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Centrafrique : Elections sous haute tension sécuritaire

Vaille que vaille, la Centrafrique a organisé hier des élections couplées, présidentielle législatives.

Qui de Faustin Archange Touadéra, le président sortant, d’Anicet-George Dologuélé, son concurrent le plus sérieux, ou  des quinze autres candidats aura la préférence du million 850 mille inscrits sur les listes électorales ?

 

 

Mais peut-être est-il plus pertinent de s’interroger sur combien de Centrafricains ont pu effectivement se rendre aux urnes hier dimanche, tant la situation sécuritaire, déjà volatile depuis une bonne dizaine de jours, s’est particulièrement dégradée ces dernières 72 heures, particulièrement au nord-ouest du pays : ainsi, trois casques bleus y ont perdu la vie vendredi dernier, renforçant les craintes d’élections fortement perturbées.

 

Fort de ces appréhensions, l’opposition avait déposé des recours auprès de la Cour constitutionnelle pour un report des scrutins, expliquant par le biais de ses avocats que les électeurs, stressés par le crépitement des armes dans plusieurs localités, n’allaient pas pouvoir voter en toute âme et conscience ni dans la tranquillité. Peine perdue, leur requête ayant été rejetée samedi, la veille des scrutins. La juridiction suprême du pays a argué que la Centrafrique était tenue au respect des délais constitutionnels selon lesquels le Parlement devrait être renouvelé et le nouveau président prêté serment au plus tard le 30 mars 2021.

 

Dura lex sed lex ! La loi reste la loi, aussi dure soit-elle. Les élections ont donc eu lieu ce 27 décembre, suivant les dispositions légales du pays et la  volonté de la communauté internationale qui a mis la main à la poche, avec l’espoir que ces scrutins renforceront le processus de sortie de crise et la paix dans le pays. Il faut croire, au vu du développement de la situation ces deux dernières semaines, qu’il n’en prend pas le chemin. En effet, l’exclusion de l’ancien président François Bozizé de l’élection présidentielle a réveillé les vieux démons des divisions politico-militaires. Ainsi, six  parmi les plus importants groupes armés qui déchirent le pays, signataires des accords de Khartoum de 2019, l’ont dénoncé, appelant à un report des élections, à un dialogue national et à un gouvernement de transition. Pis, sous la houlette de François Bozizé, ils ont déterré la hache de guerre depuis le 19 décembre 2020. Mais pour ne pas leur donner raison dans leur croisade antiélection, le gouvernement Touadéra, avec le soutien de la communauté internationale, a tenu le cap de l’organisation des scrutins ce 27 décembre.

Les élections se sont donc tenues sous haute tension sécuritaire, plusieurs incidents ayant été signalés dans plusieurs localités avec une perturbation majeure des opérations de vote dans des villes comme Bambari, Bossangoa, Bakouma et Dekoua.

A l’évidence, on a assisté à tout sauf à des opérations de vote dans la sérénité. Dans ces conditions, le grand vainqueur de ces scrutins, on s’en doute, sera l’abstention, y compris à Bangui, la capitale, sous haute surveillance de la MINUSCA et des troupes d’élite rwandaises. Quelle crédibilité donner alors aux résultats de tels scrutins et subséquemment aux élus, Parlement et premier magistrat du pays, qui en seront issus ?

Bref, les élections d’hier en Centrafrique posent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Elles y aggravent la crise politico-militaire, car les groupes rebelles ne déposeront pas de sitôt les armes, et le nouveau président, contesté avant d’être élu, n’aura d’autorité que sur Bangui ainsi que les localités alentours, et sera sous forte tutelle de la MINUSCA. Avec ces élections au forceps, la légalité est donc sauve, mais pour ce qui  est de la légitimité des élus, il faudra repasser.

Zéphirin Kpoda

Dernière modification lelundi, 28 décembre 2020 23:05

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