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Manifestations contre le 3e mandat d’Ado : Vers un remake de 2010 ?

« Et la question qui est sur toutes les lèvres est de savoir quelle attitude les autorités ivoiriennes auront envers ou contre cette manifestation qui ne sera sans doute pas la dernière. Ado adoptera-t-il un profil de bon prince en laissant la rue s’exprimer… ou jouera-t-il la carte de la fermeté contre ceux qui veulent l’empêcher de briguer un troisième mandat ? » Ainsi nous interrogions-nous dans notre édition d’hier.

 

Avec l’évolution de la situation, l’on est en droit de se poser cette autre question tout aussi inquiétante, mais qui n’en demeure pas moins pertinente : La Côte d’Ivoire s’achemine-t-elle vers un remake de la crise politique de 2010, qui a fait près de 3000 morts, des centaines de milliers de blessés et autant d’exilés ?

En tout cas, depuis que le président Alassane Ouattara a annoncé dans son adresse à la Nation, le 6 août dernier, veille de la fête de l’Indépendance, sa candidature  à un 3e mandat, c’est le destin de toute la Côte d’Ivoire qui est en jeu. Il a beau se présenter comme étant candidat malgré lui, invoquant un cas de force majeure suite à la disparition, début juillet, d’Amadou Gon Coulibaly, son Premier ministre désigné dans un premier temps pour porter le maillot du RHDP à la présidentielle prochaine, cela n’a pas suffi pour calmer la colère de ses opposants, qui dénoncent un coup de force contre la Constitution.

En effet, l’article 55 de la loi fondamentale ivoirienne limite le nombre de mandats à deux ; mais pour les partisans du président sortant, la révision constitutionnelle intervenue en novembre 2016 remet à zéro les compteurs de leur champion et, par conséquent, rien ne l’empêche de briguer un « premier » mandat sous l’empire de la nouvelle loi fondamentale. Moins que cette guéguerre politico-juridique qui oppose les deux camps, c’est le bras-de-fer qui se joue à travers les rues qui soulève bien des inquiétudes.

Hier, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur de toute la Côte d’Ivoire, de nombreuses manifestations ont été enregistrées, malgré l’interdiction de le faire sans une autorisation préfectorale. A l’appel des jeunes des principaux partis de l’opposition et de la société civile, dans de nombreuses villes, des barricades ont été érigées sur des routes principales, des pneus brûlés et même des saccages ont eu lieu, notamment à Bounoua (ville de l’ex-première Dame Simone Gbagbo, dont le commissariat de police a été incendié), à Daoukro, à Port-Bouet et dans des quartiers d’Abidjan à l’image de Yopougon ou Cocody. Bilan officiel de cette journée chaude dans le pays, au moins quatre personnes tuées, de nombreux blessés et des interpellations.

A l’image donc d’un navire qui fonce tout droit sur des récifs, le pays d’Houphouët Boigny s’enlise peu à peu dans une autre crise politique à l’issue incertaine. La classe politique  ivoirienne dans son ensemble saura-t-elle s’élever au-dessus des intérêts partisans, individuels et égoïstes pour privilégier la stabilité du pays ? Rien n’est moins sûr. Pour une nation qui vient de sortir d’une première crise politique majeure, ce serait vraiment dommage que ses dirigeants n’en sachent pas tirer les enseignements nécessaires pour privilégier la paix et la concorde nationale. Sans vouloir jouer aux Cassandre, tout semble indiquer que dans la présente situation, c’est l’argument de la force qui risque de prendre le dessus sur toutes les voies pacifiques de résolution de la présente crise  qui couve sur les bords de la lagune Ebrié. Mais à quel prix ?  

 

Issa K. Barry

Dernière modification lelundi, 17 août 2020 20:44

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