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Coronavirus au Burkina : «Les effets de la crise se ressentiront sur au moins 3 ans»(Dr Relwendé Sawadogo, économiste)

Enseignant-chercheur à l’Institut burkinabè des arts et des métiers (IBAM), le Dr Eric Relwendé Sawadogo, estime que les annonces faites jeudi par le président du Faso devraient être accompagnées de mesures à long terme pour faire face à cette crise dont les effets, d’après lui, s’étaleront sur au moins trois ans.

 

 

Comment appréciez-vous d’une manière générale la batterie de mesures annoncées par le chef de l’Etat pour juguler les conséquences du Covid-19 ?

 

La sortie du président est tardive vue l’urgence de la situation, mais c’est déjà bien que lui et son gouvernement aient fini par parler aux Burkinabè pour les rassurer. Elle est salutaire dans la mesure où le président a annoncé des mesures qui,  si elles sont effectivement appliquées, pourraient atténuer certains effets de la crise et rassurer la population qu’il y a toujours un capitaine qui dirige le bateau Burkinabè.

 

Quel peut être l’impact des mesures économiques sur notamment les entreprises dont la plupart tournent au ralenti ?

 

Les mesures fiscales vont permettre aux entreprises qui devraient payer des taxes en avril et mai  d’avoir de la liquidité pour poursuivre leurs activités et payer les salaires de leurs travailleurs. Ainsi, à court terme, je pense qu’elles auront des effets non négligeables sur les entreprises qui bénéficieront de ces politiques fiscales. 

Il faut aussi signaler que ce sont des mesures d’urgence à court terme qui vont limiter les pertes de certaines structures, et il faudrait déjà commencer à réfléchir sur des mesures à long terme. La plupart des mesures fiscales étant prévues  pour une période maximum de 3 mois alors que les effets de cette crise se ressentiront sur une période d'au moins 3 ans.

Cela dit, ces mesures, à mon avis, n’auront pas d’effets importants vu la structure économique de notre pays  et vu qu'un bon diagnostic  n’a pas été fait avant de les énoncer. J’ai l’impression qu’on s’est contenté de faire ce que les autres font et c’est ce qui est déplorable. Pourquoi, je dis cela ? Au Burkina, combien d’entreprises évoluent dans le formel pour bénéficier des mesures fiscales annoncées ? Pas beaucoup.

 

Que fallait-il donc faire ?

 

La crise étant multidimensionnelle, les mesures devraient concernées tous les secteurs de l’économie et toutes les couches sociales. Alors qu’on remarque que la plupart concernent certaines entreprises et les citadins. Combien de gens ont-ils  par exemple accès à l’électricité au Burkina ? Pas plus de 10 % de  la population burkinabè. Selon le président, la distribution des vivres se fera par l’intermédiaire des  associations de marchés et yaars. Qu’est-ce qui est concrètement fait pour nos mamans ou de bouchers qui vendent au bord des marchés et routes de jour comme de nuit ? Par ailleurs, les stocks d'intervention de la SONAGESS ne peuvent même pas couvrir les besoins alimentaires de Ouaga et Bobo. De ce fait, les villageois n'en  bénéficieront pas, étant donné qu’ils sont déjà coupés des grandes villes. Ensuite, quand j’observe l’ensemble des mesures, il ne fait pas cas du secteur de l’éducation alors que  nos universités étaient déjà en retard. Quelles sont les mesures qui ont été prises pour résoudre cette équation ? Il n'a pas non plus  parlé du secteur de la santé alors que certains pays ont annoncé des primes pour les travailleurs et des plans d’investissement massif dans la santé.

 

D’aucuns estiment à ce propos que le chef de l’Etat aurait dû faire un geste pour apaiser le climat social. Etes-vous de cet avis ?

 

Le président du Faso a manqué effectivement l'occasion de réconcilier le peuple burkinabè. Le Covid-19 est un contexte suffisamment critique pour sonner le grand rassemblement comme beaucoup de pays l'ont fait. Par exemple, Macron a suspendu sa réforme sur les retraites à laquelle il tenait tant, Macky Sall a rencontré tous ses opposants et les OSC pour faire taire les divergences et faire face à la conjoncture du moment. Il me semble osé d'entendre certaines personnes dire que les mesures de décrispation n'ont rien à voir avec le COVID-19 puisque les travailleurs sont en première ligne dans la riposte. Aujourd'hui, ce sont les personnels de santé et les FDS, bientôt ce seront les enseignants pour sauver l'année scolaire, ensuite les fonctionnaires du ministère des Finances qui devront être hyper motivés pour collecter le maximum de ressources et ainsi de suite. C’est en cela que je dis que les mesures devraient être multidimensionnelles. J’ai bon espoir qu’il pourra se rattraper lors de ses prochaines sorties, car, avec cette crise, on aura besoin d’une cohésion sociale d’au moins deux ans pour pouvoir rebondir.

 

Interview réalisée par

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemercredi, 08 avril 2020 21:00

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