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Situation nationale : Monsieur le président, c’est maintenant ou jamais !

 

Si on voulait encore se convaincre que l’heure est grave, il suffirait de voir le rythme inhabituel auquel se suivent les déclarations présidentielles. Après le drame d’Inata, où le 14 novembre 2021 49 pandores et 4 civils, sous réserve d’un bilan définitif,  ont péri dans l’attaque du détachement de gendarmerie de ce patelin, Roch Marc Christian Kaboré a en effet pris la parole deux fois en l’espace d’une semaine.

 

 

Le mercredi 17 novembre, entouré de son état-major gouvernemental, il était déjà intervenu à la sortie du conseil hebdomadaire des ministres pour fustiger notamment les « dysfonctionnements » au sein des forces de défense et de sécurité qui sont apparus au grand jour à la faveur de la tragédie d’Inata et promettre des sanctions « sans exception » une fois que les enquêtes diligentées auront été bouclées.

 

Jeudi 25, retour au milieu de la nuit  sur le tube cathodique pour une déclaration beaucoup plus solennelle. Le ton est toujours aussi grave, le visage toujours aussi marqué, creusé par les dures épreuves et les nuits sans sommeil. Comme pour atténuer cependant la virulence de sa charge d’il y a huit jours contre les FDS, le chef suprême des armées a d’abord tenu à leur rendre ainsi qu’aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) un hommage mérité pour les sacrifices consentis au péril de leur vie pour préserver l’intégrité territoriale du Faso ; avant de redire à ses compatriotes qui manifestent leur colère «je vous ai compris»  sur un accent gaullien ;  pour ensuite annoncer une batterie de mesures en vue de  décrisper le climat sociopolitique.

 

A dire vrai, beaucoup attendaient des mesures concrètes mais pour le moment, il ne s’est agi que d’annonces relatives, entre autres,  à la formation d’un gouvernement «resserré et plus soudé», au lancement d’une « opération mains propres contre la corruption» à des changements importants dans l’armée dont les chefs sont invités à monter au front comme nous le suggérions déjà dans notre édito du mardi 16 novembre dernier (1).

 

A l’écouter, le locataire de Kosyam semble avoir mesuré (enfin ?) toute l’étendue du désastre, qui n’est pas seulement sécuritaire, mais touche également à la gouvernance, laquelle,  de l’avis général, n’est pas plus vertueuse comparativement au régime de Blaise Compaoré, alors qu’on nous avait promis après l’insurrection populaire d’octobre 2014 que « plus rien ne sera comme avant ». Il faut reconnaître que sur ce point, le MPP n’a pas fait preuve d’une hardiesse particulière alors que, porté par la vague insurrectionnelle et légitimé par les urnes, le nouveau pouvoir aurait pu opérer une rupture salutaire  pour décourager les coupe-jarrets en col blanc qui continuent leur méfaits comme si de rien n’était.

 

 Circonstances aggravantes, alors même que la nation est en péril, les insouciants, y compris dans l’armée qui est le reflet de la société,  continuent de s’enfoncer, l’âme en paix, dans toutes sortes de  pratiques répréhensibles, ne pensant qu’à leurs seuls intérêts, notre maison commune dût-elle s’effondrer. C’est tout cela aussi qui cristallise le courroux des Burkinabè. Et en parlant «d’opération mains propres», le premier magistrat burkinabè daigne ouvrir les yeux sur cette cruelle réalité. 

 

Il faut maintenant espérer pour le pays et pour le président lui-même que ce ne sont pas seulement  des effets d’annonce  juste pour calmer ceux qui réclament sa démission mais qu’il aura la volonté et le courage politiques, en changeant son fusil d’épaule, de donner un vrai coup de pied dans la fourmilière tout en reprenant la main sur le champ de bataille afin d’enrayer la spirale infernale.

 

De ce point de vue, on pourra d’ores et déjà mesurer l’envie de changement à l’aune de la formation du futur gouvernement. «Plus que des mots, il faut des actes forts», écrivions-nous déjà après sa déclaration du mercredi 17. Cette fois on est tenté de dire : «Monsieur le président, c’est maintenant ou jamais». Car si les espoirs, si minces soient-ils, que peut susciter sa dernière sortie venaient à être déçus, ce serait la porte ouverte à tous les scénarios, même les plus aventuristes ; ce dont nous n’avons vraiment pas besoin en ce moment.  

 

En  attendant,  si l’un des objectifs de l’adresse présidentielle du jeudi soir était de désamorcer la bombe politico-sociale qui menaçait d’exploser le week-end, son efficacité aura été toute relative car malgré la suspension de l’internet mobile, quelques milliers de personnes à travers le Burkina, qui ont répondu à l’appel à manifestation de certaines organisations de la société civile, seront quand même parvenus à se faire violemment entendre samedi à certains endroits de la capitale.

 

On ne sait trop si les actes de vandalisme constatés ça et là étaient prémédités ou si c’était en réaction aux jets de gaz lacrymogènes des forces de sécurité. Mais tant qu’à faire, n’aurait-il pas été mieux de laisser les croquants hurler leur ras-le-bol en encadrant la manif que de fabriquer des martyrs à bon compte ?        

 

 

 

 

 

 La Rédaction

 

(1) « Aux armes, officiers ! », Regard sur l’actualité du mardi 16 novembre 2021

 

 

 

Dernière modification lemardi, 30 novembre 2021 10:01

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