Menu

Projecteur : Le scénario, grand absent du cinéma burkinabè

La semaine passée, nous nous sommes intéressé au montage et au jeu d’acteur dans le cinéma burkinabè. Cette fois-ci, nous  fermons l’analyse du triptyque des faiblesses du septième art par l’absence de scénaristes et de bons scénarios. Une absence qui enlaidit notre cinéma, à l'image d'un affreux cratère sur son visage.

Il est un constat qui s’impose à l’observateur du paysage cinématographique national : il n'y a quasiment pas de scénaristes dans le cinéma burkinabè. Sauf erreur ou omission de notre part, hormis Guy Désiré Yaméogo et Noraogo Sawadogo, l’un,  un professionnel ayant fait une formation en règle sur l’écriture de scénario à Cuba, l’autre, un nouvelliste de talent  ayant fourbi ses armes au journal Le Pays avant de passer au cinéma, un parcours naturel sous d’autres cieux. Ainsi d’ Hollywood où tous les grands écrivains, d’Ernest Hemingway à Paul Auster en passant par William Faulkner et James Ellroy, tous les grands storytellers de la littérature ont alimenté, et continuent de le faire, l’industrie du cinéma.

En plus de ces deux-là, d’autres, c’est-à-dire la plupart des réalisateurs qui  portent la casquette de scénaristes, convaincus que l’écriture d’un scénario n’exige ni talent ni formation particulière. De sorte qu’ils pensent faire de l’économie budgétaire en se passant d’un scénariste. Résultat des courses, des scénarios mal ficelés, des histoires cousues de gros fils qui accouchent de films mal dégrossis peinant à trouver un public. A lire la plupart des scénarios, on y décèle beaucoup d’imperfections : on se contente de décliner les séquences et les didascalies sans penser à une narration visuelle et souvent on verse dans un coulée de dialogues qui noie tout. Ce qui donne des films très verbeux.

Ce qui dénote d’ailleurs la confusion entre cinéma et téléfilm. Pourtant, est abyssale la différence entre ces deux. Au cinéma, la parole sert à combler les petits interstices laissés par l’image telle une fine couche de ciment entre les briques d’un édifice. Un film doit être avare en dialogue pour ne pas verser dans l'ergotage ennuyeux. Confucius, grand orateur qui sait de quoi il parle confessait qu’une image vaut mille mots. Au cinéma, une image vaut tous les mots. C’est pourquoi le septième art avait atteint un tel degré de perfection artistique dans la période du cinéma muet que l’avènement du parlant fut interprété par les puristes comme une corruption et une régression. Le cinéma, c’est en avant le plaisir des yeux, selon François Truffaut, qui en a d’ailleurs fait le titre de son recueil d’écrits sur le cinéma.

Si l’on est d’accord avec Alexandre Astruc que le réalisateur est un auteur, qu’il écrit avec sa caméra-stylo, ce travail de création intervient en aval, après que le scénario a été conçu. Il s’agit pour lui, son premier assistant, son chef opérateur et le scénariste de découper techniquement la continuité dialoguée en plans numérotés, didascalies, diégèse, bande-son, cadrage, mouvement de caméra, effets de lumière, effets spéciaux, et minutage précis. L’écriture du scénario doit être laissée au scénariste, car c’est un exercice d’écriture qui demande de la maîtrise technique et de la créativité : il en faut, du talent pour trouver une histoire qui accroche, des personnages inoubliables, des intrigues secondaires et intriquées les unes dans les autres comme un réseau hydrographique, un art du suspense et de la chute, en somme une astuce de bon pêcheur qui consiste à ferrer le spectateur et à ne le relâcher qu’au moment où défile le générique de fin. Toutes choses qui ne sont pas données à monsieur tout le monde. Cela requiert du talent et de la formation.

Plus que jamais, il y a la nécessité pour le cinéma et l’audio-visuel burkinabè de faire plus de place aux scénaristes depuis que la difficulté à trouver des financements pour les longs métrages de fiction a amené les réalisateurs à se tourner vers les séries télé. Dans celles-ci, le scénario est roi. Au cinéma les effets spéciaux et à la télé les idées originales, dit-on. On en produit un bon paquet chaque année, mais elles n’arrivent pas à trouver une niche, sûrement parce qu’elles ne se fondent pas sur des scénarios bâtis sur des idées originales.

Le destin de la série télé est entre les mains du scénariste, c’est lui qui élabore la bible, sorte de génome des personnages, le mémo sur l’évolution des intrigues et des personnages. Par ailleurs, il faut un work in progress, un travail continu, qui réaménage l’histoire et l’importance des personnages selon l’accueil que le public fait aux situations dramatiques et aux individualités.  C’est pourquoi l’atelier d’écriture réunissant plusieurs scénaristes avec des sensibilités différentes et des profils variés à l’américaine est plus opérant que le système français qui confie le scénario a un seul individu.

Par conséquent, le cinéma burkinabè serait bien inspiré de puiser ses scénaristes dans le vivier des écrivains nationaux et des troubadours de l’oralité tout en multipliant les ateliers d’écriture dans les structures de formation tels l’ISIS-SE et Imagine. C’est ainsi que nous retrouverons dans notre cinéma la magie des belles histoires qui, de l’homme des cavernes à l’homme moderne, captive et éveille en tout homme la part de l’enfance qui  sommeille en lui.

Saïdou Alcény Barry

Dernière modification lemercredi, 19 octobre 2011 21:26

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut