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Vaccin contre le paludisme : L’espoir venu de Nanoro

Célébrée depuis 2008, rarement Journée mondiale de lutte contre le paludisme était autant tombée à pic, comme celle d’hier 25 avril 2021, au carrefour de plusieurs bonnes nouvelles sur le front de la lutte contre cette emblématique endémie :

 

Primo : le professeur Jérôme Clain de l’université Paris-Descartes nous apprend que la résistance du parasite responsable du paludisme aux traitements curatifs actuels peut être vaincue par une trithérapie, association de l’atovaquone proguanil à la bithérapie à base d’artémisinine utilisée jusque-là. Des essais cliniques sur 1600 enfants de moins de 5 ans au Mali, au Ghana, au Gabon et au Bénin ont donné des résultats satisfaisants et, foi du chercheur français, « cette trithérapie sera efficace et bien tolérée par les patients, c’est-à-dire avec peu d’effets secondaires supplémentaires par rapport à la bithérapie ».

Secundo : Des chercheurs du centre de recherches médicales de Lambaréné au Gabon, financé principalement par la Fondation Bill et Melinda Gates, nous apprennent la mise au point d’un candidat vaccin dénommé RTSS, en collaboration avec le Kenya et le Burkina Faso. Efficace à seulement 39%, ce candidat vaccin a encore du chemin à faire pour passer le cap des essais cliniques, même s’il participe à combler le vide qui a longtemps marqué ce domaine de la découverte d’un remède préventif contre l’hécatombe due à la piqûre de l’anophèle.

Tertio : Dernière bonne nouvelle et pas des moindres, le professeur Halidou Tinto de l’unité de recherche clinique de Nanoro au Burkina Faso a annoncé qu’en collaboration avec l’université britannique d’Oxford, ce laboratoire a mis au point un candidat vaccin que l’on peut qualifier de très sérieux. En effet, à la fin de la phase II des essais cliniques, le R21 /Matrix-M, le candidat vaccin en question, à dose élevée, immunise  77%  des membres du groupe test.

Eurêka, peut-on s’exclamer alors ! Car la norme de 75%  d’immunisation de la population cible exigée par l’OMS pour homologuer tout vaccin a été franchie. Bravo donc à notre compatriote, le professeur Halidou Tinto ainsi qu’à tous ses collaborateurs du l’unité de recherche clinique de Nanoro et de l’université d’Oxford. Selon toute vraisemblance, ils ont dans leurs éprouvettes la molécule d’espoir pour toute l’humanité, en particulier les zones où le paludisme sévit de manière endémique : l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est et les îles Caraïbes.

Le R21/Matrix-M est une molécule d’espoir pour l’humanité, car 40% de la population mondiale est en permanence exposée à cette maladie qui affecte environ 300 millions de personnes par an avec plus d’un million de décès dans cet intervalle. Une véritable hécatombe qui emporte les enfants de 0 à 5 ans, particulièrement en Afrique subsaharienne. De fait, selon les statistiques de l’OMS, 1 enfant africain meurt toutes les 30 secondes à cause du paludisme.

Trop, c’est trop ! Il faut arrêter cet holocauste nouveau genre. Mais comment y parvenir quand les traitements curatifs dont disposent les praticiens sont de plus en plus inopérants contre l’endémie tandis que l’insecte vecteur paraît de plus en plus vacciné contre les insecticides censés le mettre hors d’état de nuire ?

Les populations victimes ont longtemps croisé les doigts pour la découverte d’un vaccin contre ce cancer tropical. Son salut pourrait bien venir de Nanoro, ou plus exactement de l’unité de recherche clinique nichée dans la capitale de cette commune rurale, au Centre-Ouest du Burkina. Mais que ce fut long, le temps mis pour débroussailler les curricula de recherche menant à cette molécule miraculeuse ! Et combien de temps encore le monde, les Africains, les Sud-Américains, les Indiens, les Pakistanais, bref, toutes ces populations exposées quotidiennement au paludisme, devraient-ils ronger leur frein dans l’attente du feu vert de l’OMS pour la commercialisation de ce vaccin ?

Comparaison n’est pas raison, mais pour la Covid-19, les choses se sont passées à la vitesse grand V. Les étapes imposées par l’OMS pour homologuer un vaccin ont été allégrement brûlées alors que certains des vaccins actuellement utilisés pour endiguer la pandémie sont à peine efficaces à 60%. Par ailleurs, quand on voit les milliards de dollars US des fonds publics et privés dont bénéficient les laboratoires qui ont mis au point des vaccins contre la Covid-19, ce n’est pas verser dans le « complotisme » que de dire que la recherche dans la lutte contre le paludisme est bien orpheline des bailleurs de fonds. Cela explique le « un pas en avant, deux en arrière » qui plombe les avancées en la matière. Ce serait donc une demi-surprise que les firmes pharmaceutiques ne se bousculent pas à Nanoro pour se dire prêtes à produire à grande échelle le R21/Matrix-M. Pire, il ne faut pas exclure que l’OMS refuse de l’homologuer, exigeant, pourquoi pas, des essais cliniques complémentaires jusqu’à l’ultime phase V exigée pour valider un vaccin. Le paludisme n’est pas la Covid-19. Les enjeux dans leur prise en charge diffèrent également. Le premier n’est pas aussi handicapant que le second pour ceux qui tiennent les cordons de la bourse de la recherche, des laboratoires pharmaceutiques et de l’OMS elle-même.

Qu’importe, les Africains et les Burkinabè en particulier peuvent s’enorgueillir de cette découverte de l’unité de recherche clinique de Nanoro. Elle brise le cliché réducteur des chercheurs du continent qui cherchent et ne trouvent rien ou pas grand-chose. Le laboratoire de recherche clinique de Nanoro, le professeur Tinto et son équipe, sont la preuve qu’avec plus de moyens logistiques et financiers, les chercheurs africains peuvent être des lumières dans leurs domaines de compétence.  

En tout cas, leur découverte participe grandement aux objectifs de la célébration annuelle d’une journée mondiale de lutte contre le paludisme : « mettre en lumière les efforts mondiaux de lutte contre la maladie et célébrer les progrès réalisés ». C’est dans cette logique que la célébration de cette année vise à souligner les succès des pays dans la lutte contre le paludisme ; inspirer un nouveau groupe de pays qui ont le potentiel d’éliminer la maladie d’ici 2025 ; démontrer que « zéro palu », c’est à la portée de tous les pays.

Des objectifs nobles, un beau triptyque que concentre en elle la molécule R21/Matrix-M, cet espoir de vaincre le paludisme venu de Nanoro.

La Rédaction

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