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Elections couplées : Un désordre organisationnel qui fait le lit de la contestation

C’est un scrutin doublement historique qui s’est déroulé hier dimanche 22 novembre au Burkina. Pour la première fois en effet depuis le retour de la démocratie dans notre pays au début des années 90, les Burkinabè de la diaspora ont pu glisser leur bulletin dans l’urne au même titre que 6,5 millions d’inscrits pour élire  le président du Faso parmi treize prétendants.

 

 

Mais en fait de participation, il faut dire qu’elle s’est réalisée au forceps, presque «pour avoir la paix», tant et si bien qu’elle était plus symbolique, pour ne pas dire anecdotique, qu’autre chose. Car ils n’étaient que, tenez-vous bien, moins de 15 000 en Afrique, en Europe, en Amérique et en Asie à avoir été recensés alors que beaucoup en attendaient des millions sur la base théorique du vivier électoral en Côte d’Ivoire. Le symbole est donc sauf mais on en est à se demander si pour un tel résultat il était bien utile de mobiliser d’énormes ressources pour respecter une promesse présidentielle et tenir un engagement collectif de la classe politique et de la société civile.

 

 

Pour la première fois aussi depuis qu’on organise des élections de la Haute-Volta au Burkina, le scrutin n’a pu se dérouler « sur toute l’étendue du territoire », pour reprendre cette expression consacrée. Du fait de l’insécurité, dans certaines parties du Burkina, précisément dans 22 communes,  le recensement  n’a en effet pu être effectué, si bien qu’un potentiel de 165 000 électeurs répartis dans 1 300 bureaux de vote n’a pu accomplir son devoir civique, ce qui pose du même coup le problème de la légitimité des « élus du peuple » qui le seront dans ces conditions.

 

 

Mais puisqu’il y avait une quasi-unanimité de la classe politique  pour y aller, on y est allé, même si ce fut la peur au ventre, en se demandant de quoi serait faite cette journée électorale bien singulière. Pendant la campagne, quatorze éléments de nos Forces de défense et de sécurité n’ont-ils pas été tués dans l’Oudalan suite à une embuscade tendue par des terroristes, remettant plus que jamais au centre des joutes la crise sécuritaire que le président sortant traîne comme un boulet depuis son arrivée au pouvoir ? Finalement, il y aura eu, comme on dit, « plus de peur que de mal »   dans la mesure où aucune déflagration  n’avait été signalée au moment où nous tracions ces lignes. Seules des perturbations causées par de présumés djihadistes dans des localités comme Diapaga avaient été notées.

 

Mais comme si l’hypothèque sécuritaire qui pesait dangereusement sur ce rendez-vous démocratique ne suffisait pas, voilà que des suspicions de fraude sont brandies pratiquement jusqu’au seuil de l’isoloir par le chef de file de l’opposition qui, tout au long de sa campagne, n’a cessé de menacer de ne pas reconnaître les résultats si, comme il le soupçonne, ils sont entachés d’irrégularités susceptibles de mettre en doute la transparence de l’élection. Dans le camp d’en face, on balaie naturellement ces accusations d’un revers de main.

De fait, on aura constaté hier un certain bazar organisationnel qui ne nous honore pas (voir détails en  pages 2 et suivantes) avec ces récurrentes irrégularités dont on se demande bien quelle  est l’ampleur et si elles procèdent d’intentions frauduleuses préméditées ou de simples dysfonctionnements sans incidence  majeure  sur la sincérité du double scrutin.

L’enjeu de l’affaire est bien simple : la majorité, nonobstant l’emprise terroriste sur le Burkina, pense que le locataire du palais de Kosyam va rééditer son win vouka de 2015 tandis que ses adversaires, qui peignent son bilan quinquennal en noir, entendent bien le contraindre à un second tour dont ils espèrent qu’il lui sera fatal. N’oublions pas non plus que dans cette partie il y a des matches dans le match : d’abord entre Zéphirin Diabré  et les deux autres poids lourds de la bataille que sont Eddie Komboïgo et Kadré Désiré Ouédraogo ; ensuite un mano à mano entre ces deux derniers, principaux légataires de l’héritage politique de Blaise Compaoré mais qui se sont tirés mutuellement une balle dans le pied pour n’avoir pas pu, ou su surmonter leur ego afin de trouver un candidat commun qui aurait pu faire mouche s’ils étaient partis en rangs serrés.

 

On s’achemine donc vraisemblablement vers un contentieux postélectoral lourd dont le désordre, à tout le moins,  aura fait le lit, alors qu’on pensait que «la Patrie des hommes intègres » ferait de nouveau exception dans un environnement  régional où, de Conakry à Yaoundé en passant par Abidjan, Lomé ou même Cotonou, les résultats des élections sont régulièrement contestés. On espère en tout cas que, si différend électoral il y a, il ne sera pas violent mais se règlera  au contraire par les voies de recours prévues par les textes. On a déjà suffisamment de problèmes comme ça pour qu’on en a ajoute. «Tout ça pour ça !», sommes-nous tenté  de nous exclamer quand on sait que ce scrutin aura coûté la bagatelle de plus de 90 milliards de francs CFA. 

 

 

La Rédaction               

Dernière modification lelundi, 23 novembre 2020 22:15

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