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Mort suspecte du journaliste Samuel Wazizi : Un de plus, un de trop !

 

Samuel Wazizi n’a pas répondu présent,  le 28 mai dernier, à la convocation du président de la Haute Cour de Fako  dans la région sud-ouest du Cameroun. Il ne sera pas non plus présent à l’audience du même tribunal renvoyée au 9 juin prochain, tout comme il ne présentera plus le journal télévisé à Chillen Media TV ni sur aucune autre chaîne.

 

 

Ce journaliste est mort  selon diverses sources dont celle de la haute hiérarchie militaire proche du dossier, jointe par Reporters sans frontières (RSF). Il allonge ainsi la trop longue liste des confrères tombés plume ou micro à la main  dans des circonstances non élucidées, victimes des prédateurs de la liberté d’informer. Pour rappel, il avait été arrêté  le 2 août 2019 par la gendarmerie à Muea, dans la région anglophone du Sud-ouest du pays. 5 jours plus tard, il était livré à des militaires de la 21e brigade d’infanterie de Buea. Il lui était reproché des propos critiques à l’égard des autorités camerounaises au sujet de la gestion de la crise séparatiste. Depuis lors, ses proches et son avocat n’avaient plus eu de ses nouvelles avant que la presse n’annonce sa mort, confirmée par le Syndicat national des journalistes camerounais et RSF.

 

Comment est-il mort ? Difficile de le savoir puisqu’il était détenu au secret. Mais la version officielle, tentant d’accréditer la thèse d’un décès par suite de maladie, est loin de convaincre. En effet, plusieurs informations recoupées par RSF disent qu’on a fait subir au journaliste des sévices corporels afin de  lui arracher des aveux sur sa présumée complicité avec les séparatistes. En tout cas, RSF, le syndicat national des journalistes camerounais et bien d’autres organisations de la société civile demandent instamment au gouvernement Paul Biya de sortir de l’omerta qu’il observe sur cette affaire. L’indignation a monté dans le pays, relayée par les réseaux sociaux où les internautes ne décolèrent pas contre les autorités. Mais hélas, pas sûr que les pressantes demandes d’enquêtes indépendantes formulées par plusieurs ONG aient une suite favorable. Au demeurant, sans pousser le scepticisme à l’extrême, au risque de qualifier ces jérémiades sur la triste fin de Samuel Wazizi de larmes de crocodile, on ne peut de se poser cette lancinante question : où étaient-ils, tous ces défenseurs de la liberté de la presse et  activistes des droits de l’homme depuis  août 2019 ? Pendant 10 mois, ils ont gardé un silence coupable, sinon étaient timorés dans leur revendication d’une justice équitable pour celui qu’on pleure aujourd’hui. Pendant 10 mois que Samuel Wazizi était introuvable, on n’a rien vu de cette charge accusatrice contre les apparatchiks du pouvoir camerounais.

 

Et pourtant, il y a des précédents au Cameroun qui devraient pousser les défenseurs de la liberté de la presse  à y être permanemment à un niveau d’alerte dans le rouge vif : en effet, en 2010, Germain Bibi Ngota, le directeur de publication de Cameroun express, est mort dans les mêmes circonstances suspectes. Actuellement, l’ex-directeur général de la radio-télévision publique, la CRTV, subit les affres d’une détention provisoire qui n’en finit pas depuis 4 ans.

 

En dehors du Cameroun, il est un triste constat que sous nos tropiques, les ennemis de la liberté d’informer, voire nos princes du moment, en tant de crise, n’hésitent pas à broyer du journaliste pour raison de sécurité d’Etat ou sous couvert de la lutte contre le terrorisme : souvenons- nous de Gislaine Dupont et de Claude Verlon, assassinés au Mali  de Jean Hélène et de Guy-André Kieffer, tombés en Côte d’ivoire, pour ne citer que les cas les plus emblématiques des 20 dernières années. Dans cette série macabre, la mort de Samuel Wazizi est un crime de plus, un crime de trop sur l’autel de la raison d’Etat.

 

 

Zéphirin Kpoda

Dernière modification ledimanche, 07 juin 2020 21:15

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