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Lutte contre le terrorisme au Burkina : Avons-nous abdiqué ?

 

Le bilan est toujours aussi effroyable. Deux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et une trentaine de civils tués, des dizaines de blessés, des maisons et des greniers incendiés, du bétail emporté, tel était le décor qu’offrait le hameau de culture de Kodyel vers Foutouri, dans la Komandjari, le lundi 3 mai 2021  après le passage des hordes sanguinaires qui, une fois de plus,  s’en sont prises à des villageois aux mains nues.

 

Ce massacre vient une fois de plus endeuiller une région–martyre qui ne sait plus à quel Etat se vouer. Cette boucherie intervient en effet une semaine seulement après l’enlèvement le 26 avril dernier suivi de leur exécution de trois journalistes, précisément 2 Espagnols et un Irlandais, dans la réserve de Pama. Derniers exemples en date des récurrents attaques, attentats et embuscades dont le Gulmu est devenu l’épicentre au fil du temps. Le même jour, c’est à Yattakou et Seytenga dans le Séno que 18 personnes tombaient sous les balles assassines de ces fameux Individus armés non identifiés (IANI).

 

Qu’est-ce qui se passe donc ? Ces regains cycliques de violence après de brefs moments d’accalmie sont symptomatiques, à tout le moins, de l’impuissance des autorités à endiguer un fléau qui, depuis six ans, a fait près de deux mille morts (militaires et civils confondus), un million de déplacés internes, vidé des villages entiers de leurs occupants, fermé des dizaines d’écoles et ruiné économiquement des régions  désormais sous l’emprise de la pieuvre tentaculaire qui  nous étouffe, dictant sa loi dans des localités où les Forces de défense et de sécurité (FDS), quand elles sont présentes, ne sont pas particulièrement efficaces, pour être gentil.

 

Chose curieuse, ces derniers mois, ce sont d’ailleurs les VDP qui tombent le plus sur le champ d’honneur. Est-ce parce qu’ils sont en première ligne sur ce front, en contact direct avec l’ennemi avec lequel ils vivent ? Est-ce parce que ces braves gars n’ont reçu, pour toute formation militaire, qu’une instruction élémentaire dans le maniement des armes ? Est-ce parce qu’ils sont sous-équipés ?... Ce sont autant de questions légitimes qu’on peut se poser même si le fait qu’ils tombent plus souvent que ceux dont la vocation est de défendre l’intégrité du territoire donne le sentiment, détestable s’il en est, que les FDS semblent avoir sous-traité le combat à ces supplétifs, se calfeutrant, comme qui dirait, dans une candeur poltronne qui ne dit pas son nom. Inimaginable ! Un adage bien de chez nous ne dit-il pas que lorsque la chèvre mord l’étranger, elle met la honte au chien de la maison ?

 

On n’ose donc pas croire que nos militaires, gendarmes et policiers manquent de vaillance, on devrait dire de couilles, pour emprunter au langage cru des casernes, mais on finit par s’interroger. A moins que ce ne soit un problème de stratégie globale de la hiérarchie politico-militaire ? Passe encore que le Mali et le Niger, amples comme des boubous bambaras ou djermas, avec plus d’un million de kilomètres carrés chacun, ne parviennent pas à sécuriser leurs vastes étendues désertiques, mais que le Burkina éprouve tant de difficultés sur ses petits 274 000 kilomètres carrés laisse songeur. Et ne nous parlez pas de guerre asymétrique car elle a bon dos, cette guerre asymétrique derrière laquelle on s’abrite systématiquement pour se dédouaner à bon compte de ses propres carences.  

 

Il est vrai qu’il doit y avoir un sérieux problème de maillage du territoire, or tant qu’il y aura des déserts sécuritaires  sans le moindre détachement militaire ou brigade de gendarmerie digne de ce nom (avec personnel et équipements conséquents) à la ronde, on ne sera jamais au bout de nos peines. Quand on voit d’ailleurs comment cette engeance se balade par bataillons entiers narguant littéralement leurs victimes résignées, juchés sur des motos, dans ce qui ressemble dorénavant à des zones de non-droit, on réalise qu’elle est vraiment en terrain conquis, au nez et à la barbe de nos soldats.

 

Rien d’étonnant donc que dans un tel contexte, les populations, livrées à elles-mêmes, acceptent, de guerre lasse, les conditions que leur dictent les terroristes qui veulent instaurer des califats locaux, imposant barbes longues et pantalons courts aux hommes, voile intégral aux femmes alors même qu’ils ne croient ni à Dieu ni à diable.

 

Où sont donc passées les bonnes résolutions du genre « nous ne céderons jamais la moindre parcelle de notre territoire » ? Y a-t-il pire cession que ces « négociations » qui sont souvent des redditions sans conditions sans, manifestement, cahier des charges ou TDR précis indiquant clairement les lignes rouges à ne pas franchir par les leaders communautaires ? Peut-on, par exemple, marchander le caractère laïc de la république ? Si oui, nous aurions tout simplement abdiqué et ce serait la preuve que les prétendus djihadistes ont gagné la sale guerre sur fond de rapine qu’ils nous imposent depuis d’interminables années. Pauvres de nous !

Ousseni Ilboudo

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