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Kamou Malo, sélectionneur national : «certains clubs pensent qu’avoir un préparateur physique est un luxe»

 

Le monde sportif a été freiné dans son élan par la pandémie de coronavirus. Toutes les compétitions sont à l’arrêt, aussi bien sur le plan national qu’international. Et cela n’est pas sans conséquences sur la forme physique des athlètes. Si certains sportifs de haut niveau disposent de programmes spécifiques pour rester compétitifs, beaucoup sur le plan local, triment entre arrêt prolongé et difficulté à toucher leur salaire. Le sélectionneur national Kamou Malo estime que c’est au joueur de se rendre compte que son métier est son gagne-pain et que les clubs doivent disposer d’un préparateur physique.

 

 

 

 

En tant qu’athlète de haut niveau et compétiteur, comment se sent-on lorsque son activité première est à l’arrêt à cause du coronavirus ?

 

 

 

Les premiers sentiments qu’on ressent, c’est la frustration de ne pas pouvoir s’adonner à son sport favori. En plus de cet état de fait, il y a les dommages économiques. Un athlète de haut niveau, c’est aussi des calculs économiques.

 

 

 

Dans ce cas, quel doit être le comportement d’un footballeur qui se trouve privé de l’entraînement collectif et même de matches ?

 

 

 

L’athlète de haut niveau vit ces situations difficiles en général en fin de saison, mais ce que nous vivons actuellement n’était pas prévu. Aucun club au monde n’y était préparé. L’arrêt est obligatoire et brusque. La grande interrogation pour les clubs, c’est à quelle date le championnat ou la compétition va reprendre. On ne peut donc pas parler de planification. La plupart des grands championnats qui étaient en train d’arrêter définitivement la saison et prêts à déclarer certains clubs gagnants, sont en train de réfléchir à une probable reprise parce qu’il y a d’énormes investissements en jeu. On ne peut pas annuler par exemple un championnat qui est à 8 journées de sa fin. Pour les clubs qui ont déjà anticipé, il faut avoir de grands moyens.

 

Pour ce qui est du joueur professionnel, il doit disposer d’infrastructures, d’un très bon encadrement et de moyens pour maintenir certaines aptitudes en éveil. Au bout de sept jours de repos, l’athlète perd déjà sa forme. Certains, souvent au bout de quinze jours, reprennent cette préparation de début de saison. Il faut avoir donc une activité sportive pour maintenir certains  réflexes en éveil.

 

 

 

Quelles peuvent être ces activités de maintien et d’éveil dans ce contexte de confinement ?

 

 

 

Naturellement au haut niveau, en début de saison, le préparateur physique enregistre les données de chaque joueur. Il a la capacité d’individualiser ses programmes et de leur dicter la conduite à tenir chez eux. A domicile avec le nécessaire, chacun essaie de se maintenir. Je suis en contact avec certains de mes joueurs qui, par visioconférence, s’entraînent avec leur préparateur physique. Mais sur le plan national, c’est différent ; on manque de tout. Le plus important pour l’athlète ici, c’est de savoir comment s’alimenter avant de penser au maintien.

 

 

 

Quels types de conseils vous prodiguez aux sportifs burkinabè et même aux joueurs des Etalons en cette période de Covid-19 ?

 

 

 

Il s’agit d’une prise de conscience d’abord. Parce qu’on ne peut pas aider une personne qui n’est pas consciente. J’explique à chaque joueur qu’il doit aimer son métier et rien d’autre. Le premier bénéficiaire, c’est bien lui. Il vit de cela. Les présidents et responsables de club n’achètent que des joueurs performants. C’est donc aux joueurs de s’organiser afin d’avoir une activité physique, à défaut suivre le programme édicté par le club.

 

Sous nos tropiques, combien de clubs disposent d’un préparateur physique attitré ? Cela ramène le débat à la question de la qualité des différents staffs. Certains présidents de club pensent que s’attacher les services d’un préparateur physique, c’est créer des dépenses supplémentaires. Aujourd’hui, c’est indispensable pour la survie de nos différentes équipes.

 

 

 

En tant que sélectionneur national, lorsque la situation va se normaliser, quelles seront les conséquences de ce chamboulement sur votre agenda ?

 

 

 

Je ne suis pas le seul à vivre cette situation. Tout le monde est pratiquement à l’arrêt. Les joueurs s’entraînent et j’ai la chance d’avoir 60 à 70% de mon effectif en Europe. Chacun essaie, dans son club, de se maintenir. Je pense que la FIFA et la CAF ne vont pas relancer les activités subitement. Je me dis qu’elles vont s’assurer au préalable que les activités footballistiques ont bel et bien repris et qu’il y a la cadence. Au bout du compte, c’est l’image que ces institutions de foot vendent. A quoi sert de reprendre si les garçons ne sont pas en jambes et capables d’offrir du spectacle ? Je crois que nous sommes tous logés à la même enseigne.

 

 

 

Des acteurs culturels ont revendiqué et obtenu un fonds spécial pour faire face à la crise sociale et sanitaire consécutive au coronavirus, mais le monde sportif, qui est aussi touché, est silencieux ; ou bien il n’y a pas de manque à gagner ?  

 

 

 

Je vais être sincère avec vous. Nombreux sont nos garçons qui vivent de ce qu’ils gagnent à la fin du mois. Si on peut appeler cela salaire, l’Etat préfinançait certains salaires. Je sais que les salaires sont toujours payés et les joueurs perçoivent toujours le minimum qu’ils gagnaient durant cette traversée. Le rôle du sportif, c’est aussi d’être solidaire du peuple. C’est vrai qu’il y a des griefs, mais certaines corporations sont plus nanties que d’autres. A ce titre, nous, en tant que sportifs, nous lançons un appel à la solidarité parce que tout est prioritaire en ce moment. C’est mieux que nous soyons patients, que nous prions afin que cette situation se normalise.

 

 

 

Interview réalisée par

 

Kader Traoré

 

W. Harold Alex Kaboré

 

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