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Bilan Roch Marc Christian Kaboré : «Nous n’avons rien à envier à un quelconque régime depuis l’indépendance» (Clément P. Sawadogo, 1er vice-président du MPP)

 

Déferlement limité de foules au palais des Sports de Ouaga 2000, djandjobas interdits, cache-nez obligatoires, pour un congrès extraordinaire, celui du MPP qui s’ouvre ce 11 juillet ne l’est pas qu’à cause de son objet : investir Roch Marc Christian Kaboré, son porte-drapeau à la prochaine présidentielle. Il le sera aussi à cause des urgences sécuritaire et sanitaire. Mais pour son premier vice-président, Clément P. Sawadogo, le plus important, c’est de pouvoir se regarder dans une glace et de dire que les résultats sur les plans économique et social engrangés par leur champion au terme de son premier quinquennat à la tête de l’Etat « relève presque de la magie ». Aux lecteurs et surtout aux électeurs d’en juger.

 

 

 

 

A cinq jours (l’entretien a eu lieu le lundi 6 juillet) de la tenue de vos assises  extraordinaires, on suppose que vous êtes fin prêts.  

 

 

 

Oui, nous sommes absolument fins prêts pour tenir ce congrès extraordinaire qui va essentiellement investir notre candidat à la présidentielle. Mais avant cette étape, nous allons nous  livrer à  l’exercice  qui consiste à faire le bilan de son action, en tant que premier responsable  mais également un bilan global puisqu’il nous implique tous  en considération du fait  qu’en tant que  militants du parti majoritaire ou  des partis alliés, nous l’avons activement  soutenu.  Donc c’est notre bilan commun qui sera fait. Nous allons tirer les leçons de ce qui n’a pas marché de sorte que dans les préparatifs des élections nous puissions envisager des pistes de solution à présenter à l’électorat.

 

 

 

Vous attendez combien de congressistes ? Sachant que nous  sommes en pleine pandémie  de la covid 19, quelles mesures spécifiques avez-vous prises pour éviter que ce grand rassemblement ne soit un foyer de transmission du coronavirus ?

 

 

 

Nous ne serions pas  responsables si dans le contexte actuel nous ne prenions pas les mesures qu’exige la situation sanitaire. Nous attendons un peu plus de 4000 participants. Un nombre réduit à dessein afin que la mesure de distanciation sociale soit respectée dans la salle qui accueille les congressistes : le palais des Sports de Ouaga 2000. Sinon en temps ordinaire, cette espace peut recevoir  plus de 7000  personnes.  Hormis cela, le port du cache-nez sera obligatoire à l’entrée. Par ailleurs, pour respecter les mesures édictées par les autorités sanitaires, nous allons dresser des tentes à l’extérieur lors des cérémonies d’ouverture et de clôture  pour que nos militants de la commune de Ouagadougou qui sont invités à y assister puissent suivre en direct  sur des  écrans géants qui seront placés à l’extérieur du Palais, ce qui s’y passe. Un grand monde est attendu donc à l’ouverture et à la clôture du congrès, mais dans le respect strict des mesures barrières à la propagation de la covid 19.

 

 

 

Par ailleurs, le contexte sécuritaire difficile  que vit le Burkina n’imposait-il pas de la sobriété  pour investir votre candidat à la prochaine présidentielle ?

 

 

 

On ne va pasorganiser des réjouissances dans le cadre de ce congrès en oubliant les attaques qui ont cours ici et là dans notre pays. L’essentiel des manifestations  aura lieu autour du palais des Sports à l’intérieur duquel toutes les mesures seront prises comme il faut. Cette abstention de fêter  concerne aussi les sites d’hébergement et les lieux de réunion. Il n’y aura pas  véritablement de réjouissances ou toute autre activité  de nature à empiéter sur  les règles prescrites dans cette période.

 

 

 

Les affaires de corruption, d’escroquerie ou de tentatives d’escroquerie présumées où des proches de votre candidat sont impliqués ne plaident pas non plus pour des manifestations de joie dans vos rangs maintenant. N’est-ce pas votre avis ?

 

 

 

Nous ne nous  déroberons pas à quoi que ce soit. Ces faits présumés de  corruption, d’escroquerie, d’indélicatesse qui pourraient  constituer des actes délictueux, selon l’instruction judiciaire, nous préoccupent effectivement. Et cela est normal d’en être préoccupé.  Qu’à cela ne tienne, notre parti ne protège  pas et ne va protéger, même en notre sein, des personnes qui ont posé des actes indélicats. Notre principe est que,  si  de tels actes se posent, l’auteur en réponde  devant les instances habilitées, c'est-à-dire devant l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption si elle est concernée et devant la justice si elle instruit le dossier. Nous n’avons aucun  intérêt  à protéger nos camarades cités dans des dossiers puisque cela va impacter l’image de notre parti et de notre candidat. De plus, quel que soit ce que vous ferez, si le juge retient  des fautes à votre encontre, il va vous  sanctionner. C’est pourquoi nous sommes dans l’attente que la lumière soit faite sur les affaires qui font actuellement l’actualité. Mais déjà  je pense que le chef de l’Etat n’hésitera pas à prendre les mesures  nécessaires à son niveau pour prémunir l’institution dont il a la charge d’une mauvaise image. Cependant, nous ne devons pas perdre de vue que  les cas dénoncés sont des faits présumés ; d’où l’obligation d’investiguer  pour  qu’on soit certain qu’il s’agit  de fautes réelles. Cela éviterait à la société, chaque fois qu’un fait est jeté sur la place publique, de prendre cela pour argent comptant, de boire cela comme de l’eau. Il y a donc un besoin pour qui de droit d’approfondir les enquêtes jusqu’à ce qu’on  soit fixé sur la réalité des fautes présumées.

 

 

 

  Vous avez parlé tout à l’heure de bilan ; de façon spécifique, quels sont les principaux acquis que votre candidat mettra en avant pour défendre son action à la tête de l’Etat ?

 

 

 

En matière d’acquis, il y a beaucoup de choses à mettre en exergue même si le mandat a été difficile compte tenu du contexte sécuritaire. Nous avons tous été surpris par cet  attentat sauvage et meurtrier sur l’avenue Kwamé N’krumah le 15 janvier 2016 qui nous a comme dit bonjour dès notre arrivée au pouvoir. Depuis lors les attaques terroristes se sont multipliées à travers le pays. Nous avons dû nous adapter et nous battre dans ce contexte qui a certainement réduit nos ambitions. En dépit de cette crise sécuritaire,  de la fronde  sociale qui  s’est éternisée tout au long du mandat de notre candidat, nous pouvons citer aujourd’hui de nombreuses réalisations à son crédit pour les prochaines élections.

 

Sur le plan politique, on peut citer la consolidation de la démocratie et des libertés.

 

 D’aucuns estiment que l’on a tellement donné la liberté que les gens en abusent. Par exemple, des citoyens s’interrogent sur comment s’exerce l’indépendance de la justice aujourd’hui.  Fait-elle son travail comme il faut, ou bien ses cadres profitent seulement des avantages qui lui sont reconnus ? Il y en a, comme moi, qui pensent que la syndicalisation outrancière de la justice est un acquis qui peut remettre en cause ses actions.  Cela n’engage que moi, et je suis prêt à en discuter avec qui que ce soit. S’il est possible que des syndicats développent des lignes politiques ou travaillent à influencer les décisions des juges, cela peut poser problème.

 

Sous d’autres aspects comme l’indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs, le fonctionnement des institutions, il y a eu un grand bond positif. Mais la démocratie est une quête permanente si bien que de nouvelles questions naissent de celles auxquelles on a répondu. 

 

 

 

Dans le domaine économique et social, entre autres, nous avons construit de nouvelles infrastructures, instauré la gratuité des soins chez les femmes enceintes et les enfants de 0 à 5 ans. Il y a aussi le recrutement massif de médecins spécialistes affectés dans toutes les régions du Burkina Faso. On trouve aujourd’hui  dans les chefs-lieux de régions des services de chirurgie, de  gynécologie, de pédiatrie. Ce sont de petites révolutions qui sont perceptibles au bout de 4 ans.

 

Pour ce qui est de l’éducation,  les écoles en paillote sont un cauchemar en passe d’être un fait du passé. L’essentiel, sinon la plupart de ces écoles ont été remplacées par d’autres, construites en matériaux définitifs, sans oublier ces nombreux collèges, les lycées professionnels, scientifiques, et les universités qui ont été renforcées par de nombreux amphithéâtres.

 

 

 

C’est à un véritable exercice d’autocongratulation que vous vous  adonnez.

 

 

 

Je ne pense pas qu’en matière de bilan  économique et social nous ayons quelque chose à envier à un quelconque régime depuis l’indépendance, malgré le contexte sécuritaire difficile. Dans cette dynamique, dans la réalisation du plan national de développement économique et social (PNDES), nous étions à un taux d’exécution de 72 % il y a deux mois. Je  pense qu’actuellement nous en sommes peut-être  à 75% et au bout du quinquennat, nous serons autour de 80 % d’atteinte des objectifs de ce programme. Dans cette situation sécuritaire difficile, sans oublier l’irruption de la covid 19, cela relève presque de la magie.

 

Néanmoins, Il y a eu des manquements, des insuffisances au niveau de la communication et d’autres difficultés à certains niveaux. Toutes ces imperfections vont être corrigées si notre candidat obtient la confiance des Burkinabè pour un autre quinquennat.

 

 

 

Parlant des insuffisances, certains pointent du doigt le manque de poigne et de leadership du chef de l’Etat qui aurait contribué à  aggraver l’incivisme dans le pays.  On entend dire ici et là qu’il faut restaurer  l’autorité de l’Etat. N’est-ce pas qu’il y a eu des manquements à ce niveau de la part de votre candidat ?

 

 

 

On ne peut pas dire que le président du Faso a manqué de poigne. La question de la restauration de l’Etat est une question extrêmement délicate dans un pays comme le nôtre. L’histoire politique de notre pays a créé la difficulté à un moment donné pour l’exercice de l’autorité de l’Etat.  Nous sommes dans un contexte postinsurrection. Les citoyens dans un vaste mouvement de protestation ont mis fin à un régime. Vous êtes venus au pouvoir, en tant que le premier régime issu de ce fait historique. Vous êtes donc à un carrefour historique.  Comment dans le même temps élever le ton pour faire comprendre à certains citoyens qu’il y a des comportements à bannir. C’est difficile. Ce fut la même chose dans un contexte encore plus grand lorsque Nelson Mandela devait diriger  l’Afrique du Sud postapartheid. Tout le monde se rappelle comment cela a été compliqué. L’incivisme, le banditisme se sont développés. Il a fallu que le Grand Homme rappelle qu’il était venu pour créer une nouvelle société.  Dans une certaine mesure, c’est une situation qui tend vers cela que vit le Burkina. Le président ne manque pas d’autorité, mais il est obligé de respecter les lois sociales. On dit que l’on ne maîtrise la nature qu’en lui obéissant.

 

On est en juillet 2020, est-ce qu’on est toujours à la même situation de pagaille qu’en début de mandat en 2016 ?   Je dis non. Il y a déjà des avancées parce que plus on progresse dans le temps, plus il y a cet effort conjugué de l’Etat et de la société civile qui appellent les citoyens à des comportements responsables. De cette manière, la pagaille diminue et fait place à une société beaucoup plus responsable. C’est comme cela qu’il faut voir les choses. Ce qui veut dire que dans le cadre d’un nouveau mandat du président Roch Kaboré à la tête du pays, tout peut s’améliorer en matière de gouvernance et d’exercice de l’autorité de l’Etat. C’est quand on ne maîtrise pas les contraintes de la gestion d’un Etat démocratique que l’on peut penser qu’il faut restreindre les libertés à tort et à travers.

 

 

 

Le chef de file de l’opposition, Zéphirin  Diabré, a récemment déclaré :  «  Pas d’audit international du fichier électoral, pas d’élections ». Que lui répondez-vous en votre qualité de vice-président du parti au pouvoir ?

 

 

 

J’ai déjà répondu à cette déclaration qui n’honore pas son auteur. Elle manque de sérieux. C’est un discours que son parti  avait tenu lors de l’élection passée. On avait donné à penser à l’opinion publique que des cartes d’électeur étaient fabriquées à profusion dans une maison à Ouaga 2000. On n’a jamais vu ces cartes. Zéphirin Diabré et son parti sont coutumiers de ce genre de dénonciation. J’ai lu le président de la CENI (ndlr le 6 juillet 2020) qui a expliqué qu’en réalité, la règle est qu’au bout de son travail d’enrôlement des électeurs, le fichier électoral soit audité par une instance internationale. A quoi ça sert donc d’enfoncer une porte déjà ouverte ? C’est un non-évènement. Nous n’avons aucun intérêt à tripatouiller les votes. Nous avons gagné les élections  en chaîne, de la présidentielle  aux municipales sans aucune fraude. Il n’y a pas de raison que nous  échafaudions cette année des plans machiavéliques. Nous pouvons vendre nos acquis pour la réélection de notre candidat :  il y a des routes bitumées,  des barrages,  des points d’eau, etc., qui parlent pour notre candidat. Si cela ne le fait pas élire, pourquoi allons-nous être tentés de frauder, au risque d’être dénoncés et de tout perdre ?

 

 

 

 Néanmoins sur les réseaux sociaux, on peut lire des posts, entendre des audios  qui parlent de déplacements de populations pour les enrôlements sur les listes électorales, de confiscations déguisées de cartes d’électeurs, voire de fabrication de vraies-fausses cartes d’électeurs. Sans désigner nommément votre parti, ces internautes laissent penser que c’est lui qui prépare des fraudes aux prochaines élections. Que répondez-vous à cela ?

 

 

 

Cela ne concerne pas notre parti.  Je crois que cela implique des partis de la majorité présidentielle, mais pas le nôtre. Nous restons sereins et concentrés, et nous voulons aller à ces élections avec la meilleure prédisposition d’esprit et de cœur. Pour nous, les scrutins doivent être de nouveau irréprochables comme ceux de 2015. Ce n’est pas tolérable que nous soyons qualifiés de fraudeurs.

 

Au niveau très local il se peut que quelqu’un prenne une initiative malheureuse et que l’on mette cela sur le compte de tout le parti. Nous ne cherchons nullement à frauder, et si des initiatives malheureuses sont prises par des militants isolés, elles seront sanctionnées. C’est vrai,  de potentiels candidats aux élections locales font des calculs pour les municipales qui vont suivre  les législatives et la présidentielle. Comme c’est la même liste électorale, ils peuvent être tentés de transporter leurs électeurs vers leurs circonscriptions. Notre parti ne va pas cautionner cela, même de la part de ses militants.

 

 

 

A cause du contexte sécuritaire difficile, l’enrôlement des électeurs n’a pu se faire dans certaines localités du pays peu ou prou sous le contrôle de groupes armés, et des partis se prévalent de cela pour demander le report des élections. Comprenez-vous cette exigence ?

 

 

 

Cette exigence n’est pas compréhensible. Si on demande à ceux qui parlent de report  de trouver une date, pensez-vous qu’ils seront capables d’en trouver  une ? Est-ce que ça fait sérieux pour un pays où s’exerce une démocratie normale de reporter les élections sans savoir quand elles pourront se tenir ? Ce serait engager le pays dans une voie sans issue. Je ne pense pas qu’il soit bon pour un intellectuel de professer de telles idées. J’étais surpris d’écouter les gesticulations sur ce sujet. Tous les pays qui  sont en proie à des conflits,  à l’insécurité s’efforcent néanmoins d’organiser et de tenir des élections  parce qu’il ne faut pas ajouter une crise à une crise.

 

Si les échéances électorales ne se tiennent pas, c’est un ajout de crise politique. Même par rapport à la lutte contre  l’insécurité, si vous n’avez pas un régime légitime qui dispose de tous les ressorts nécessaires pour mener ce combat (forces juridique, politique, financière, etc.), les terroristes pourraient étendre leur emprise sur le pays.

 

Un régime issu d’arrangements dans une salle  est forcément un régime moribond qui ne peut pas faire face à ce type de missions. Nous déplorons le fait que notre pays ait subi pendant ces dernières années tant d’agressions, mais nous pouvons dire que nos efforts commencent à porter des fruits. Alors il ne faut pas tenter le diable en reculant et finir par se jeter dans la gueule du loup.   S’il y a des zones où on n’a pas pu faire l’enrôlement, il faut travailler à réduire le nombre de ces localités à risque. Le chef de l’Etat a donné instruction à l’armée pour que l’enrôlement soit fait partout. Mais il y aura forcément des endroits où on ne courra pas le risque d’exposer des vies. Néanmoins la CENI a déjà communiqué un nouveau programme  pour retourner dans les zones qui avaient été abandonnées pour motif d’insécurité.  Le jour de l’élection, il y aura un dispositif renforcé partout pour permettre aux citoyens de s’exprimer. Si, malgré tout, certains n’arrivent pas à voter, cela ne peut remettre en cause ni la légalité des scrutins ni la légitimité du nouveau pouvoir qui en sera issu.

 

 

 

Interview réalisé par :

 

W. Harold Alex Kaboré

 

Roukiatou Soma (stagiaire)

 

Dernière modification ledimanche, 12 juillet 2020 14:14

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