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Putsch au Mali: Les terroristes, eux, ne connaissent pas de transition

« Si aujourd’hui, il a plu à certains éléments de nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je réellement le choix ? M’y soumettre, car je souhaite qu’aucun sang ne soit versé pour mon maintien aux affaires ». La voix grave et monocorde, de visage barré par un cache-nez, c’est par ces mots qu’au milieu de la nuit du mardi 18  au mercredi  19 août 2020, Ibrahim Boubacar Kéita a annoncé aux Maliens sa décision de quitter ses fonctions , « toutes ses fonctions ».

Clap de fin pitoyable pour celui qui avait refusé de rendre le tablier malgré les imprécations du Mouvement du 5-juin qui n’a cessé depuis trois mois de réclamer sa démission. C’est que si  l’imam Mahmoud Dicko et ses ouailles demandaient sa démission les mains nues, IBK avait le fusil collé à la tempe en prononçant sa propre déchéance. A l’issue d’une journée tumultueuse, il avait en effet été conduit au camp militaire de Kati d’où était partie le matin la révolte kakie qui allait emporter son pouvoir vacillant en quelques heures.

Rideau donc sur celui qui était au pouvoir depuis 7 ans et à qui il en restait encore 3 pour terminer son second mandat. Place désormais au Comité national de salut du peuple (CNSP) qui semble encore à la recherche d’un chef, mais dont le porte-parole, le colonel major Ismaël Wagué, a tenu hier leur première conférence de presse pour condamner les actes de vandalisme, appeler leurs compatriotes à reprendre dès aujourd’hui le travail et nier l’absence de morts malgré les 4 victimes déclarées par des sources hospitalières de l’hôpital Gabriel Touré.

Pour le reste, on sait encore peu de choses sur les réelles intentions des putschistes, même si hier circulait sur les réseaux sociaux une feuille de route dont l’authenticité reste toutefois à être confirmée. Tout au plus sait-on qu’une transition politique civile va s’ouvrir devant conduire à des élections générales « dans un délai raisonnable ». 3 mois ? 6 mois ? 9 mois ? Qu’importe la durée de cette transition. La communauté internationale, l’Union africaine et la CEDEAO ont condamné sans ambages cette prise du pouvoir par la force, décrété une batterie de sanctions contre ses auteurs et exigé que le démissionnaire de Koulouba retrouve son fauteuil.

Invariablement les mêmes incantations politico-diplomatiques en somme face aux coups d’Etat depuis que les pronunciamientos ont été déclarés hors-la-loi.  Sans pour autant d’ailleurs que ceux qui condamnent aient les moyens politique ou militaires de faire rendre gorge aux putschistes. Dans le principe, on ne peut en effet que condamner l’intrusion de la soldatesque sur la scène politique, même si c’est toujours les civils qui leur font le lit quand ils n’en finissent pas de se chamailler. Comme dirait l’ancien président Nicolas Sarkozy, « c’est qu’il y a toujours un moment où la faiblesse de l’Etat et le désordre deviennent si insupportables que l’appel à un pouvoir fort devient inévitable, pour le meilleur parfois, pour le pire le plus souvent ».

C’est certes bien de condamner et d’ériger en dogme la sacro-sainte dévolution du pouvoir par les urnes et non par les armes, mais que font souvent ces légalistes chatouilleux pour empêcher « le clientélisme politique, la gestion familiale des affaires de l’Etat, la gabegie, le vol et l’arbitraire », pour reprendre un peu les mots du CNSP qui dépeint ainsi le pouvoir IBK dont ils veulent nettoyer les écuries ? Que font ces bien-pensants de la démocratie quand certains chefs d’Etat, pour tout programme de gouvernement, n’ont que leur volonté de pousser des racines sur le fauteuil présidentiel à coups de tripatouillages grossiers ou de réformes constitutionnelles plus vicieuses à la Alpha Condé et Alassane Ouattara ?

N’est-ce pas mieux pour l’Union africaine, la CEDEAO et autres de prévenir plutôt que de guérir en invitant les membres de leurs syndicats respectifs à être irréprochables dans la conduite des affaires de l’Etat, seule antidote aux putschs, aux insurrections populaires et aux mutineries ? On ne les entend jamais quand il faut décourager ces monarques dans l’exercice solitaire du pouvoir et de la gestion patrimoniale du pouvoir. Pourquoi faudrait-il alors qu’on les écoute après coup ?

Mais on les comprend tellement : en condamnant ce qui arrive à un des leurs, ils pensent bien souvent à leur propre sort. On verra bien ce qu’ils vont encore nous sortir aujourd’hui lors du sommet extraordinaire convoqué par la CEDEAO qui n’était déjà pas parvenue à concilier tous les protagonistes, avant que ça dégénère ce mardi 18 août. Quoi qu’il en soit, il faut craindre  de ce désordre politico-institutionnel, les terroristes qui sont aux portes profitent pour gagner encore du terrain. Comme ce fut le cas lors de la prise du pouvoir en 2012 du capitaine Amadou Haya Sanogo. Pendant que les politiciens se chamaillent, les terroristes, eux,  ne connaissent pas de transition.

 

Issa K. Barry

Dernière modification lejeudi, 20 août 2020 22:41

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