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Hémophilie au Burkina : Les malades voient… rouge

 

En plus de leur mal, qui reste méconnu, les hémophiles du Burkina, qui souffrent pourtant énormément, voient leur situation se compliquer davantage si rien n’est fait. En effet, leur principal traitement qui est le « concentré de facteurs » leur est fourni dans le cadre d’un projet de la Fédération mondiale des hémophiles qui pourrait prendre fin à tout moment. L’Association des hémophiles du Burkina Faso (AHBF) a donc organisé le 17 avril 2021, à l’occasion de la Journée qui leur est dédiée, une conférence de presse pour attirer l’attention des autorités sur la situation et les exhorter à prendre le relais.

 

 

Le samedi 17 avril 2021 se tenait dans une des salles de réunion du Palais de la culture et de la jeunesse Jean Pierre Guingané une conférence de presse. Outre les journalistes, y étaient aussi présents d’autres personnes, membres ou sympathisants de l’association organisatrice. Dans cette assistance, la présence remarquable de nombreux petits garçons et d’adolescents portant la plupart en commun une malformation, soit au pied, soit à la main. Ils souffrent de l’hémophilie. Le 17 avril était une journée à eux dédiée. Et l’Association des hémophiles du Burkina Faso (AHBF), au sein de laquelle ils sont regroupés, soit 250 membres environ, a initié une rencontre avec les hommes de médias pour parler de leur situation. Informer les populations et les sensibiliser à la particularité de cette maladie et à la souffrance des malades, tels en étaient les principaux objectifs.

 

L’hémophilie est une maladie hémorragique héréditaire qui se transmet par le chromosome X, aussi appelé chromosome sexuel parce qu’il intervient dans la détermination du sexe. La maladie est caractérisée par un trouble de coagulation qui touche principalement les garçons. Certains facteurs qui interviennent dans la coagulation font entièrement ou partiellement défaut. Elle existe sous deux formes : le déficit en facteur VIII donne l’hémophilie A et le déficit en facteur IX donne l’hémophilie B. Selon les estimations, il y aurait 1400 malades au Burkina.

 

 

 

L’hémophile ne doit pas se blesser

 

 

 

La personne hémophile ne parvient pas à former un caillot solide au cours du processus de coagulation. Elle ne saigne pas plus qu’un autre, mais plus longtemps car le caillot ne tient pas. En cas de blessure, il s’avère donc très difficile d’arrêter les saignements, tant externes qu’internes, de ces personnes.

 

L’hémophilie se manifeste par la formation d'hématomes pour des traumatismes, même minimes, des hémarthroses, c'est-à-dire la présence de sang dans les articulations (le genou, le coude et la cheville sont les articulations le plus souvent touchées), des hémorragies faciles en cas d'atteinte cutanée minime. Les symptômes apparaissent précocement pour les formes sévères (souvent pendant la petite enfance). C’est pourquoi les enfants hémophiles doivent s’abstenir de certains de leurs jeux favoris comme le football. « L’hémophile a une vie comme tout le monde mais ne peut pas vivre comme tout le monde », dira d’ailleurs le président de l’Association des hémophiles du Burkina Faso (AHBF), Aristide Zongo.

 

A cause du défaut de coagulation, l’hémophilie rend aussi beaucoup plus compliquée toute intervention chirurgicale, même les plus mineures, telle que l'extraction dentaire ou la circoncision. « Mon fils a 12 ans mais n’est toujours pas circoncis », a confié le président de l’AHBF avant d’ajouter qu’avec l’amélioration de la prise en charge maintenant, la circoncision est possible au Burkina et il attend les grandes vacances pour lui faire subir cette opération.

 

A en croire toujours ce responsable d’association, le diagnostic de l’hémophilie n’était pas possible il y a quelques années. Ce qui fait que beaucoup de malades mouraient sans avoir connu leur statut. Aujourd’hui disponible, il reste tout de même difficile à établir car toujours méconnu, même dans le milieu des agents de santé. Actuellement, plus de 113 patients ont pu bénéficier du diagnostic, selon Aristide Zongo.

 

 

 

Quel traitement pour un hémophile ?

 

  

 

Selon le Dr Koumpinguim Yacouba Nébié, biologiste, le traitement nécessite à des médicaments très spécifiques qu’on appelle concentrés de facteurs de coagulation. « Ce qui manque à l’hémophile, les industries pharmaceutiques sont arrivées à le fabriquer et c’est ce qu’on utilise pour les soigner. Avant, on transfusait le sang total pour qu’il apporte ce qui manquait au malade mais ce traitement n’était pas suffisamment efficace. Ce qui fait qu’on fabrique maintenant des concentrés de facteurs », a expliqué le Dr Nébié. Mais à l’en croire, ce sont des traitements qui coûtent extrêmement cher, mais qui doivent être utilisés en grande quantité. « A chaque séance de traitement, on n’a pas moins de 200 000 à 300 000 F CFA à débourser pour une semaine », a t-il confié.

 

Cependant, pour opérer un malade hémophile, a-t-il relevé, il faut impérativement avoir des concentrés de facteurs disponibles. Autrement, le malade passer de vie à trépas pendant l’intervention.

 

 

 

Cri du cœur…

 

 

 

Foi toujours du biologiste, les concentrés ne se vendent pas en pharmacie au Burkina. Ils sont uniquement disponibles dans le cadre d’un projet de la Fédération mondiale des hémophiles qui en donne aux pays pauvres, le temps que ces derniers tracent leur programme. C’est pourquoi, pour le moment, seulement les grands hôpitaux comme Yalgado, Bogodogo, Charles de Gaulle et Souro Sanou en disposent.

 

« Par le biais de notre association, nous avons adhéré à la Fédération mondiale en 2016. Grâce à cela, nous bénéficions des facteurs pour traiter nos malades et nos agents de santé ont aussi bénéficié de beaucoup de formation pour poser le diagnostic ainsi que des voyages d’études. Et maintenant la prise en charge est meilleure. Mais nous voulons exhorter le ministère (de la Santé : ndlr) à s’intéresser à notre maladie. C’est grâce à la fédération qu’on a actuellement le traitement, mais il y aura un moment où le projet va prendre fin et tant que le ministère ne prendra pas le relais, ça sera très difficile », a lancé, avec soupir, Aristide Zongo.

 

 

 

Encadré

 

 

 

Suzanne Ouédraogo, mère de 3 garçons hémophiles

 

«J’ai perdu le goût de la maternité »

 

 

 

Suzanne Ouédraogo est venue de Korsimoro (Centre-Nord), à 75 km environ de Ouaga, avec ses trois fils pour prendre part à la célébration de la Journée mondiale de l’hémophilie le 17 avril. Mère de 4 enfants, seule sa fille n’est pas atteinte de la maladie ou du moins ne manifeste pas de signes. En effet, les agents de santé ont prévenu qu’elle pourrait, elle aussi, transmettre les gènes de la maladie à ses garçons. Une situation qui l’inquiète beaucoup. Mais en attendant, Suzanne doit s’armer de courage pour faire face au mal de ses trois gosses qui souffrent depuis leur naissance. L’aîné, Charles, âgé de 14 ans, en porte d’ailleurs des séquelles bien visibles car marchant avec des béquilles.

 

« Son mal a commencé alors qu’il n’avait même pas 1 an. Il saignait régulièrement du nez. A 2 ans, c’est son pied qui a commencé à enfler, puis la main. Nous avons pensé à une entorse et le traitions à l’indigénat. Mais la situation ne faisait qu’empirer. A l’hôpital, on ne nous prescrivait que des calmants. Et c’était des jours avec et des jours sans. A 3 ans, nous avons circoncis le petit et ce n’est qu’au 23e jour qu’on a pu stopper l’hémorragie et la plaie, qui s’est putréfiée, et a mis plus de 6 mois avant de cicatriser. Après cela, des choses bizarres comme des bribes de viande apparaissaient entre ses dents, et si on essayait de les tirer pour les enlever, bonjour les saignements.

 

Son petit frère a failli, lui aussi, perdre la vie après sa circoncision dont la cicatrisation a duré plus d’un an. Avec eux, je passais le temps à faire le tour des hôpitaux. Je ne puis vous décrire ma souffrance. Nous avons par la suite été référés à Ouaga où on a diagnostiqué l’hémophilie. On m’a fait amener tous mes trois garçons pour faire des examens et il s’est avéré que tous souffrent de la même maladie. Aujourd’hui, ils bénéficient d’une prise en charge grâce à l’association (AHBF : ndlr) et je prie Dieu de leur donner les moyens pour qu’ils nous aident toujours. Quand je pense à la souffrance que j’ai endurée avec les garçons, j’en viens à perdre le goût de la maternité », a-t-elle raconté avec amertume.

 

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