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Lettre ouverte : Damiss écrit à la procureure militaire

 

Minata Guelwaré est partie. Pour toujours. Elle a quitté cette vallée des larmes le 3 octobre 2020 après plusieurs mois de souffrances physiques et morales liées à une maladie qui la rongeait à petit feu. Paix à son âme. Que la terre du Burkina lui soit légère ! Mes sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

 

 

Le décès de Dame Guelwaré a indigné l’opinion nationale, suscité des polémiques et occasionné des tirs groupés sur la Justice militaire. En réaction, en votre qualité de procureure militaire, vous avez publié une déclaration que j'ai lue avec beaucoup d'intérêt.

 

 

 

Madame la procureure militaire,

 

Dans votre écrit, il est dit ceci : « Le Tribunal militaire est resté en contact avec la famille et a pris en charge l'ensemble des examens et des soins ». Je suis heureux de savoir que l'institution judiciaire militaire s'est investie financièrement pour soutenir la défunte. Je vous en remercie du fond du cœur. Cependant, je constate avec amertume et regret que votre soutien financier est arrivé sur le tard puisque celle que nous pleurons aujourd'hui était malade depuis des mois. Si Minata Guelwaré a bénéficié d'une prise en charge, cela signifie que la Justice Militaire dispose d'un budget pour cela. Ou alors faut-il être hospitalisé et dans un état critique pour être éligible à ce fonds?

 

Pour ma part en tout cas, depuis près d'un an que je vais régulièrement à la clinique, le Tribunal militaire n'a jamais payé ni apporté une quelconque contribution financière à mes examens et soins médicaux. Ma famille, des amis et de bonnes volontés me soutiennent. Il est donc nécessaire que je fasse cette clarification publique.

 

Par ailleurs, je voudrais prendre l'opinion publique à témoin, de ce que j'ai introduit plusieurs demandes de liberté provisoire auprès de la procureure militaire qui sont restées sans suite. Par contre, j'ai reçu une réponse verbale de la direction de la justice militaire qui soutient que le parquet militaire est incompétent sur le sujet, qui relève de la Chambre d'appel. A cette occasion j'ai appris, d'une part, que le général Djibril Bassolé a pu s'envoler à l'étranger pour des soins parce que le dossier était toujours au niveau de la procureure militaire et, d'autre part, que le cas Bassolé n'est pas une liberté provisoire mais une permission de sortie pour des soins. J'ai alors introduit plusieurs requêtes auprès du parquet militaire en vue d'obtenir la permission pour des soins dans les conditions les meilleures. Si l'ex-ministre des Affaires étrangères a eu une permission pour aller se soigner hors du Burkina Faso, je crois que je peux avoir ce même "privilège", le droit à la santé étant un droit constitutionnel.

 

 

 

Madame la procureure,

 

Dans votre déclaration, vous avez souligné qu'« aucun détenu ne s'est jamais vu refuser une quelconque sortie pour des soins, des consultations et des examens médicaux ». En ce qui me concerne, j'avoue que régulièrement vous signez des ordres d'extraction pour que je puisse aller en clinique. Cependant, je voudrais vous faire remarquer que le 26 mai 2020 je devais être hospitalisé dans une clinique, et des responsables de la Justice militaire ont harcelé et assailli ladite clinique de coups de fil pour empêcher mon hospitalisation. Mon médecin a dû me laisser rentrer pour continuer le traitement en prison, mais a exigé que je sois ramené les jours suivants. Est-ce humain de malmener ainsi un malade?  Je laisse tous les acteurs impliqués dans cette basse besogne avec leur conscience.

 

 

 

Madame la procureure,

 

J'imagine qu'en tant que mère qui connaît la douleur de l'enfantement, qui ressent au quotidien l'amour d'une femme pour ses enfants, vous êtes sensible à la maladie et à la souffrance des enfants d'autres mères. Par conséquent, vous ne voulez de mal à personne. Seulement voilà : vous n'êtes pas seule à décider. Un conseil toutefois : « Quand on vous envoie, il faut savoir vous envoyer », car lorsqu'un problème survient, chacun protège sa tête. Du reste, les langues sont si méchantes et les pensées si cruelles qu'en cas de malheur, vous êtes vue comme la principale responsable. Alors, il faut  avoir le courage de vous assumer  contre vent et marrées. Pour l'histoire. Pour sauver une vie, on ne doit pas s'abriter derrière une procédure. Ça n'arrive pas qu'aux autres, ne l'oubliez pas.

 

Je vous prie de recevoir, Madame la procureure militaire, mes salutations distinguées.

 

 

 

 

 

Adama Ouédraogo dit Damiss

 

Journaliste détenu à la MACO

 

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