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Libération Ignace Sossou: Six mois de prison pour rien

Ignace Sossou est libre. Enfin. Le journaliste béninois est en effet sorti hier de la prison de Cotonou où il avait passé les six derniers mois. C’est donc un homme visiblement soulagé, accueilli à sa sortie de prison par une foule de journalistes, qui a tenu tout de suite à saluer ses confrères et l’ensemble des organisations qui n’ont pas, il est vrai, marchandé leur soutien depuis décembre 2019.

Les malheurs de Sossou commencent quand, au cours d’un séminaire organisé par CFI, il relaie sur ses pages Facebook et Twitter les propos du procureur Mario Métonou plutôt critiques vis-à-vis de l'attitude du pouvoir béninois sur la liberté d'expression. "La coupure d'Internet le jour du scrutin (législatif) du 28 avril est un aveu de faiblesse des gouvernants", aurait notamment déclaré le procureur, qui n’a pas démenti cela. Des propos sortis de leur contexte, jure le magistrat qui traîne à la barre l’employé de Bénin web tv pour « harcèlement numérique par le biais de communications électroniques ». Un délit qui, selon l’accusation, aurait causé une « détresse émotionnelle » au plaignant.

En réalité, le requérant a dû se rendre compte après coup de la gravité de ses propos politiquement incorrects pour un magistrat de son rang ayant de surcroît des relations hiérarchiques avec la chancellerie. Tout s’est donc passé comme s’il avait battu sa coulpe sur la poitrine du pauvre journaliste qui n’était d’ailleurs pas le seul à publier les extraits incriminés.

Mais le plus malheureux dans cette affaire c’est que CFI ait tout de suite pris ses distances avec le pisse-copie, allant même jusqu’à l’enfoncer dans une lettre adressée aux autorités béninoises. Plus tard l’agence française a eu beau rétropédaler, le mal était déjà fait au grand dam du journaliste condamné en fin décembre 2019 en première instance à 18 mois de prison ferme et 200 000 francs CFA d’amende. Une peine qui sera ramenée en appel le 19 mai dernier à 12 mois de prison dont 6 avec sursis toujours assortis de la condamnation pécuniaire de 200 000 francs.

On ne peut que s’associer à la joie de notre confrère qui recouvre la liberté. Mais, tout compte fait, il aura passé 6 mois derrière les barreaux pour rien. Et ce dossier, quoi qu’on en dise, entache son casier judiciaire. On comprend dès lors que, pour les avocats de la défense, le combat pour la réhabilitation de leur client ne soit pas encore terminé.

En vérité, bien plus que le procès d’un journaliste, c’est celui d’un régime qui a été fait ces six derniers mois, tant depuis l’arrivée de Patrice Talon au pouvoir, on a le sentiment que le phare de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la liberté de la presse est en train de pâlir. Le pays traverse une grave crise politique depuis les élections législatives du 28 avril auxquelles l’opposition n’avait pas pu présenter de candidat. Ce qui avait entraîné des troubles violemment réprimés. Aujourd’hui, les principales têtes de l’opposition vivent à l’étranger, poursuivies par la justice de leur pays. Et le Bénin a perdu 12 places entre 2018 et 2019 dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporter sans frontières. Voilà donc le nouveau visage du pays qui fut jadis le quartier latin de l’Afrique de l’Ouest. Un pays qui, il n’y a pas si longtemps, était salué pour le dynamisme de sa démocratie.

 

H. Marie Ouédraogo

 

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