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Insécurité au Burkina: Le Général Miningou sur le front Est

Depuis quelques années, le Burkina fait face à des menaces terroristes. En 2019, l’armée lançait  Otopuanu dans le Gourma pour enrayer la menace djihadiste. Pour assurer le ‘’service après-vente’’, plusieurs détachements sont déployés un peu partout dans cette partie est du pays.  Le mardi 23 juin 2020, le chef d’état-major général des armées, le général Moïse Miningou, en compagnie de plusieurs officiers, à bord d’un Mi 171, a été tour à tour au 34e RIA, le détachement de Madjoari (Kompienga), à la base d’appui consolidée d’Ougarou (Matiakaoli) et à la gendarmerie de Tanwalbougou pour booster le moral des hommes.

 

 

Journée on ne peut plus chargée pour le CMGA qui a revêtu sa tenue léopard pour monter au front. Parti de Ouaga peu après six heures du matin et une  heure environ  de vol, le voici face à certains de ses hommes dans le 34e Régiment interarmées (RIA) déployés dans le cadre de la lutte contre l’hydre terroriste à l’Est. Après les honneurs militaires et la revue de troupes, place à des échanges de plus deux heures au carré d’armes. « Quand je regardais vos visages tout à l’heure, j’ai eu peur. Vous avez des mines serrées. Y a-t-il un problème ?», a demandé sur un ton taquin le général avant de leur traduire tout son plaisir d’être avec eux en cette matinée.   

Puis, c’est une minute de silence que lui et ses hommes ont observée à la mémoire de leurs frères d’armes qui ont défensivement quitté les rangs. «C’est avec plaisir que je suis devant vous ce matin pour vous encourager et vous dire que cette guerre que vous menez est noble. Avec le peu qu’on vous donne, vous arrivez à faire beaucoup de choses. C’est ça le mérite », a-t-il indiqué dès l’entame de son propos.

Si le général Minoungou est fier des victoires remportées par ses hommes, il est conscient qu’ils n’ont pas encore gagné la guerre contre le terrorisme, que les hommes sans foi ni loi ont encore une emprise sur des axes routiers et qu’il faut s’atteler à les libérer le plus vite possible.

« A l’Est trois militaires ont obtenu des permissions pour se rendre dans leurs familles et sont portés disparus. Ça n’est pas normal dans un pays comme le Burkina Faso. On doit pouvoir être libre de circuler. Et c’est nous qui devons rétablir l’ordre. Continuez de faire votre boulot. Soyez déterminés, et ils seront obligés d’abdiquer. Ils sont moins que nous », a fait remarquer le CMGA. Après le 34e Régiment interarmées, il s’est rendu à Pama et à Madjoari dans la Kompienga.

 

« Là où c’est dur, ce sont les durs qui sont »

 

A Madjoari les boys de ce détachement se préoccupent peu de leur mise. Certains hommes ont troqué les rangers avec des bottes en cette saison pluvieuse. Pas le temps de se faire la barbe ou de se tailler la roche. « C’est la situation qui commande ça », tranche un soldat.  Pour s’abriter dans ce camp, ils ont fait des cabanes…Dans cette localité, toutes les écoles sont fermées. «Il y a eu une attaque contre une de nos équipes. Ce jour, ils nous ont pilonnés avec des roquettes. Dieu merci, on a réussi à les repousser. C’est depuis ce jour que tout est fermé ici», a détaillé un autre.

Dans cette localité frontalière où les hommes du lieutenant A. R. N. tiennent bien la baraque, la vie n’est pas aisée. Difficile d’avoir en permanence le réseau mobile pour s’imprégner des nouvelles de leurs familles. Pour des hommes qui ont quitté les  leurs depuis six mois, ce n’est pas facile. «Nous avons fait un mois ici sans réseau. Actuellement, c’est rétabli. Mais à partir de 18 heures, c’est encore coupé», a témoigné un autre.  En plus des aléas téléphoniques, les soldats doivent faire avec la horde de serpents qui descendent en permanance des collines vers leur base. «Là où c’est dur, ce sont les durs qui sont», susurre un officier supérieur.

 

 Mais en dépit de cet environnement hostile, les hommes ne se sont pas pliés au diktat des terroristes qui écument régulièrement cette localité. Selon certaines indiscrétions, à Madjoari la situation est sous contrôle et la collaboration avec les populations est au beau fixe. D’après la même source, seuls quelques deux ou trois villages font encore de la résistance, et ce ne serait qu’une question de temps.

 

 

«Quand la guerre s’éternise, ça épuise tout le monde»

 

A Ougarou où est stationnée la base d’appui consolidée dirigée par le colonel Sié Rémi   Kambou, installés dans un relief très accidenté, les soldats ont trouvé  un gîte dans les flancs et sur les cimes des collines boisées.

«Je vois que votre moral est haut. Je suis fier de vous», a-t-il affirmé tout de go. Avec eux, il a été aussi question des axes sous emprise  djihadsite. «On ne peut emprunter les axes  Pama- Madjoari et Pama-Fada. C’est de notre devoir de libérer ces axes», a-t-il indiqué.

Et pour qu’on ne s’enlise pas dans cette guerre, il a exhorté ses hommes à plus d’abnégation dans leur devoir. «Ayez la mentalité de guerrier et vous verrez que ça ira. Nos frères d’en face sont moins que nous. Qu’est-ce qu’ils ont de plus que nous ? Quand la guerre s’éternise, ça épuise tout le monde. Voyez l’intérêt de la nation, et après cette guerre vous verrez que la population aura une grande considération pour vous », leur a-t-il dit.

Après Madjoari, Ougarou, c’est dans le chaudron actuel de l’Est, Tanwalbougou,  que le général a terminé sa tournée. Sur les parois  des murs et les ouvertures de la brigade de gendarmerie, attaquée à quatre reprises, des impacts de balles et  quelques douilles témoignent  de la violence des assauts.

En face, toutes les boutiques sont fermées et les ouvertures menant sur le bitume jouxtant la brigade bouchées.

Il y a quelques jours, le 20 juin dernier, les pandores ont pu contenir une attaque dirigée contre une équipe des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). « Ce jour, nous avons été alertés par les VDP d’une attaque imminente contre un village situé à 7 km d’ici. Par des détours nous avons réussi à les surprendre et à prendre le dessus sur eux », explique un gendarme. Le butin est une bonne prise : deux engins explosifs, 11 motos, des tenues militaires, des batteries et des fils électriques, des portables et des Corans… A côté une autre prise, récupérée le 10 février est constitué de 5 motos, de  drogue, de  grenades artisanales, de 5 kalaches, d’un fusil mitrailleur, etc.

Après cette visite du patron des armées, le chef d’escadron Yaguibou Issa, qui commande le groupe départemental de gendarmerie de Fada N’Gourma, dit éprouver un sentiment de  satisfaction et d’encouragement. «Ce fut l’occasion pour le patron de l’armée de toucher du doigt les réalités que vivent les hommes sur le terrain dans le cadre de l’opération en cours. Les hommes de terrain que nous sommes  avons été très honorés par cette visite. Ça nous a réconfortés, encouragés et  cela a boosté notre moral », a soutenu le pandore.

 

Lévi Constantin Konfé

 

 

Encadré 

Organigramme et missions du secteur 2

 

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le Burkina est divisé en secteurs. Celui de l’Est est le numéro 2 et est dirigé par le colonel-major Oumarou Sawadogo, commandant de la 3e région militaire. En tant que chef d’état-major tactique il est le chef des opérations de tous les détachements. Sa mission concerne les provinces de la région de l’Est : la Gnagna, la Tapoa, la Komondjari, le Gourma et les deux frontières avec le Bénin et le Niger.

 « Nous sommes déployés en état-major tactique.  Je suis moi-même le chef d’état-major tactique  qui a rang de chef d’état-major d’armée. Les secteurs, nous en avons quatre, et leurs commandants sont des gens qui ont fait l’école de guerre comme on le dit dans le jargon militaire.  Ils sont secondés par des commandants de bases d’appui consolidées qui sont des officiers ayant au moins le diplôme d’état-major et des détachements qui sont commandés par des capitaines ou des lieutenants anciens. Nos missions sont les patrouilles quotidiennes, de jour comme de nuit, la sécurisation des lieux publics surtout les marchés, les lieux de cultes, les check points et le contrôle du couvre-feu ».  

 

L.C.K.

 

Encadré : 2

« Nous devançons pour ne pas être toujours les victimes »

(Le CEMGA, le général Miningou Moïse)

 

Pourquoi avoir initié une telle tournée ?

 

En tant que chef d’état-major des armées, il n’est pas question d’envoyer des éléments sur le terrain et ne pas de temps en temps passer les voir, les encourager et surtout leur traduire notre satisfaction pour le boulot qu’ils font.  C’est dans ce sens que nous avons programmé ces tournées pour les rencontrer.  Imaginez un soldat qui est sur le terrain et qui voit son chef venir l’encourager ça rehausse son moral. Cela les galvanise et ils sont prêts à se battre.

 

Certains soutiennent qu’après Otapuanu, il n’y a pas eu de service après-vente. Que répondez-vous ?

 

Est-ce que ceux qui parlent connaissaient la situation avant Otapunu ? Je ne pense pas ! S’ils connaissaient cette situation, ils allaient comprendre qu’il n’y avait pas autant de détachements. Après cette opération quand nous avons fait le point, nous avons vu que si nous relevons tout le dispositif il va y avoir des problèmes.  Un bon nombre de détachements ont été créés après Otapuanu et sont permanents jusqu’à présent. Je ne peux pas empêcher quelqu’un de le dire mais je sais ce que j’ai fait.

 

Certains soutiennent qu’au front il n’y a pas d’officiers. Qu’en-est-il ?  

 

Dans les détachements, nous avons vu des colonels pleins qui commandent. Quand les gens disent qu’il n’y a pas d’officiers sur  les fronts je leur laisse la paternité de leurs propos.

 

Durant votre tournée, vous avez toujours évoqué le mot frère en parlant des terroristes. Est-ce que c’est cela qui rend difficile la tâche ?

 

Je vous assure que c’est cette donne. Nous sommes militaires et il n’est pas aisé pour un militaire de neutraliser son frère. Nous sommes là pour défendre l’intégrité du territoire et la population. Quand vous avez à tourner des armes contre des membres de cette population, ça devient difficile ! Mais que voulez-vous ? On n’a pas le choix. S’ils nous attaquent, on ne dira pas que ce sont nos frères et que nous n’allons pas nous défendre. Cela, pour dire que nous savons que ce sont nos frères et nous ne pouvons pas les neutraliser pour la simple volonté de les neutraliser. Nous les neutralisons au cours des combats ou quand nous avons des informations sûres qu’ils sont en train de préparer quelque chose. C’est vrai, la plupart du temps nous attendions d’être attaqués pour nous défendre. Mais ça, c’est révolu. De temps en temps, si nous avons leur position, nous les devançons pour ne pas être toujours les victimes. Je répète que ce n’est pas aisé de neutraliser son frère.

 

Quel sentiment vous anime après  cette visite ?

 

 Je retiens de cette mission que les hommes sont déterminés et prêts à combattre malgré les conditions difficiles. Il y a quelques problèmes qu’ils posent. Dès que nous rentrerons, ce qui peut être résolu immédiatement, nous allons le faire, les doléances qu’ils ont posées, nous ferons tout pour les satisfaire.  Quand quelqu’un n’a pas ce qu’il veut pour combattre, c’est difficile. Si vous lui avez donné les moyens qu’il faut pour combattre, c’est avec fierté qu’il le fait. C’est notre devoir de pourvoir à cela.

 

L.C.K.

 

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