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Pouytenga: La journée de protestation annoncée n’a pas eu lieu

Face au bras de fer qui les oppose au maire sur le choix du site pour la construction de leur abattoir moderne et en signe de protestation, les bouchers de Pouytenga ne payent plus les taxes depuis le 4 septembre dernier. Toujours dans l’optique de s’ériger contre les agissements de l’édile, ils ont voulu marcher sur la préfecture dans la matinée du dimanche 21 septembre 2020. Mais faute d’autorisation, la police les en a empêchés. La protestation n’aura donc pas eu lieu. Finalement c’est une visite guidée des journalistes à l’actuel abattoir qui a marqué cette journée de colère.

 

 

Ils avaient été prévenus la veille que la police allait débarquer. Mais ils tenaient mordicus à leur mouvement de protestation. Alors qu’ils conversaient sous les arbres, non loin de la préfecture, en attendant de commencer leur mouvement d’humeur, ils ont vu arriver des policiers sur des motos et dans des pickup. Ils décident de mettre en branle un plan B : délocaliser l’évènement sur un autre lieu. Mais les flics ne leur lâcheront pas les bottes.

A peine les manifestants se sont-ils regroupés de nouveau que la police, lancée à leurs trousses, les rattrape. « C’est par respect pour vous, sinon on devait vous gazer... Notre mission est de vous faire surseoir à votre mouvement et de libérer les lieux. C’est tout», a confié l’officier de police qui conduisait la mission. Il s’adressait à Léopold Sawadogo, commerçant et meneur de cette fronde dirigée contre le maire de Pouytenga, Larba Prosper Yaméogo. 

Ce fut une mission bien accomplie par les éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS). Sans avoir tiré un seul coup de gaz lacrymogène, ils ont réussi à obtenir l’annulation du rassemblement. « Voyez, est-ce que cela est digne d’un Etat démocratique ? Nous marchons contre le maire. C’était évident qu’il n’allait jamais autoriser cette manifestation », proteste Léopold Sawadogo.

 Acculés par les CRS, les leaders des croquants se sont retranchés à l’abattoir où ils se contenteront de faire vivre aux hommes des médias les conditions dans lesquelles les bouchers de Pouytenga abattent le bétail.

Jouxtant une école médersa et situé au milieu des concessions, l’endroit empeste d’une incroyable puanteur qui remonte jusqu’au cerveau. A proximité d’une des fenêtres se trouve un amas de cornes, des restes des bêtes qui ont fini dans les assiettes. Dans les flaques d’eau sanguinolentes nagent des vers ou des asticots. Tout est réuni pour vous faire rendre ce que vous avez dans les tripes !

Et malgré cet environnement qu’on est pressé de quitter et de n’y plus mettre les pieds, les bouchers assurent que ce que nous avons vécu est encore moindre. « S’il pleut, c’est encore pire. Vous ne voudrez pas mettre les pieds ici. C’est en désespoir de cause que nous fréquentons toujours cet abattoir », racontent-ils.

« Nous travaillons dans un lieu devenu très sale. Rien qu’hier, j’ai retrouvé des vers dans mes carcasses. Et cela arrive le plus souvent. Si une carcasse tombe ici, il faut la laver comme un habit avant de pouvoir la vendre », a témoigné Souleymane Balma, un jeune boucher.

C’est tout le sens de leur combat. Faire tout pour quitter cet endroit dénué de toute propreté et d’hygiène, et d’une vétusté rare. « Nous voulons que le gouvernement vienne constater ce que nous vivons ici. Ailleurs, ce n’est pas comme ça. Nous avons assez bataillé pour la construction de notre abattoir moderne. Tous les techniciens qui sont venus ici nous ont dit que c’est le site de Zooré qui est adapté et qui sera bénéfique à notre commune », a soutenu le président de l’abattoir, Issa Balma.

Selon le mot d’ordre des bouchers, aucun animal ne devait être abattu en ce jour pour protester contre les agissements du maire, accusé de faire tout pour bloquer la construction du nouvel abattoir moderne sur le site de Zooré. Mais certains ont outrepassé cette décision. Et en cette matinée, parmi les bêtes sacrifiées très tôt, trois vaches. A quelques mois de leur vêlage, elles ont été tuées, éventrées et vidées de leurs portées qui ont été abandonnées sur les lieux. « Cela est l’œuvre du maire. Aujourd’hui nous avons décidé de ne pas abattre en signe de protestation. Il a donc organisé des gens qui ne sont pas des bouchers, qui ne s’y connaissent pas qui ont abattu des vaches en gestation. Et comme il n’y a pas de fosse, ils ont abandonné les dépouilles sur place », explique Souleymane Balma.

 

« Menottez-les ! »

 

Bien que les leaders de la journée de protestation aient abandonné leur projet initial et se soient consacrés à la présentation de l’état de l’actuel abattoir, la police, venue de  Ouaga, n’a pas lâché prise au point de vouloir embarquer des journalistes. Alors que deux de nos confrères interagissaient avec deux leaders pour mieux comprendre l’objet de leur mouvement, les CRS ont fait une descente à l’abattoir.

« Veuillez nous suivre ! Menottez-les ! » ordonne un flic et ce, malgré l’insistance de ceux-ci pour décliner leur identité. « Pourrais-je passer un coup de fil ?» demande un des journalistes encerclés par les hommes en armes. « Non ! ce n’est plus possible d’utiliser le téléphone », a répondu l’officier de police.

Face à la réticence, l’officier se réfère à un de ses supérieurs, un certain commissaire Sawadogo. Et après une séance d’explications au téléphone, ils laisseront les deux journalistes poursuivre leur collecte d’informations.

 

Lévi Constantin Konfé

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