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Violences postélectorales : Washington, Accra, same shame *

 

Qui l’eût cru ! En ce plein 21e siècle, après près de 2 siècles et demi d’indépendance et d’élections démocratiques aux Etats-Unis, des manifestants ont envahi le Capitole, le siège du Parlement, pour empêcher la confirmation des résultats d’un scrutin présidentiel.

 

 

C’est arrivé le mercredi 6 janvier 2021 où des hordes de croquants, des partisans zélés du président sortant, Donald Trump, y ont saccagé fenêtres, meubles et moquettes pour empêcher les élus à la Chambre des représentants d’entériner la victoire du candidat démocrate, Joe Biden, le vainqueur de l’élection présidentielle  du 3 novembre dernier. Ils étaient d’autant plus remontés contre le système que les résultats des sénatoriales partielles en Géorgie leur étaient défavorables.

 

Les images de cette jacquerie, avec des élus réfugiés sous leurs pupitres et des manifestants ivres de colère, ont fait le tour du monde. Cela n’est pas seulement effarant et hilarant, c’est simplement désastreux pour l’image de modèle démocratique des Etats-Unis, d’un peuple mature et d’une classe politique fair-play. Les premiers à souffrir de cette éclaboussure politiquement malodorante sont le Parti républicain et son candidat malheureux à la dernière présidentielle. Et Donald Trump, par qui ce scandale est arrivé, n’est pas seulement un président ridicule, que dis-je, un perdant de merde, c’est  un homme à la limite du détraqué qui a foncé avec un bulldozer sur la vitrine du modèle démocratique américain.

 

Plus qu’une fissure, il l’a écartelé avec cette insurrection partisane, sectaire au service de l’ego d’un mégalomane qui s’illusionne d’être un sauveur du système démocratique américain. Tout le contraire ! Que George Washington, Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et autres pères fondateurs des Etats-Unis doivent se retourner de dépit dans leurs tombes et l’un de leur digne successeur, Barack Obama, être ébranlé dans ses certitudes d’une Amérique aux institutions fortes à l’abri de la folie du pouvoir des hommes forts. Si le ridicule tuait, Donald Trump et ses partisans se seraient fait harakiri et plutôt deux fois qu’une. Son discours de rattrapage, comme un médecin après la mort, n’y changera rien. Et voilà l’Amérique groggy dans la situation embarrassante de l’arroseur arrosé, de donneur de leçons incapable de mettre en œuvre ses propres conseils !

 

Ils doivent bien rire sous cape, les Vladimir Poutine, Xi Jinping, Recep Tayyip Erdogan, Kim Jong-un et autres hommes forts des régimes forts, de cette insurrection trumpiste contre le Capitole, et les démocrates de par le monde, particulièrement en Afrique, être dans leurs petits souliers. Désormais les mauvais perdants aux élections pluralistes ont une icone : Donald Trump.  Et ce dernier, après le flop total de son mandat présidentiel, s’il voulait néanmoins marquer les tablettes de l’histoire, eh bien, il l’a réussi, à la Pyrrhus.

 

En effet, celui qui twitte plus vite que son ombre a fait déjà des émules en Afrique, au Ghana, où les députés  en sont venus aux mains quelques heures après l’historique invasion du Capitole. Incapables de se mettre d’accord sur le mode de scrutin pour élire le président du Parlement, ces députés ghanéens ont fait plus que se chamailler, obligeant l’armée à intervenir dare dare pour ramener le calme à l’hémicycle.

 

Ces échauffourées entre parlementaires ghanéens sont un prolongement de la contestation de la victoire du président sortant à la présidentielle du 7 décembre dernier. Une contestation qui avait gagné la rue et occasionné la destruction de biens publics et privés ainsi que la mort d’au moins 7 personnes. Ces pertes, ajoutées à cette bagarre au Parlement  et à l’intervention de l’armée  sur les lieux, sont un  gros projectile sur la vitrine du modèle démocratique ghanéen. En d’autres temps, Washington, par exemple, se serait dépêché de condamner ces événements, ou tout au moins aurait exprimé, selon les formules diplomatiques galvaudées, « ses vives préoccupations », affirmant « suivre  l’évolution de la situation » tout en appelant « toutes les parties au dialogue pour trouver une issue pacifique à la crise ». Pour l’instant on n’a rien entendu de tel et bien des observateurs tendront l’oreille aux déclarations que ferait la délégation américaine venue pour l’investiture du président Nana Akufo-Addo hier jeudi.

 

Des Etats-Unis au Ghana, la principale leçon que nous inspirent les derniers événements politiques qui s’y sont déroulés, c’est que la perfection démocratique est une quête permanente. Les modèles les plus éprouvés dans la participation des citoyens à la désignation de leurs gouvernants et à la prise de décisions concourant à leur bien-être ne sont pas à l’abri d’une remise en cause aussi inattendue que brutale. Dès lors, dans cette quête de la pertinence du système démocratique, l’on doit se départir des stéréotypes infantilisant ou lénifiant les individus, voire les peuples. Il n’y a pas de « peuples intelligents » et de « peuples immature, sauvages ». Il n’y a que des peuples aux cultures différentes, dans un village planétaire, appelés à construire, par la découverte réciproque et la tolérance, la civilisation de l’universel selon les termes de l’écrivain Léopold Sédar Senghor. Dans cette dynamique, y a-t-il un modèle démocratique unique ou chaque peuple doit se construire son système politique à l’aune de sa propre histoire ? Bien sûr, les réponses à cette question sont divergentes. Mais ce qui est aussi sûr, c’est que ces violences postélectorales à Washington et à Accra couvrent difficilement, pour faire dans l’anglicisme, the same shame.

 

 

 

Zéphirin Kpoda

(*) : Même honte, en anglais

Dernière modification ledimanche, 10 janvier 2021 18:09

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