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Situation nationale : Défis et enjeux d’une rentrée sociopolitique peu ordinaire

 

Les élections couplées du 22 novembre se rapprochent de jour en jour. La rentrée sociopolitique qui s’annonce sera la dernière avant l’échéance, et le Burkina Faso retient son souffle. Toutefois, quelques vents contraires s’annoncent sous le ciel électoral. Des tempêtes inopportunes, selon l’auteur de cet écrit, qu’il faut souhaiter et espérer voir se calmer, pour ne pas perturber inutilement un processus politique prometteur. Analyse.

 

 

 

 

Sauf chamboulement de calendrier, c’est le 9 septembre 2020 que l’activité gouvernementale reprend pleinement du service au pays des hommes intègres. A situation exceptionnelle, comportements nouveaux. Il est loin, presque aux oubliettes le temps où, dès les mois de juin-juillet, les colonnes de la presse nationale rivalisaient de titres et de détails sur les vacances «méritées» de nos braves dirigeants. Contexte sécuritaire et crise sanitaire faisant, les Burkinabè ont fini par oublier quasiment que les hommes et les femmes qui nous gouvernent sont des êtres humains comme tout le monde, qui ont parfois besoin de prendre un tout petit peu de repos.

 

Quels que puissent être les conforts, réels ou imaginaires, des postes au sommet de l’Etat, il est évident que les occupants des hautes fonctions ont eux aussi, de temps à autre, besoin de débrayer. Prendre du recul pour souffler un peu et se recharger, en vue de missions et de combats en vérité exigeants et harassants, au service de la nation entière. C’est tout le sens et la justification des vacances gouvernementales. Même si en réalité celles-ci sont brèves et demeurent la plupart du temps studieuses. «Un ministre en vacances, ça ne dort que d’un seul œil», nous disait quelqu’un qui en a eu une longue expérience. Préoccupé la plupart du temps par les dossiers brûlants laissés en suspens. Egalement inquiet des remaniements, dont sont souvent porteuses les périodes de rentrée politique...

 

Après donc des  vacances passées inaperçues, les ministres du gouvernement Christophe Joseph Marie Dabiré se retrouvent en principe autour de la table du Conseil ce mercredi 9 septembre sous la présidence de Son Excellence le président Roch Marc Christian Kaboré. Pas besoin d’être un devin ni un stratège politique particulier pour imaginer que cette rentrée gouvernementale et les actions d’urgence qui seront instruites pour le dernier trimestre restant de l’année et du mandat du président Kaboré seront essentiellement guidées et orientées suivant trois axes évidents : la poursuite de la lutte contre le terrorisme et l’insécurité, le renforcement de la maîtrise sur la pandémie de covid 19, et enfin la bonne organisation des échéances électorales du 22 novembre 2020.

 

Trois axes qui constituent autant de défis majeurs et d’enjeux importants. Tant pour l’équilibre de la nation tout court que pour le renforcement de la gouvernance démocratique à laquelle aspire ardemment le peuple. Loin d’être l’apanage du seul gouvernement, de tels défis ne peuvent être relevés et pareils enjeux gagnés que par et dans l’intelligence d’un sursaut collectif, qui engage l’ensemble de ce que nous avons coutume d’appeler les forces vives de la nation.

 

Nous ne le dirons jamais assez, le Burkina Faso est un miracle, et le pays des hommes intègres revient de loin. Il suffit de jeter un coup d’œil à notre histoire récente et lointaine pour se convaincre de cela. Pour autant que nous soyons des miraculés, nous devons nous garder de jouer en permanence avec le feu et aux apprentis-pyromanes.

 

Le même jour où le gouvernement fait sa rentrée, les syndicats du ministère de l’Economie, des Finances et du Développement (MINEFID) ont en effet choisi de débrayer, pour une grève de 72 heures les 9, 10 et 11 septembre 2020. Simple coïncidence ? Hasard de calendrier ? Ou prorogation d’un bras de fer entre syndicats et gouvernement que la trêve sanitaire nous a fait oublier sans  pour autant y mettre fin ?

 

Nul ne saurait véritablement le dire. Il reste que cette concomitance entre rentrée gouvernementale et reprise des revendications syndicales n’augure pas des jours apaisés dont le pays aurait pourtant bien besoin pour mener à bien les échéances capitales qui se profilent à l’horizon d’un délicat et difficile processus de normalisation démocratique dans lequel le Burkina Faso est engagé depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.

 

 

 

A qui la faute ?

 

 

 

Pour justifier leur mot d’ordre dont le préavis a été déposé auprès du gouvernement, les syndicats du MINEFID tablent principalement sur l’exigence de la reprise d’agents dudit ministère qui ont été limogés en Conseil des ministres suite à des faits de violence dont ces derniers se sont rendus coupables sur une de leurs collègues, en marge d’un précédent mouvement de grève.

 

Une posture syndicale pour le moins équivoque que, dans toutes leurs déclarations publiques sur le sujet, les leaders du front social peinent à justifier face à une opinion publique nationale outrée et choquée par les images de l’agression incriminée, qui ont abondamment circulé sur les réseaux sociaux en son temps.

 

Pour tout dire, nombre de citoyens honnêtes et sincères attendaient le gouvernement au tournant de la décision de sanction qu’il allait ou non prendre contre les auteurs de cet acte clairement délictueux et moralement odieux. Le pire dans cette histoire eût sans doute été que l’Etat, employeur et garant des conditions de sécurité de la victime sur son lieu de travail, ne prît pas de sanction contre les auteurs de cet acte délibéré et intolérable commis par les agents fautifs du MINEFID sur la personne de leur collègue. Tout employeur, public ou privé, agissant de telle sorte ne fait que se conformer à son obligation légale de protection de ses employés et de proscription de tout acte de violence sur les lieux de travail.

 

Le cas échéant, la loi prévoit des voies de recours pour les travailleurs qui tombent sous le coup des délits et sanctions liés à la violence sur les lieux de travail. Des recours, qui peuvent même aller jusque devant les tribunaux, pour se faire rétablir dans ses droits. Si tant est donc que les travailleurs licenciés du MINEFID et/ou leurs syndicats estiment que ceux-ci ont été violés dans leurs droits, pourquoi ne pas recourir aux mécanismes légaux prévus à cet effet ? Plutôt que de s’engager dans une action collective de contestation, qui frise en l’espèce une défiance pure et simple de l’ordre codifié et établi. Un ordre sans le respect duquel cependant et a contrario nul ne pourrait par ailleurs se prévaloir de rien du tout.

 

En toute objectivité et sincérité, ce cas particulier des agents agresseurs licenciés du MINEFID est un vrai faux prétexte utilisé par les syndicats pour tenter de remettre le front social à vif et à feu. Disons-le ici tout net. C’est une perspective dont le peuple se défie et dont les leaders syndicaux devraient avoir la sagesse et l’humilité de se démarquer. Sous peine de s’aliéner la considération de discernement et de responsabilité qui est censée leur être accordée.

 

Lorsque l’on reconnaît avoir fauté, comme c’est manifestement le cas dans cette affaire, on fait profil bas et on demande modestement pardon. Bander les muscles, hausser le ton, se réfugier dans un discours exclusivement populiste et dans une attitude outrancièrement va-t-en-guerre relève de tout sauf d’une posture consciencieuse et responsable.

 

 

 

Au nom du réalisme et de la démocratie

 

 

 

Le 22 novembre 2020 est une échéance capitale pour le Burkina Faso. Nous devons la préparer dans le calme et la sérénité d’un peuple qui veut se bâtir un avenir démocratique maîtrisé. Non pas comme les rentiers insatiables d’un combat que nous n’avons pas fini de mener et dont nous ne sortirons assurément jamais gagnants, si nous ne nous départissons pas de cet esprit de défiance permanente vis-à-vis de la loi et de l’ordre établi.

 

L’exemple devrait venir des syndicats de la fonction publique, réputés et censés regrouper en leur sein l’élite administrative nationale. Une administration, on ne le dira jamais assez, au service du peuple et non des privilèges exclusifs de ceux et celles qui ont l’avantage d’y exercer.

 

Pour ne pas louper le coach de l’ancrage démocratique qui se profile dans l’organisation réussie des élections présidentielle et législatives du 22 novembre 2020, il importe que les choses se passent dans une accalmie sociopolitique consensuelle et intelligente.

 

Le Burkina Faso est situé au cœur d’une sous-région qui baigne dans un contexte géopolitique singulièrement agité et incertain. Ne nous ingénions pas à créer les conditions d’une tension dont nous n’avons guère besoin. Au contraire, cultivons ce sens du patriotisme qui fonde la grandeur des peuples et assoit la puissance des nations. Montrons au monde que nous savons taire nos querelles intestines et sacrifier quelques intérêts partisans égoïstes, quand l’avenir commun est en jeu.

 

Jusque-là, les partis politiques semblent avoir trouvé le tempo d’une marche mieux ordonnée et plus inclusive vers les urnes. Où le peuple souverain et conscient tranchera et départagera les différents protagonistes. Ce sera alors la victoire de la démocratie contre la haine fratricide et la zizanie sociale. Nul n’a le droit de prendre en otage cette perspective de maturation institutionnelle au service de notre développement. Cinq années de revendications en tous genres ont émaillé le mandat finissant du président Kaboré. Ne peut-on pas plaider pour une trêve démocratique de trois petits mois pour permettre d’aller à des élections apaisées, libres et équitables ?

 

Celui qui pense que prôner cela, c’est défendre le pouvoir en place n’a rien compris à mon propos. En français facile, je milite ici simplement en faveur d’un réalisme pragmatique sans lequel, à force de vouloir tout et tout de suite, nous risquons de perdre l’avantage démocratique qui a autorisé ce printemps des revendications. Des revendications plus ou moins audibles, satisfaites tant bien que mal depuis bientôt cinq ans.

 

Il est plus que temps qu’advienne comme une paix des braves entre l’Exécutif et les syndicats, pour permettre que les élections puissent avoir lieu dans les meilleures conditions possibles. Et en ne prenant pas une fois de plus en otage les cordons de la bourse pour tenter d’étouffer les finances publiques.

 

En chaque Burkinabè digne de ce nom sommeille un brin de patriotisme. Il y a des moments où, toute considération partisane mise de côté, il faut savoir et pouvoir laisser parler et agir cette petite part de soi qu’on est prêt chacun à sacrifier à la nation. Il n’est pas d’intérêts ni de revendications qui soient au-dessus de notre vivre-ensemble dans une conscience partagée de notre communauté de destinée et de sort. Bonne rentrée sociopolitique à tous et que Dieu veille toujours sur le Burkina Faso !

 

 

Sidzabda Damien Ouédraogo

Dernière modification lemardi, 08 septembre 2020 22:25

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