intoxiqués, c’est le cœur et les yeux. C’est pourquoi ceux qui voulaient se suicider, la prenaient et leur cœur s’arrêtait. Avec dix comprimés seulement des gens mouraient ou s’ils ne mouraient pas, ils tombaient dans le coma. Il y a aussi des organes comme le foie, les reins mais les organes préférentiels sont ceux cités plus haut.

 

Mais entre deux maux, est-ce qu’il ne faut pas choisir le moindre?

 

Dans les essais cliniques, il y a ce qu’on appelle Risque-Bénéfice. Ça veut dire qu’il n’y a aucun médicament qui n’ait pas d’effet nocif.  C’est pourquoi dans les notices de médicaments, on mentionne les effets secondaires. Tous les médicaments ont des effets secondaires. Maintenant à chaque fois qu’on voit un médicament qu’on vend, on essaie de voir entre les effets secondaires et le bénéfice qu’il peut donner au malade, la balance penche de quel côté. Il vaut mieux avoir des diarrhées qui vont passer et après vous serez guéri.  Quand on regarde de la sorte, on se dit qu’il vaut mieux donner le médicament parce que les risques qu’il y a peuvent passer. Si on prend le VIH, les premiers ARV qui ont été mis sur le marché, si ce n’est pas parce qu’il n’y avait rien à proposer et qu’on était dans une situation où SIDA était synonyme de mort, si c’était aujourd’hui personne  n’allait accepter les administrer : les effets secondaires étaient terribles.  Sur le rein, le foie, ça entraînait tellement de problèmes, mais on n’avait pas le choix. Quand on a regardé le rapport Risque-Bénéfice, contre le SIDA il n’y avait pas de solution, c’était la mort assurée. Mieux valait donner le traitement malgré les effets secondaires en espérant qu’un jour il y aura un médicament.

Parlant du COVID-19, voilà une maladie qui, même sans traitement vous donne 95% de chances de vivre si vous êtes bien portant. Votre système immunitaire va lutter et combattre la maladie. Est-ce qu’il faut prendre le risque de bousiller vos yeux ou votre cœur pour 4% de risque de mourir ? Ou bien il faut vous traiter ?

Maintenant, quand vous êtes dans un tableau de gravité avec détresse respiratoire, le risque de mourir est de 70 à 80%. Quand vous prenez quelqu’un qui est dans ce tableau, moi je dirai oui qu’il faut lui donner le médicament parce qu’il n’a que 20% de chance de vivre. Quand le risque de succomber est élevé, dans notre jargon on parle d’usage compassionnel. C’est-à-dire un médicament dont vous soupçonnez qu’il a une activité mais vous n’en êtes pas sûr mais comme la personne est face à la mort, vous préférez l’essayer bien que vous ne soyez pas sûr de ces effets secondaires. Par contre, quelqu’un qui est dans un tableau modéré, c’est-à-dire qui arrive bien portant et qui fait un peu de fièvre ou a des courbatures, si après l’essai clinique on révèle que les risques sont tels que si je donne le médicament à la personne cela risque d’accélérer sa mort, je préfère ne rien lui donner. C’est l’essai clinique qui détermine la conduite à tenir

 

Dans quel délai peut-on avoir des résultats probants parlant de ces essais cliniques ?

 

Le protocole initial prévoit de recruter au total 30 personnes. Parce que ce qui est reproché à l’étude du Pr Raoult, c’est qu’il avait recruté 24 personnes. Il n’avait pas un groupe contrôle, pourtant je disais tantôt qu’on peut en guérir sans traitement. Il a pris 24 personnes à qui il a donné la chloroquine et à la fin, il dit que 75% des patients ont été guéries, une personne est décédée, etc. Et il dit que c’est la chloroquine qui les a guéris. Alors qu’en temps normal, ces malades avaient 80% de chances de guérir sans traitement. Comment on peut dire que c’est grâce à la chloroquine ? C’est pourquoi nous critiquons son étude. C’est pourquoi dans notre étude, on aura un groupe qui ne va rien recevoir et sur la base des résultats obtenus, on va donner des recommandations très solides. On va recruter 30 dans chaque bras. Un groupe qui va recevoir la chloroquine ou l’hydroxychloroquine et l’autre groupe qui ne recevra pas le traitement. Après on va les comparer. Nous avons deux semaines pour le suivi qui va consister à voir l’activité du cœur, du foie, etc. Après cela, nous allons analyser les données sur sept jours à peu près et on va donner les résultats. Donc en gros, on aura besoin de trois semaines à partir de celle qui vient, pour dire si on peut aller vers cette solution ou pas. Et si après les trente premiers cas dans chaque groupe, on a des résultats intéressants, on ne va plus laisser les gens sans leur donner de traitement puisqu’on aura démontré qu’il y a un effet. On va donner soit la chloroquine, soit l’hydroxychloroquine plus l’azithromycine. Certains pourraient se demander pourquoi on a introduit les deux bras. C’est pour voir si l’hydroxychloroquine et l’azithromycine ensemble donnent le même résultat que l’hydroxychloroquine seule ; si c’est le cas, alors pourquoi surcharger les patients avec deux produits si un seul peut faire l’affaire ? L’idée de l’essai, c’est de répondre à toutes ces questions afin de faire de bonnes propositions. On va ensuite continuer avec les deux bras (hydroxychloroquine, chloroquine plus azithromycine) sur 300 personnes pour analyser et publier ces résultats sur le plan international. C’est une étude robuste puisqu’on a 300 personnes, soit 150 par bras. Ce n’est pas comme le Pr Raoult qui a fait l’étude sur seulement 24 personnes et sans bras de  contrôle. On espère qu’à partir de la semaine prochaine (pendant trois semaines) on pourra faire de bonnes recommandations au ministère de la Santé.  

 

Si les tests s’avéraient concluants sur la chloroquine, dans quel délai également la machine de sa production pourrait-elle être réactivée en urgence ?

 

Cela ne relève pas de ma responsabilité mais quand j’ai écouté le ministre, le processus est déjà lancé afin que la structure de production puisse se réactiver le plus rapidement possible. Ils ne vont même pas attendre la fin de l’essai, ils ont déjà commencé parce que cette structure produit également du paracétamol, un produit qui sera toujours utile en dehors même du Covid-19. Tout le monde le prend et moi-même j’en ai avalé ce matin avant de venir au service. Dans tous les cas, l’industrie sera installée avec ou sans le Covid car on a pris conscience, à travers cette pandémie, qu’il y a des choses à faire. Le coronavirus va donc nous permettre de nous remettre en cause et de réinventer notre système de santé pour que dorénavant, nous soyons préparés quand on aura une autre crise de ce genre. Rappelez-vous que quand il y a eu Ebola, on était dans la même dynamique mais lorsque l’épidémie est passée, on s’est un peu relâché. Il faut maintenir la dynamique après le Covid-19 pour qu’on puisse faire face à une autre crise sanitaire si elle survient.

 

Quelle sera la capacité de production de l’usine ?

 

Lors du point de presse, le ministre a parlé de 200 000 comprimés de chloroquine et 200 000 comprimés de paracétamol par jour pour chaque catégorie.

 

Le comité scientifique chargé de chapeauter les essais cliniques est-il déjà installé ?

 

L’équipe qui doit conduire les essais est déjà constituée. Elle est composée de quinze chercheurs ayant différentes spécialités. La première réunion aura lieu le mercredi 1er (Ndlr : l’interview a été réalisée le 29 mars 2020. La réunion a eu donc lieu hier 1er avril) parce qu’on était préoccupé à finaliser le protocole. Comme tout cela est maintenant effectif, tous les acteurs vont se retrouver pour coordonner les différentes activités.

 

Que pensez-vous de l’apivirine du Pr Agon, objet du 2e essai clinique que coordonne le Pr Sylvain Ouédraogo?

 

Je ne peux pas me prononcer sur ce produit parce que ce n’est pas mon domaine. Ce sont des phytomédicaments. Mais si j’en crois ce qu’il a lui-même déclaré, il y a eu quelques patients qui ont consommé l’apivirine et qui lui ont fait part de leur satisfaction. Malheureusement, en science, on ne peut pas se fonder sur l’empirisme. A notre niveau, par exemple, je vous ai dit qu’on va prélever le sang, voir les fonctions du foie et du rein, faire des électrocardiogrammes, etc. Ça, c’est du concret. Ce n’est pas le malade qui dit que son rein marche ou que son cœur est en bon état. Ce sont les équipements qui parlent. En science, il faut être précis et pour ça, on a les outils qu’il faut. Dieu merci, le produit va entrer dans un essai clinique qui permettra de dire définitivement si l’apivirine est efficace ou pas.

 

Est-ce que l’OMS est d’une manière ou d’une autre impliquée dans ces essais cliniques dans notre pays ?

 

Non, pour les essais en cours. Mais je suis en contact avec l’OMS en tant que coordonnateur national d’un essai clinique international qu’on appelle Solidarity. Le protocole dudit essai est prêt et sera soumis au comité d’éthique. Son avantage est qu’en plus de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, on va ajouter trois autres médicaments dont des antirétroviraux qui ont fait leurs preuves lors de l’épidémie d’Ebola et chez les personnes atteintes du VIH. Il  y aura même des antirétroviraux injectables puisque ceux qui sont par exemple dans une détresse respiratoire ne peuvent pas avaler de médicament. Donc l’essai clinique de l’OMS sera lancé bientôt avec quatre bras, le but étant de pouvoir proposer autre chose à quelqu’un dont le cœur ne peut pas supporter la chloroquine par exemple. Cet essai sera aussi utile pour ceux qui ont des insuffisances cardiaques et qui ne peuvent pas recevoir de fortes doses de chloroquine. Toutes ces solutions seront testées. J’espère que la maladie ne va pas se prolonger, qu’on va trouver une solution définitive d’ici deux à trois mois et que nous ne serons pas dans des essais cliniques durant toute l’année.

 

Vous nous demandez donc de prendre notre mal en patience alors que la situation s’aggrave de jour en jour ?

 

C’est vrai que les populations ne comprennent pas pourquoi notre pays n’adopte pas tout de suite l’utilisation de la chloroquine alors qu’il semble que c’est utilisé ailleurs. Sur ce sujet, le Burkina Faso a décidé de ne pas suivre aveuglément ce qui se passe ailleurs car les réalités des hôpitaux européens ou chinois sont différentes de celles des structures de santé burkinabè. De plus, il y a des conditions  édictées en Europe pour l’utilisation de ces médicaments que le Burkina ne peut pas s’offrir. Il faut donc que nous, en tant que chercheurs, nous essayions d’adapter cela à notre système de santé. Et il faut que les Burkinabè comprennent que l’Etat ne peut pas décider de sacrifier sa population en lui disant de ne pas utiliser ce produit. Il y a des raisons. On entend certain dire qu’ils connaissent la chloroquine parce qu’ils l’ont utilisée pendant plusieurs années. Oui, c’est vrai mais c’était dans quelles conditions ? C’était des traitements de trois jours alors qu’ici on parle de dix jours et donc de doses plus élevées. Personne n’a suffisamment d’expérience sur l’utilisation de telles fortes doses. Il faut simplement patienter deux à trois semaines car ce laps de temps peut contribuer à sauver des millions de vie plutôt que d’aller aveuglément et sacrifier des milliers de personnes qui auraient pu survivre au COVID-19 sans traitement. Il faut donc que les uns et les autres comprennent que ce n’est pas de façon délibérée que l’Etat patiente pour avoir des résultats probants avant de prendre la décision de recommander l’utilisation de la chloroquine.

On sait que les gens sont impatients et qu’il y a la panique mais il faudra rester serein car sans une comorbidité, dans 80% des cas, on guérit de façon spontanée, sans traitement. On traite les symptômes et c’est l’organisme qui fera le reste. C’est ceux qui ont un tableau de comorbidité qui ont moins de chance de survivre. Par ailleurs, notre population est jeune, nous avons moins de décès qu’en Europe et le nombre de cas aussi est moins important. On peut dire que jusqu’à présent on est dans les bonnes marges de taux de létalité parce qu’on a moins de 5%. Ce n’est pas la catastrophe comme Ebola. Je voudrais donc inviter les Burkinabè à ne pas céder à la psychose. Aujourd’hui, lorsqu’on dit que vous avez le Covid-19, on pense que vous êtes condamné. Mais non, ça va passer comme un rhume. Et probablement qu’il y a des personnes infectées qui pensent qu’il s’agit d’un simple rhume.

 Interview réalisée par

Aboubacar Dermé

Zalissa Soré

Hadepté Da

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut