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Décès Gabriel Dominique Désiré Kaboré : Missive à un ami, un frère

Dans notre édition n° 10067, du  lundi 30 mars  2020, en page 19, nous rapportions la disparition prématurée de l’architecte Désiré  Gabriel Dominique Kaboré.

Dans le témoignage qui va suivre, voici l’hommage que lui rend l’un des ses anciens condisciples du lycée Philippe- Zinda-Kaboré, et non des moindres, puisqu’il s’agit de Kadré Désiré Ouédraogo (KDO), qu’on ne présente plus.

 

 

Cher Gabriel Dominique Désiré Kaboré,

Homo (comme nous nous appelions toi et moi)

Comme j’aimerais ne pas avoir à m’adresser à toi dans de telles circonstances en ce moment! J’aurais préféré que ces adieux soient repoussés le plus longtemps possible, lorsque nous, tes camarades et toi, aurions tenu la canne de la vieillesse. Mais hélas, le Seigneur notre Dieu et notre créateur en a décidé autrement en te rappelant à Lui le samedi 28 mars 2020.

 

 

C’est donc pris au dépourvu et totalement effondré, que je m’adresse à toi en mon nom et au nom de tous tes camarades de promotion du lycée Philippe-Zinda-Kaboré pour te dire aurevoir. Car pour nous ce n’est pas en réalité un adieu car tu vivras dans nos esprits tant que nous vivrons.

 

En ces jours d’émotion, beaucoup de souvenirs se bousculent dans nos têtes. Que retenir des cinquante années qu’a duré notre cheminement avec toi sur terre?

 

En effet, c’est en octobre 1970 que pour beaucoup nous faisions ta connaissance lorsque tu es venu avec d’autres nous rejoindre en classe de Seconde C au lycée Philippe-Zinda Kaboré. C’était la seule seconde de série C et nous formions une bande de joyeux copains. Depuis, les trois années du second cycle ont resserré nos liens d’amitié et nous étions devenus comme des enfants d’une même famille, heureux et curieux d’apprendre de nos professeurs dont les emblématiques monsieur Puel et madame Mifsud pour les mathématiques et les sciences physiques respectivement en seconde C, puis madame Béréni et monsieur Yougma Benjamin pour les mathématiques et les sciences physiques respectivement en première C et en terminale C.

 

Puis ce fut le baccalauréat en juin 1972 où nous avons tous été admis. C’est d’ailleurs cette même année 1972, à quelques mois du Bac, qu’avec beaucoup de tristesse nous sommes venus chez toi pour nous recueillir avec toi sur la dépouille mortelle de ton feu père Dominique Kaboré, homme politique renommé que tu chérissais tant. Nous avions tous eu peur que ce chagrin immense ne te déstabilise pour l’épreuve du Bac. Eh bien non, puisque tu décrochas avec brio ce premier diplôme universitaire qui t’ouvrit largement les portes des universités françaises où nous devions poursuivre nos études grâce aux bourses d’études nationales et étrangères offertes par la Haute-Volta.

 

Je me souviens du fameux vol UTA (Union des Transports Aériens) du 11 septembre 1972 qui a acheminé beaucoup d’entre nous vers Paris pour la rentrée soit dans les universités, soit dans les classes préparatoires aux grandes écoles.

 

L’esprit de rigueur, de sérieux, de compétence et de curiosité qui t’a toujours habité a fait son œuvre et c’est ainsi que tu décrochas sans difficulté ton diplôme d’architecte à Paris. Jeune diplômé et profondément attaché à ton pays, tu es revenu te mettre au service de l’administration publique de ton pays pour respecter l’engagement décennal que nous avions tous signé de servir notre pays en premier. C’est après de bons et loyaux services dans le secteur public à différents niveaux de responsabilité que tu décidas de voler de tes propres ailes en ouvrant le cabinet privé d’architecture CAAI (Cabinet africain d’architecture et d’ingénierie) dont les prouesses nous ont valu de beaux édifices dans la capitale et ailleurs au Burkina Faso. Il serait long de les citer ici, mais pour l’exemple, il est bon de rappeler que la salle de conférences de Ouaga 2000 est une de tes œuvres.

 

Tu aurais pu continuer encore à faire bénéficier ton pays de ton génie créateur. Mais tu nous quittes au moment où nous avons le plus besoin de ta présence. Car tu n’étais pas seulement un architecte confirmé et respecté, tu étais aussi pétri d’humanisme, de générosité et de probité. Aimant le travail jusqu’à priver ta famille de tes rares temps libres. Des hommes comme toi sont assurément les boussoles dont notre nation a besoin aujourd’hui dans sa quête d’unité, de bonne gouvernance et de progrès. De tes œuvres littéraires nous avons beaucoup appris sur l’histoire de notre pays.

 

Un proverbe mossi dit que « le petit de l’antilope ne saurait boîter quand elle-même bondit ». C’est dire que tu as de qui tenir quand on sait l’apport de feu ton père Dominique Kaboré pour l’émancipation de notre pays. Avec Philippe Zinda Kaboré auquel le liait une amitié sincère comme tu le montres dans l’ouvrage que tu as consacré à leurs relations, il a participé au mouvement politique qui a conduit à l’indépendance de la Haute-Volta. Administrateur civil hors pair, ami de Ouezzin Coulibaly, de Félix Houphouët Boigny, d’Ahmed Sékou Touré, de Nazi Boni et tant d’autres, il a défendu jusqu’à sa mort la dignité de l’homme africain et la justice.

 

Tu viens de rejoindre dans le ciel ta chère maman puisque celle-ci nous a quittés en début d’année 2018. Veuve Lucie Kaboré/Traoré a inlassablement défendu la veuve et l’orphelin au Burkina Faso. Femme de courage et de dignité, elle a osé pourfendre les plus rétrogrades de nos traditions pour que le droit des veuves soient respectés. Elle a créé la fondation Lucie-Kaboré dont le rôle social a été reconnu et récompensé par la nation.

 

Comme tes parents, tu as été un don du Tout-puissant à notre pays. Dieu a donné, Dieu a repris, que son nom soit glorifié. Puissent tes œuvres et ton exemple inspirer la jeune génération de Burkinabè.

 

Tu pars prématurément, laissant une famille éplorée à laquelle nous voulons redire notre compassion, notre solidarité et nos condoléances les plus attristées.

 

A Nathalie ton épouse, à Willy et Steve tes enfants et à tous les membres de ta famille, nous donnons l’assurance que ton absence ne changera rien aux liens affectueux qui nous unissent depuis des années.

 

Cher camarade, cher ami, repose en paix et que la terre du Burkina te soit légère.

Kadré Désiré Ouédraogo,

ami et camarade de promotion

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