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Résultats provisoires présidentielle 2020 : Eddie, grand vainqueur… des perdants

 

Cinq jours après les élections couplées du 22 novembre 2020, la CENI a proclamé hier en début d’après-midi les résultats provisoires de la présidentielle. En attendant le verdict définitif du Conseil constitutionnel, c’est le candidat du MPP, Roch Marc Christian Kaboré,  qui a été déclaré vainqueur avec 57,87% des suffrages exprimés.

 

 

Sans surprise en réalité, au vu des tendances qui se dégageaient depuis lundi. En rééditant son win vouka alors que ses contempteurs espéraient le contraindre à un second tour qui aurait été lourd de tous les dangers, le président sortant à même battu son propre record, lui qui avait obtenu 53,49% en 2015, soit un gain de 4 points.

 

Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment dans la mesure où il a pu bénéficier de la traditionnelle prime au sortant, sans oublier que, depuis 2015 qu’il est au pouvoir, sa machine électorale s’est naturellement renforcée avec des moyens encore plus colossaux  et de ce fait elle ne pouvait que broyer tout sur son passage, laissant des portions congrues à ses adversaires. Et ce, malgré le handicap sécuritaire avec lequel il est allé aux urnes.

 

Un handicap qui, au finish, ne se sera pas  révélé si handicapant que ça. Certes, c’est trop facile de jouer aux prophètes après coup mais tout se passe comme si, en appuyant trop sur la plaie sécuritaire  du locataire de Kosyam pour lui faire le plus mal possible, ses opposants l’auront finalement servi en donnant l’impression de pouvoir guérir en un tour de main le cancer terroriste qui nous ronge depuis cinq maudites années, ce dont personne n’est dupe.

 

Mais le plus grave pour l’opposition est que, malgré les apparences, sa forme du moment était incertaine. A commencer par celle du Chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, qui est le grand perdant dans cette affaire puisqu’il est arrivé 3e avec 12,46%, soit… 17  points de moins qu’en 2015, présidentielle à l’issue de laquelle il avait obtenu 29,65%. Autant dire une véritable descente aux enfers pour celui dont le parti a été secoué depuis cinq ans par des crises internes, avec pour principaux épicentres la grande saignée liée à la démission en 2017 de 13 députés sur les 33 que comptait le groupe parlementaire, et les départs de Nathanaël Ouédraogo et du Poe Naaba pas plus tard qu’en octobre dernier. Téléguidés ou non, ces séismes d’envergure l’ont quelque peu fragilisé, même si la stature d’homme d’Etat « d’Atomic Zèph » ne fait l’ombre d’aucun doute. Et si le Lion devait perdre son statut de chef de file de l’opposition, le CDP étant là aussi en pôle position, c’est même son avenir politique qui serait en question.

 

Finalement, des adversaires de Roch, c’est Eddie Komboïgo qui tire son épingle du jeu. Lui, qui est sorti de l’épreuve avec 15,48% des voix et est, dans une certaine mesure, le vainqueur des perdants ne devrait pas rougir de son score. N’oublions pas que depuis des années et des années,  il a été malmené par ses opposants de l’intérieur dont certains semblaient même être en mission commandée de destruction du parti -suivez notre regard – mais, malgré tout, est arrivé à tenir fermement le gouvernail de l’ex-parti au pouvoir. C’est donc aussi quelque part  une victoire sur ses adversaires internes après cette guerre des tranchées.

 

 Certes, on pourrait voir dans son relatif succès plus le capital de sympathie qu’une bonne partie des électeurs conservent  pour l’ancien président Blaise Compaoré que sa donne personnelle, mais le résultat est là. En arrivant deuxième, il rabat pour ainsi dire le caquet à ses camarades qui l’ont combattu, lui déniant toute légitimité à la tête du parti et comme candidat, et nul doute qu’il va renforcer sa mainmise sur le parti en mettant à profit les 5 ans à venir pour polir davantage certaines aspérités de sa personnalité.

 

Quant au candidat Kadré Désiré Ouédraogo (3,36%), qui a quitté le CDP pour intégrer le « mouvement AGIR ENSEMBLE » qui a porté sa candidature, l’apprentissage électoral aura été rude pour lui qui fait plus bon technocrate que grand politicien.

 

En tout cas avec cette élection inclusive, ceux qui se sentent parfois contre tout bon sens un destin présidentiel devraient désormais connaître leur place réelle sur l’échiquier politique.

 

De ce point de vue, l’élection du dimanche aura permis aux candidats et aux électeurs de voir encore plus clair. Malheureusement, les politiciens tirent rarement des leçons des réalités du terrain. Alors que c’est le terrain qui devrait commander la manœuvre.

 

 

Issa K. Barry

Dernière modification ledimanche, 29 novembre 2020 17:03

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