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Sauvé et condamné par le sang d’une personne infectée

 

Il s’appelle HI ou c’est ainsi que nous avons choisi de le nommer pour des raisons de confidentialité. Aujourd’hui, il a 27 ans et vit avec le VIH/Sida. Son statut, il l’a découvert dès l’âge de 11 ans, car contaminé par un oncle infecté qui lui a fait don de son sang alors qu’il était gravement malade. Même si l’oncle, par sa générosité et son don de soi, a permis de sauver la vie de son protégé, il l’a malheureusement condamné sans le savoir, encore moins le vouloir, à vivre avec le VIH. Et HI n’en veut pas pour autant à son oncle qui, au moment des faits, ne connaissait pas sa sérologie. Un état d’esprit qui va par la suite sauver le jeune homme, qui vit en couple et est père de 3 enfants.

 

 

 

 

Son histoire nous a été racontée par un de ses médecins qui nous expliquait que de nos jours, il y a des personnes séropositives qui mènent une vie de famille heureuse et même qui arrivent à avoir des enfants sains. L’état d’esprit positif de ce jeune homme infecté par le VIH, sa bonne humeur et son engagement dans la lutte contre la pandémie à travers le théâtre, entre autres qualités que notre interlocuteur a mises en exergue au cours de nos échanges, nous a poussés à vouloir le rencontrer, à connaître son histoire et à la partager. Informé par le médecin de notre démarche, il n’y a vu aucun problème.

 

Mardi 1er décembre 2020, Journée mondiale de lutte contre le Sida, rendez-vous est pris pour 18h avec HI, puisque c’est de lui qu’il s’agit. Pile à l’heure, il nous rejoint au lieu indiqué, dans le quartier Zone 1 de Ouagadougou, où nous l’attendions il y a quelques minutes déjà. Tout décontracté, HI  s’ouvre à nous en nous racontant son histoire, tout de même bouleversante. « Je suis HI et j’ai 27 ans. Je suis webmaster de profession et aussi comédien. J’ai le VIH depuis 14 ans. C’est en 2003 que j’ai été informé de mon statut et mis sous traitement. J’ai été infecté, non pas à travers mes parents car tous mes  frères et sœurs, au nombre de 9, sont sains, ni par des rapports sexuels mais à cause d’une transfusion sanguine. Ma maman est ressortissante du Ghana et pendant les vacances nous aimions la suivre pour y aller. C’est en 2000, lors d’un séjour là-bas, que je suis tombé gravement malade. Les médecins ont dit que mon état nécessitait une transfusion sanguine. L’hôpital ne disposait pas de sang de mon groupe sanguin. Un de mes oncles du même groupe que moi s’est alors porté volontaire afin de me sauver. On a prélevé son sang et me l’a transfusé directement. Malheureusement, il était infecté », nous a-t-il relaté d’un ton émouvant.

 

Son oncle qui ignorait sa sérologie à l’époque, en voulant sauver la vie de son protégé, venait ainsi de lui filer le virus. Comment HI a-t-il découvert son statut ? « Après la transfusion mon état s’est amélioré et je suis revenu au Burkina. Mais en 2002 je suis encore tombé gravement malade. Pendant près de 3 ans je n’ai pas connu la santé. Je suis même tombé dans le coma pendant 2 semaines. Au regard de la souffrance de mes parents qui dépensaient sans cesse pour me soigner, un ami de mon père lui a conseillé de m’amener à l’hôpital pédiatrique Charles de Gaulle, où les soins et les examens étaient gratuits pour les enfants de mon âge. Mon père accepta la proposition. Arrivé là-bas, on me fit une batterie d’examens parmi lesquels le dépistage du VIH qui était… positif », a-t-il lâché, la voix nouée par la tristesse.

 

Bien que découragé par la nouvelle, l’adolescent ne se laissera pas abattre. Bien au contraire, il s’est investi dans la lutte contre la maladie à travers des activités récréatives. « Quand j’ai connu mon statut, cela ne m’a pas particulièrement bouleversé. Très vite, j’ai mobilisé certains de mes amis malades comme moi et on a commencé à faire de la sensibilisation à travers le théâtre. Depuis 2003, on le fait grâce au soutien du Dr Zoungrana qui, à l’époque, nous avait inscrits dans une troupe de théâtre où nous avons pu nous former pendant un an avant de mettre notre troupe en place pour encadrer d’autres jeunes ».

 

C’est d’ailleurs grâce à cette activité de distraction et de causerie qu’il rencontre son âme sœur, avec qui il vit en concubinage depuis une dizaine d’années. Sa dulcinée est elle aussi une PV VIH (Personne vivant avec le VIH : ndlr). Mais ce n’est pas HI qui l’a contaminée. A l’en croire, elle est née d’un père infecté. Mais pourquoi avoir choisi une partenaire du même statut sérologique ? « Au départ, j’avais du mal à partager mon secret, donc j’ai préféré trouver quelqu’un du même statut que moi. Nous nous sommes connus à l’hôpital pédiatrique lors des séances de causerie. Et, Dieu merci, on vit ensemble. Aujourd’hui, on a 3 adorables enfants. Le 1er a 7 ans, le 2e 3 ans et la benjamine 1 an. Les deux premiers sont séronégatifs et la 3e est encore sous traitement », a-t-il confié, affirmant mener une vie épanouie.

 

« Malgré ma maladie, j’ai une vie heureuse avec ma famille », a-t-il lâché tout sourire. D’ailleurs, il ne compte pas s’arrêter à trois gosses. « Je ne vais pas limiter le nombre de mes enfants, j’ai déjà frôlé la mort et je ne compte pas mourir sans laisser d’héritiers», a-t-il justifié avant d’ajouter, jovial : « J’adore la famille ».  

 

A la question de savoir comment leur couple s’y est pris pour épargner les enfants, HI répondra simplement que c’est grâce à l’accompagnement des agents de santé, qu’il considère comme Dieu sur terre : « J’ai toujours considéré le médecin comme un dieu sur terre. Le don de sauver l’être humain, Dieu l’a donné au médecin. Quand j’ai connu mon statut, très vite je me suis confié à mon médecin traitant. Au moindre problème, je me suis toujours tourné vers lui. J’ai toujours suivi les conseils des médecins, même pour ma vie sexuelle ».

 

Ceux qui hésitent encore à faire le dépistage du VIH, HI les exhorte à franchir le pas car, a-t-il relevé, tout être humain doit aujourd’hui connaître son statut pour mieux vivre, vivre avec ceux qu’il aime et même limiter les risques. En plus, la médecine offre de nos jours des traitements qui permettent de vivre confortablement. Il suffit, selon lui, de toujours écouter les conseils des agents de santé.

 

A ceux qui ont été testés positifs et qui renoncent à se mettre en couple, car ne sachant pas comment s’y prendre pour avouer leur statut à l’autre, il donne des stratégies d’approche. « Il ne faut pas avoir peur. Si on s’aime réellement, on doit se dire la vérité. Selon les textes, quand une personne séropositive sort avec quelqu’un, elle dispose de 24h pour l’informer de son statut mais on peut prendre le temps de préparer la personne à accepter la situation. Il ne faut pas dès le premier contact penser aux rapports sexuels. Il faut, lors des discussions, aborder de temps en temps la question du VIH en général. Et s’il se trouve que la personne en a une compréhension favorable, lui poser un jour la question : Et si c’était moi qui étais infecté ? A partir de sa réponse, vous saurez si il ou elle veut vivre avec vous. Malheureusement, certains ne veulent pas dévoiler leur secret », a-t-il fait remarquer.

 

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