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3 ans de l’attaque terroriste sur Kwame Nkrumah: Nuit d’hommage aux victimes de la « plus belle avenue de Ouaga »

Le Pays des hommes intègres est devenu, en l’espace de quelques années, la cible des forces du Mal. Elles y perpètrent régulièrement des attaques terroristes. Le collectif des acteurs culturels, dans un élan patriotique, a initié un concept artistique dénommé « Burkina debout ». Il vise à contribuer à inculquer aux Burkinabè une résistance forte face aux incursions répétées des individus sans foi ni loi. Trois ans après leur première agression sur la désormais emblématique avenue Kwame Nkrumah à Ouagadougou, une nuit d’hommage aux victimes tombées sous les balles assassines a été organisée le mardi 15 janvier 2019.

 

 

Le mardi 15 janvier 2019, cela faisait exactement trois ans que le Café-restaurant Cappuccino et le Splendid Hotel, situés sur l’avenue Kwame Nkrumah, ont subi des attaques terroristes faisant plusieurs morts et blessés physiques et psychologiques. Le dimanche 13 août 2017, le restaurant Istanbul, sis sur la même avenue était à son tour pris pour cible par « les illuminés ».

Depuis ces sanglants événements, la plus belle avenue de la capitale burkinabè, malgré diverses initiatives tendant à lui redonner son ambiance d’antan, surtout la nuit venue, peine à retrouver son monde habituel. C’est bien connu, « chat échaudé craint l’eau froide ». Beaucoup de citadins ouagalais, grands adeptes des nuits chaudes, qui l’ont échappé belle, jurent chacun qu’on ne l’y reprendra plus jamais. Du coup, d’autres joyeux fêtards et noctambules indécrottables, comme par un effet d’entraînement, ont reconsidéré leur destination. Cela a concouru à ôter à Kwame Nkrumah sa singularité.

Pour permettre à cette avenue de renouer avec l’ambiance et la joie de vivre d’antan, le collectif des acteurs culturels a lancé le concept « Burkina debout ». Une façon pour lui de cultiver et entretenir la résilience des Burkinabè face à l’adversité que leur impose la situation d’insécurité généralisée. Pour les organisateurs de la manifestation de mardi dernier, au-delà du symbolisme de l’hommage rendu aux victimes des attaques terroristes et à tous les éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS) tombés sur le champ d’honneur, c’est un message fort qui est ainsi adressé à l’opinion nationale et internationale. Pour eux en effet, il n’est pas question de laisser mourir la plus belle avenue de Ouagadougou.

Prévue pour débuter à 20 heures, la soirée d’hommage a accusé un retard. La mobilisation au départ était très timide. Le Cappuccino, depuis ce jour fatidique au cours duquel les fous de Dieu ont arrosé de balles la clientèle, restait fermé. Selon des informations reçues des vigiles en poste, c’est une décision du maître des lieux pour permettre aux organisateurs de la soirée d’hommage de faire tranquillement leurs installations. Quelques clients attablés au maquis « Taxi brousse », des invités, dont le ministre de la Communication, Rémis Fulgance Dandjinou, et un public peu compact devant le podium dressé face à la stèle dédiée aux victimes de l’horrible carnage de cette lugubre soirée du vendredi 15 janvier 2016 attendaient le démarrage de la manif. Pour les aider à « tuer » le temps et tromper leur impatience, la cabine technique diffusait des sonorités de circonstance. Une plage mise à profit par l’équipe managériale de l’artiste NAEL MELERD pour la dédicace de sa toute nouvelle œuvre, un single intitulé « Dans 100 millions d’années ».

 

Belle initiative à encourager

 

A 20 heures 15, les choses pouvaient enfin commencer. Sur la scène, le truculent animateur de la soirée invite le public qui s’était entre-temps étoffé à se tenir debout, les téléphones portables allumés, tenant lieu de bougies. Après une minute de silence observée à la mémoire des victimes, c’est Miss Zeyna qui donne le top de départ du concert par une prestation bien relevée. Lui succède tour à tour sur le podium, les artistes Grand Silga, Awetou, Mister Mélo, Oskimo… Chacun a tenu à tirer son épingle du jeu, au grand bonheur d’un public de plus en plus excité. Des cris d’encouragement fusaient çà et là, et des selfies pour agrémenter les pages Facebook sont réalisés.

Une pause est par la suite marquée pour les différentes interventions des officiels. Il s’agit notamment de celles des coparrains que sont le ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, Harouna Kaboré, et le bourgmestre de la capitale, Armand Béouindé. Le patron de la soirée, le chef du département de la Culture, des Arts et du Tourisme, Abdoul Karim Sango, était représenté par son tout nouveau Secrétaire général (SG), Lassina Simporé.

Pour l’édile de la commune, il y a lieu de féliciter et de remercier le collectif des acteurs culturels pour leur initiative. Au moment où le Burkina venait de connaître la vraie renaissance de sa démocratie, a-t-il indiqué, des individus qui ont perdu toute humanité ont tenté d’arrêter l’élan de ses vaillantes populations. Celles-ci ont reçu une violente gifle. Elles ont titubé, trébuché mais elles ne sont pas tombées. Elles sont restées debout. Ouagadougou, relève le maire Armand Béouindé, sera toujours la ville où il fait bon vivre, la plus attractive de la sous-région. L’avenue Kwame Nkrumah, a-t-il ajouté, va retrouver vie grâce aux citadins ouagalais, aux commerçants, aux maquis. Et d’inviter tous ses administrés à rester debout.

Le deuxième intervenant, le ministre du Commerce, souligne qu’à l’instar des autres capitales du monde comme Paris, Washington…, Ouagadougou aussi a son avenue de renom : Kwame Nkrumah. Selon lui, elle a abrité des espaces célèbres comme le Jimmy’s Night club, le New Jack, la Calèche… Elle continuera d’héberger des endroits merveilleux au nombre desquels le Taxi brousse, le Cappuccino, le Café Istanbul… Sachant ce que la plus belle avenue de la capitale représente pour ses habitants, il les a invités, malgré ce qui s’y est produit de malheureux il y a trois ans et plus tard en 2017, à y retourner chaque fois que possible. L’avenue Kwame Nkrumah ne doit pas être abandonnée, a martelé Harouna Kaboré, d’où la nécessité de soutenir une démarche comme celle du collectif des acteurs culturels. La réponse à la crise qui ébranle actuellement les activités sur la fabuleuse avenue, a-t-il indiqué, peut être militaire, politique, mais à son avis, elle peut aussi être tout simplement culturelle. Promesse est alors faite d’accompagner les initiateurs de la manifestation, parce qu’il faut continuer à vivre, chanter, danser, consommer… Le ministre convie des milliers de Burkinabè à ne jamais arrêter de fréquenter Kwame Nkrumah. Le faire, c’est tomber dans la logique des terroristes. Il appelle les uns et les autres à prendre une semaine pour y faire des selfies et les envoyer à leurs amis et proches, comme pour dire aux ennemis du Burkina que le Faso passe avant tout.

 

Le même peuple d’un Burkina qui reste debout

 

SG du ministère en charge de la Culture, Lassina Simporé a transmis à l’assistance le message de son ministre empêché, mais debout là où le devoir l’a conduit, pour dire ainsi qu’il adhère entièrement à la détermination du collectif. Les FDS, a-t-il souligné, tombent pour les femmes et les enfants, pour le Burkina. Qu’elles sachent alors qu’elles ne sont pas seules dans leur combat. Et M. Simporé d’appeler les Burkinabè à toujours avoir à l’esprit que même à sec, la rivière garde son nom. Et de conclure que le Burkina a été provoqué et saura en fin de compte prouver que l’œuf ne danse jamais avec la pierre. Le jour finira par arriver, aussi longue que soit la nuit.

Le moins que l’on puisse dire est que la conviction des autorités au cours de la soirée d’hommage est largement partagée par tous ceux qui ont fait le déplacement. Parmi eux, un citoyen qui a requis l’anonymat. Pour lui, les évènements malheureux de 2016 ont négativement impacté les activités sur Kwame Nkrumah qui constitue un axe très important de la ville de Ouagadougou. Le taux de fréquentation a sérieusement baissé selon lui. Les gens hésitent à fréquenter comme de par le passé des lieux comme Taxi brousse. Mais qu’à cela ne tienne ! Personnellement, il a toujours ses habitudes à ce point chaud de la capitale, malgré ce qu’ont vécu deux de ses amis, dont un est resté sur le carreau, le jour fatal. Une manière pour lui de signifier qu’il n’a pas peur du terrorisme et qu’il faut vivre avec les réalités du moment. C’est aussi une lutte affichée contre le phénomène qui est en train de se développer partout. Il estime qu’il faut continuer à vivre, mais en intégrant individuellement dans son quotidien des réflexes de sécurité. Chacun doit pouvoir en principe reconsidérer l’environnement dans lequel il évolue, de sorte à pouvoir aider les FDS avec des informations utiles. L’autorité qui est garante de la sécurité du pays doit aussi prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir tout risque. Embouchant la même trompette, Asséto Ouédraogo, communicatrice et présentatrice télé, déplore ce qui est arrivé un certain soir de janvier et qui a pratiquement tué les activités sur les « Champs Elysées » de Ouaga. Avec l’initiative du collectif des acteurs culturels, une renaissance de la plus belle avenue de la capitale burkinabè est envisagée. Elle est à adopter, suggère-t-elle. Il y a trois ans, précise dame Ouédraogo, elle était sur les lieux. En tant que « rescapée », elle éprouve du plaisir aujourd’hui à voir que tout le monde est mobilisé pour donner une seconde vie à l’avenue. Elle avoue être revenue sur ses pas depuis lors, et même que, quand Splendid Hotel a rouvert ses portes après sa rénovation, elle y a pris une chambre pour une nuit, comme pour se soigner psychologiquement. Asséto Ouédraogo affirme toujours fréquenter Kwame Nkrumah parce que la vie continue et qu’un malheur, s’il doit arriver, peut survenir n’importe où et n’importe quand. A tous les Burkinabè elle demande de vivre, de ne pas avoir peur et de montrer ainsi aux terroristes que le peuple du Burkina Faso reste debout.   

La soirée s’est poursuivie jusqu’à une heure avancée de la nuit par un défilé de mode avec Merveille confection, et la prestation d’autres artistes, comme Don Sharp Batoro qui était, accompagné par une kyrielle de danseurs dans une chorégraphie savamment exécutée, le maillot jaune de la musique burkinabè, Floby, LNA Brass Band, et un groupe symphonique venu tout droit de la France.            

      

D. Evariste Ouédraogo

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