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Ecrits sous moustiquaire  de Marie-Clotilde Bastide: Chant furieux pour les Misérables

 

Ecrits sous moustiquaire est un recueil de poésie de la photographe française Marie-Clotilde Bastide. C’est un œil venu d’ailleurs qui se pose sur l’Afrique et particulièrement sur l’autre ville, celle qui prolifère à sa périphérie comme un chancre mou et que l’on cache comme une maladie honteuse.  Avec sa langue qui puise dans le français de la rue d’Afrique comme dans celui académique, elle observe ses hommes, femmes et enfants qui entrent dans son champ de vision et expose leur vie misérable.

 

 

Dès qu’on ouvre ce livre, on voit tomber les vérités établies. Ainsi de l’antienne, « une image vaut mille mots » attribuée à Confucius serinée à l’envi et sur tous les tons tellement sa validité semble irréfutable. Pourtant, devant ce recueil, cette maxime se fracasse. Ici, c’est plutôt le mot qui vaut mille images. En effet,  il suffit de regarder les photos qui accompagnent le recueil pour se rendre compte qu’elles perdent le combat devant la force des mots. Ces photographies enserrent les textes comme un coffret protège des joyaux. Sur les images, on voit des enfants qui jouent. Une rue avec un cloaque de sachets plastiques. La photo fige des instantanés, elle fixe l’objet comme on épingle un insecte sur une planche tandis que les mots animent l’objet, l’insère dans un univers et construit une réalité. Dire Toudoubwéogo et c’est un univers qui se lève et s’anime. Sans doute, c’est cela qui a poussé l’autrice à faire provision de mots pour restituer ses déambulations dans ce quartier, et au Burkina et dans la sous- région.

On devine que la poétesse vit dans la proximité des non-lotis de Toudoubwéogo, elle s’est posée sur la ligne Maginot invisible mais si présente qui sépare la ville et sa part d’ombre que sont les non-lotis de Toudoubwéogo. Avec des mots qui empruntent à la langue mooré, au français d’Afrique et à la langue académique, la poétesse compose des tableaux, esquisse des portraits, croque des scènes de la vie de ses petites engluées dans les difficultés du quotidien mais qui cueillent aussi des fragments de bonheur.

Ses poèmes abordent la misère, la faim, la maladie, particulièrement le paludisme qui, dans cet environnement insalubre, est le monstre qui rôde et plante son dard dans les chairs fraîches des enfants et les peaux flapies des personnes âgées. Si Ecrits sous moustiquaire, de par son titre évoque l’abri contre l’anophèle, ce tueur silencieux ; il dit aussi que l’autrice est dans une zone de confort, sous moustiquaire, pour regarder les Misérables de ce quartier.

Avec Ecrits sous moustiquaire, Marie-Clotilde regarde l’Enfer et le commente mais sans descendre dans ses dédales et ses 9 cercles. Elle l’observe à travers la barrière de sa moustiquaire.

 

Saidou Alcény Barry

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