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PMU’B : Une reprise… au petit trot

Parmi les secteurs d’activités éprouvés par la pandémie de coronavirus au Burkina, figure en bonne place celui des jeux de hasard, lequel relève de la Loterie nationale burkinabè (LONAB). Laquelle avait suspendu la commercialisation du Pari mutuel urbain (PMU) le 16 mars 2020 avant de lever la mesure le 8 mai dernier. La vie reprend donc son cours dans les clubs PMU, trois jours après cette réouverture. Mais une reprise au petit trot,  en tout cas, selon notre constat à Ouagadougou.

 

 

Lundi 11 mai. Cela fait trois jours que la commercialisation du PMU est à nouveau autorisée, après plusieurs semaines d’arrêt. Mais, pour le moment, cette reprise ne concerne que les clubs PMU, pas les Espaces courses en direct (ECD). De ce fait, l’ECD Zaka est l’ombre de lui-même en cette matinée. A notre passage vers 10 heures, les abords de l’édifice sont assiégés par un groupe d’enfants en situation de rue qui, visiblement, y ont passé la nuit. Allongés sur le parvis, certains d’entre eux profitent de l’air matinal encore frais. Non informés de la fermeture prolongée de cette catégorie de jeu, certains turfistes débarquent au parking, puis retournent simplement, qui avec une mine déconfite, qui avec stupéfaction. Ousmane est de ceux-là. Il ne jure que par les courses en direct, et ne s’attendait à rien d’autre qu’à pouvoir tenter sa chance en ce début de semaine. Mais une fois n’est pas coutume, il devra, contre mauvaise fortune bon cœur, se contenter de parier en club.

Si les clubs PMU ont rouvert, ce n’est pas sans qu’au préalable un certain nombre de conditions soient réunies :  le lavage des mains à l’eau et au savon et le port du masque sont au premier plan de celles-ci. Plutôt de nouvelles règles du jeu. Au club  Z 188 sis à la zone Zaka, ces règles sont de rigueur. Devant le kiosque est dressé un lave-mains, un passage obligé pour tous. Depuis le guichet, la patronne des lieux, Sévérine Rouamba, est attentive au respect des gestes barrières élémentaires. «Ceux qui refusent de se soumettre aux consignes, nous nous gardons simplement d’enregistrer leur jeu», nous fait-elle savoir. Pourtant, ce n’est déjà pas la grande affluence des turfistes. Devant le guichet, une demi-dizaine de parieurs. La gérante du club soutient qu’auparavant, le lundi, à pareille heure (10 heures et demie), le rang était très long  et les joueurs débordaient les limites du kiosque. Dame Rouamba  croit savoir le pourquoi de cette reprise timide: «Aux premiers moments de l’arrêt des réunions hippiques en France, nos paris étaient  adossés à d’autres courses internationales, à savoir en Afrique du Sud et à Hong Kong. Aujourd’hui, nous sommes repartis en France, mais ce n’était pas le cas il y a deux ou trois jours. Le vendredi 8 par exemple, il s’agissait d’une course en Suède, et hier c’était en Allemagne. Les parieurs préfèrent les réunions françaises aux autres, simplement parce que, avec ces dernières, il n’y a pas de journal hippique bien connu». Autre chose, la jeune dame est convaincue que si elle ne reçoit plus un grand nombre de clients, c’est du fait d’une baisse du pouvoir d’achat liée à la pandémie. Et d’arguer que même ceux qui ont l’habitude de miser beaucoup ne se contentent plus que du minimum.

 

Compte pas bon chez les ‘’pressé-pressé’’

 

Autre lieu, le club Z 232, non loin de la Cathédrale. Le constat est presque le même. Le même dispositif de lavage des mains est installé, le port du masque est aussi obligatoire. Mais certains clients se soustraient à la vigilance de la gérante, Rasmata Ouédraogo. Quand d’autres ne contournent pas le lave-mains, ils se présentent sans masque de protection alors que le port  de celui-ci est obligatoire, faut-il le rappeler. Comme ailleurs, les candidats aux lots ne se bousculent pas au portillon. Mais, comparée aux jours précédents, l’affluence en cette journée de reconnexion aux courses françaises a de quoi satisfaire Rasmata Ouédraogo qui, bien avant que survienne la pandémie, faisait une recette journalière de 500 000 F CFA en moyenne. Encore près d’une demi-heure, soit à 11 heures 40, pour que les jeux du jour soient bouclés ; pourtant la jeune dame n’a dans la caisse que la moitié de sa recette habituelle.

Reprise au trot ou pas, cette réouverture des kiosques PMU fait bien l’affaire de leurs gérants qui ont dû passer de longs jours en chômage technique. «Plusieurs semaines à la maison sans occupation alternative, ce ne fut pas du tout facile à supporter», soupire Rasmata Ouédraogo. Quid des turfistes ? Autant que les gérants de kiosques, ils ne cachent pas leur plaisir de renouer avec les jeux de hasard. Parieur circonstanciel, Daouda Zongo dit tenter sa chance pour la première fois depuis la récente réouverture des kiosques. Cette satisfaction de parier de nouveau sur les chevaux, le transporteur de profession l’estime légitime, lui qui croit savoir que bien des gens ont fait du PMU leur gagne-pain.

Faire des jeux hippiques un gagne-pain, c’est aussi une option prise par un tout autre type de pronostiqueurs : les payeurs de gains ‘’pressé-pressé’’, comme on les appelle. Ils ne sont jamais loin du siège de la nationale des jeux de hasard, prêts à racheter un ticket d’un heureux gagnant impatient d’entrer en possession de son gain, moyennant la cession d’une partie dudit gain. Ils ont eux aussi repris service.  Mais pour l’instant, ce ne serait pas les bonnes affaires. Un groupe d’une dizaine de personnes se tourne en effet les pouces à l’entrée de l’immeuble abritant les services de la LONAB. Comme si l’humeur est ici entachée par la reprise timide de l’activité, difficile pour le scribouillard que nous sommes de trouver un interlocuteur. «Vous voyez bien que nous n’avons pas grand-chose à faire pour l’instant. Si vous revenez ici dans une semaine, avec la reprise des courses en France, vous trouverez sûrement de quoi vous mettre sous la dent», finit par lâcher un membre du groupe, un homme de la cinquantaine. Et comme pour ne pas lever un pan de leur business, certains se réfugient derrière un argument bien solide : «Nous devons avoir l’accord de notre patron avant de nous prononcer». Pas même une photo avant cet aval.

 

Bernard Kaboré

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