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Inégalités de santé à Ouagadougou: Les enfants meurent plus dans les quartiers non lotis

Savez-vous que les enfants résidant dans les quartiers non lotis courent près de deux fois plus le risque de mourir avant l’âge de cinq ans que ceux des quartiers lotis ? Savez-vous encore que la mortalité des plus de 15 ans est plus élevée dans les quartiers formels que dans ceux informels ? Ce sont là deux grandes conclusions tirées d’une enquête sur les inégalités de santé dans la ville de Ouagadougou. Ces résultats, issus du tout premier observatoire de population urbaine au Burkina, ont été consignés dans un ouvrage dirigé par trois chercheurs : Clémentine Rossier, Abdramane Bassiahi Soura et Géraldine Duthé.

 

 

Ouagadougou est parmi les villes africaines qui ont un taux de croissance élevé : 7%. De 2 millions aujourd’hui, les habitants de la capitale devraient atteindre 6 millions en 2030. Cette forte urbanisation provoque déjà des difficultés d’accès aux logements, d’où la naissance de nombreux quartiers informels à la périphérie, communément appelés non-lotis, lesquels ont poussé comme des champignons ces dernières années. Des millions de Ouagalais vivent ainsi dans des zones dépourvues d’assainissement et d’infrastructures socio-économiques de base. Or, note le Dr Abdramane Bassiahi Soura, « il y a des efforts de développement qui restent concentrés sur le milieu rural sur la base d’un faux postulat qui est que la santé des citadins est meilleure que celle des ruraux ». Il explique que si on compare effectivement les espérances de vie en milieu rural et en ville, on peut croire à cette théorie. Cependant, il rappelle, que « la ville n’est pas un ensemble homogène ». « En ville, il y a des gens qui vivent des situations pires qu’en milieu rural »,  fait remarquer le chercheur. A ce propos, il indique que lorsqu’on compare par exemple les indicateurs de malnutrition à Ouagadougou, on se rend compte que les enfants dans les non-lotis sont dans une situation de malnutrition pire que ceux vivant en milieu rural. « Il  y a une inégalité de santé en ville », tranche-t-il. Et c’est cette inégalité que celui qui est, par ailleurs, directeur de l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP) a pu porter en document en collaboration avec ses collègues Clémentine Rossier de l’université de Genève en Suisse et Géraldine Duthé de l’Institut national d’études démographiques (INED) de France qui édite par ailleurs l’ouvrage. Ce document est en plus revêtu d’un caractère inédit puisque c’est le premier observatoire  de population urbaine au Burkina et le second en Afrique après celui de Naïrobi au Kenya. Pour réaliser cette performance, les chercheurs ont suivi depuis 2008 les habitants de 5 quartiers de la capitale burkinabè, à savoir Kilwin, Tanghin, Nonghin, Nioko II, Polesgo. Il en résulte un document de 261 pages très bien référencées sur les questions sanitaires.

Premier constat : les enfants meurent plus dans les quartiers non lotis de Ouagadougou. Un enfant qui vit dans un quartier informel a presque 2 fois plus de chances de trépasser avant l’âge de 5 ans qu’un gamin vivant dans une zone lotie. Une forte mortalité que les chercheurs expliquent, entre autres, par l’environnement, notamment l’absence d’assainissement qui favorise la propagation de maladies infectieuses comme le paludisme. A noter aussi la « banalisation de la maladie ». Les habitants des zones non loties attendant généralement que le mal s’aggrave avant de recourir aux services de santé modernes, ce qui est bien souvent trop tard.

Par contre, l’Observatoire de population de Ouagadougou (OPO) démontre que la mortalité des plus de 15 ans est plus importante dans les quartiers lotis que dans ceux non lotis. Une situation qui est en partie due au style de vie des personnes nanties (inactivité, consommation d’alcool, de tabac, etc.), ce qui les expose notamment à des maladies non transmissibles telles le diabète et  les maladies cardiovasculaires. Cependant, quand on observe les causes de décès, la mortalité liée aux maladies infectieuses (pneumonie, tuberculose, VIH…) reste plus élevée dans les quartiers non lotis. Il ressort des autres résultats de l’enquête que l’accès universel aux services de santé maternelle et infantile est une réalité, même si de fortes inégalités demeurent ; que chez les plus âgés, les femmes sont nettement désavantagées quel que soit leur niveau socio-économique. Enfin, que les migrants du milieu rural ne sont pas globalement désavantagés du point de vue de la santé.

L’ensemble de ces résultats représente une mine d’informations entre les mains des décideurs puisque l’ouvrage se veut également un outil de plaidoyer pour orienter les politiques publiques dans le sens de l’amélioration de la santé des citadins. Sa version numérique est achetable au prix de 6 euros, soit environ 4 000 francs CFA sur le site web de l’INED.

 

Hugues Richard Sama

 

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