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Front populaire ivoirien (FPI) : Schisme consommé entre légitimistes et légalistes

 

Comme un bouton sur le nez, elle était visible, enlaidissante et outrageusement embarrassante pour le célèbre rescapé des geôles de la Haye. Elle faisait désordre dans le lustre d’une popularité intacte du phénix de la politique ivoirienne. Elle, c’est la défiance d’Affi N’guessan enrobée d’une indécente légalité de président du Front populaire ivoirien que l’ancien Premier ministre manifeste à l’égard de son ex- mentor, Laurent Gbagbo.

 

 

Pour la petite histoire, Laurent Gbagbo extradé vers la CPI en novembre 2011, son ancien Premier ministre et président du FPI ne s’était pas fait prier pour baisser drastiquement son engagement oppositionnel au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), au grand dam du père fondateur du parti de la rose.  En effet, bien qu’alors prisonnier à mille lieues de la lagune Ebrié, ou justement à cause de cela, Laurent Gbagbo, soutenu par bien de cadres de la formation politique qu’il porta sur les fonts baptismaux en 1982, aurait voulu que celle-ci campe résolument dans l’opposition radicale à ceux qui l’avaient exilé manu militari. Mais non, Affi N’guessan se plaisait à jouer au  candidat accompagnateur dans des scrutins présidentiels où il n’avait aucune chance d’inquiéter le pouvoir qui avait livré son ancien compagnon de lutte à la CPI.

 

Il faut croire que Pascal Affi Nguessan et tous les sicaires légalistes au sein du FPI ne pariaient aucun kopeck sur un retour triomphal de Laurent Gbagbo de la CPI, eux qui manœuvrèrent pour écarter les partisans de ce dernier de la direction du parti au congrès de décembre 2014. Ces marginalisés du FPI, au nom de la légitimité historique de son père fondateur, formalisèrent leur opposition aux légalistes en une tendance dite  « Gbagbo ou rien » (GOR). Gbagbo, blanchi de tous les chefs d’accusation de crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la CPI, à défaut de s’être refait une virginité politique, renaît des cendres des horreurs de la guerre civile et des crises postélectorales avec les ambitions de reconquérir le fauteuil présidentiel ou, tout le moins, de jouer à nouveau un rôle de premier plan sur la scène politique ivoirienne. Ceux qui avaient vite parié sur sa mort politique ont tout faux.

 

Mais comment rester en selle dans une arène politique des plus mouvementés, sans tenir les rênes d’un bon cheval de combat ni avoir à ses côtés des écuyers et des palefreniers de confiance ? Pire, comment mener le combat avec une 5e colonne au sein de la troupe qui, selon les propres mots de Laurent Gbagbo, « s’arc-boute sur sa soi-disant légalité”» au risque d’émousser le parti, l’instrument indispensable au combat politique ?

 

L’enfant terrible de Mama, fondateur du FPI, n’aura pas mis du temps à répondre à la question : il ne s’épuisera pas dans une guerre interne entre légitimistes et légalistes. Il va créer un autre parti et le plus tôt sera le mieux.  En effet, le 9 août 2021, soit moins de 2 mois après son retour triomphal en Côte d’ivoire, il déclarait au cours d’une réunion extraordinaire du Comité central du FPI, convoqué sans l’accord de la direction légale du parti : « Laissons Affi avec l’enveloppe qu’il détient. Nous allons baptiser le FPI autrement. Nous allons continuer à lutter. Le FPI, c’est nous. Nous allons changer de nom. C’est tout ».  Voilà qui est clair ! L’abcès des contradictions pour diriger le FPI est crevé. Schématisons : à Affi N’Guessan et autres « l’enveloppe » de la légalité et de la compromission, à Laurent Gbagbo et ses inconditionnels « la substance » de la légitimité et de la poursuite de la lutte avec un nouveau parti, soit-il un FPI rebaptisé.

 

Mais aucune organisation ne sort indemne d’un schisme. Dans le cas d’espèce, même avec un simple changement de nom et de symboles, des militants seront désorientés, certains se démobiliseront, des alliances se dénoueront, des structures à la base se désagrègeront, des convictions vont s’évaporer, des électeurs seront  perdus, etc.

 

Au demeurant, en voulant créer un nouveau parti, Laurent Gbagbo prend acte des importantes mutations de la vie politique en Côte d’Ivoire. Alors lui qui n’a plus le punch d’un trentenaire, ni même d’un quinquagénaire, pourrait-il continuer à faire rêver les Ivoiriens, surtout la jeunesse, qu’il est la solution aux problèmes socio-économiques qui assaillent leur pays ?

 

Une chose au moins est sûre :  le congrès constitutif du nouveau parti, prévu pour se tenir les 16 et 17 du mois courant, va confirmer que de vieux compagnons de lutte politique, qui ont contraint Félix Houphouët-Boigny à accepter le multipartisme en Côte d’Ivoire, se séparent sur un contentieux. Le schisme est consommé au FPI. Alors, entre Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan, qui aura choisi d’être la tête d’un rat au lieu d’être la queue d’un lion ?  2025 est si loin et si proche. Vivement la clarification par les urnes !

 

Zéphirin Kpoda

 

Dernière modification ledimanche, 17 octobre 2021 23:04

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