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Ethnologie et littérature de Vincent Ouattara: Ce que dit le cola dans les romans africains

Vincent Ouattara creuse le sillon quil a tracé avec Les Secrets des Sorciers en 2013 qui a jeté une passerelle entre lanthropologie et la littérature. Cette fois-ci, avec son essai Ethnologie et Littérature : symbolisme du cola dans la littérature, paru à Sankofa et Gurli Editions, il part de lethnologie pour éclairer la chaîne flottante du sens du cola dans le roman africain. On y découvre le cola dans tous ses éclats et tous ses états.

 

 

Dans cet essai, on retrouve le chercheur et le vulgarisateur quest Vincent Ouattara. En effet, cet essai est le prolongement dun article scientifique publié en 2013 et intitulé « Approche ethnologique du roman à travers le cola ». Ce texte reprend cette intuition première, lapprofondit, en élargit le corpus et y ajoute des images dillustration.  Ce discours critique qui jette un pont de sens entre lethnologie et la littérature est lethno-critique qui pour Marie Scarpa est au confluent de plusieurs théories critiques et dont lintérêt est de « montrer comment les données culturelles qui informent le texte littéraire en construisent lethnologique, lethno-poétique ».

Cet essai est la résultante dune enquête de terrain adossée à une solide colonne  théorique  et un riche travail documentaire de sorte que de la science a la verticalité sereine et de terrain, lhorizontalité du réel. Lessai dune centaine de pages se subdivise en deux grandes parties. La première sattache à montrer la place du cola dans les pratiques sociales de deux communautés, les Lyelé et les Mossé. On découvre que le cola est un élément important dans les évènements sociaux pour le mariage, le baptême, laccueil, la réconciliation. Il est aussi un élément de divination et pour les sacrifices en vue damadouer les esprits et davoir des augures favorables.

Des photos dillustration en couleur accompagnent le texte et décline les différentes morphologies que peut prendre la noix de cola. On découvre le cola tel quon ne la jamais vu avec des nuances de couleurs qui vont du rouge au rose en passant par le mordoré, le blanc et le vert et des noms surprenants qui disent le génie des communautés à nommer métaphoriquement les choses. On  ballade le regard sur ces images et ces micro-textes explicatifs comme si on est un promeneur dans un musée dédié à la noix de cola. Cest un choix heureux et heuristique de marier le texte aux images.

La seconde partie est consacrée au cola dans la littérature orale et dans trois romans que sont La Défaite du Yargha (1977) dEtienne Sawadogo, lEtrange destin de Wangrin (1973) et Le Monde seffondre (1966) de Chinua Achebe.

A travers ses trois romans, Vincent Ouattara sattaque à repérer les occurrences de la noix dans le texte et à donner le sens de son apparition, à interroger « le symbolisme de cette noix de cola dans le travail de signifiance des œuvres littéraires ».

Cest un essai facile à lire car écrit dans une langue accessible qui évite autant que cela est possible de tomber dans le jargon impénétrable de la critique universitaire.  Linsertion dimages pour illustrer le texte ainsi que la bonne qualité chromatique de celles-ci aident à la compréhension immédiate du texte par nimporte quel lecteur.

Faut-il rappeler que lethno-critique est une science du texte assez récente ?  Elle est née dans les années 1990 et à notre connaissance, Vincent Ouattara est celui qui la porte au Burkina. Cette approche qui entre dans la littérature par la fenêtre de lanthropologie renouvelle le regard critique sur les œuvres africaines et burkinabè, longtemps auscultées par la sociocritique et la sémio-critique. La preuve avec cet essai qui au-delà de nous imposer le masculin pour le cola nous ouvre à une compréhension nouvelle de la littérature comme réceptacle, réappropriation et réinterprétation des éléments de culture. Grâce à cet essai sur le symbolisme du cola, le lecteur découvre que la présence de cette noix dans les romans africains nest pas anodine, elle est génératrice de plusieurs significations pour peu que lon aborde le sujet avec les outils de lethno-critique.

Saïdou Alcény Barry

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