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Sommet sur le Mali : La CEDEAO face à ses propres contradictions

 

Heureux qui comme Assimi Goïta revient d’un sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Tel pourrait être le résumé du voyage que l’autoproclamé président de la Transition malienne a effectué dimanche en terre ghanéenne où il a pris part au conclave des chefs d’Etat sur la situation qui prévaut dans son pays.

 

 

Le colonel, pour qui être déjà  à Accra était une victoire, avait pris le soin de changer de look, troquant le treillis, qui fait mauvais genre, contre un costume-cravate de circonstance. Comme pour amadouer ceux qui ne sont pas encore tout à fait ses homologues.

 

L’opération de charme semble avoir réussi. A l’issue d’échanges de quelques heures, le président en exercice, Nana Akufo-Addo, et ses pairs ont en effet décidé de suspendre le Mali de l’organisation sous-régionale, tout en réclamant la nomination d’un premier ministre civil et la formation d’un gouvernement inclusif.

 

Une sanction donc à minima comme on le voit qui entérine de fait le coup de force  contre le président et le premier ministre de Transition, Bah N’Daw et Moctar Ouane, contraints à la démission le 26 mai par celui qui était jusque-là le vice-président chargé des questions des défense et de sécurité.

 

Le colonel Assimi Goïta reprend en réalité sa chose. Après avoir renversé Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020, la CEDEAO et la communauté internationale, on se rappelle, avaient déjà dû lui tordre le bras pour qu’il lâche prise. Le voici maintenant avec les pleins pouvoirs, et plus qu’il pouvait rêver, l’onction de la CEDEAO en sus.

 

Le premier ministre civil souhaité par l’organisation est une simple formalité qui devrait être remplie incessamment. Choguel Maïga, le président du comité stratégique du M5, ne s’est-il pas déjà fait adouber par ses camarades pour occuper cette fonction?

 

Assimi Goïta a sans doute  profité des divisions au sein de la CEDEAO dans la mesure où les chefs d’Etat n’étaient pas sur la même longueur d’onde au sujet de la réponse à apporter à ce second coup d’Etat en l’espace de 9 mois.

 

A côté des intransigeants, qui préconisaient une ligne dure comme la première fois, il y avait les modérés ou, si vous voulez, les réalistes, partisans de l’accompagnement pour ne pas ajouter du chaos au chaos. Quitte à passer outre les pressions et les menaces comminatoires de Jupiter qui, le jour même du sommet, menaçait dans une interview accordée au Journal du dimanche de laisser le Mali et ses voisins se débrouiller avec la pieuvre terroriste «s’il n’y  a plus de légitimité démocratique ni de transition» sur les bords du Djoliba.

 

Le spectre du rapatriement des 4 500 hommes de l’opération Barkhane brandi par le locataire de l’Elysée n’a donc pas suffi à convaincre les dirigeants à sortir le bâton. Si ça se trouve même, les agitations jupitérienne peuvent  avoir contribué à braquer ses homologues ouest-africains, au grand soulagement des Maliens qui redoutaient plus que tout des sanctions économiques et financières. Ils ont en souvenir les mesures de cette nature prises contre le pays après la chute d’IBK et qui avaient asphyxié l’économie déjà éprouvée par les crises sécuritaire et sanitaire. On peut comprendre la volonté de la CEDEAO d’épargner les populations, mais elle n’a même pas daigné prendre des sanctions ciblées contre les putschistes récidivistes. Allez y comprendre quelque chose.

 

A force de ruser avec les principes, les organisations panafricaines, notamment l’UA dans le cas du Tchad et la CEDEAO dans la situation présente, contribuent à donner de mauvais signaux démocratiques qui pourraient inspirer les apprentis-putschistes, toujours tapis dans les casernes, alors qu’on pensait leur époque révolue.

 

Et ce ne sont pas des prétextes fallacieux qui vont manquer pour justifier un putsch dans chacun des 15 pays membres de la CEDEAO. Autant dire que les chefs d’Etat  mettent en péril leur propre fauteuil en encourageant, comme ils viennent de le faire, la boulimie du pouvoir de la soldatesque au Mali.

 

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemardi, 01 juin 2021 22:54

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