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Anniversaire de la Révolution tunisienne : Le cœur n’est pas à la fête

On avait craint une journée chaude ce dimanche 14 janvier, jour anniversaire de la Révolution du jasmin en Tunisie : en effet, la semaine écoulée, le mercure social a pris l’ascenseur  avec des manifestations émaillées de vandalisme, traduisant un mécontentement grandissant de la population. « Le peuple veut faire tomber la loi des finances », a-t-on entendu, entre autres slogans, en échos  au « peuple veut faire tomber le régime » scandé par les insurgés  de janvier 2011. 7 ans après, la rue a de nouveau parlé à Tunis, Sfax, Carthage et dans d’autres villes du pays, posant cette lancinante question aux Tunisiens : qu’est-il advenu de la Révolution ?

Un demi-échec que cette révolution, écrivions-nous dans notre parution du vendredi dernier, car, si la démocratie a pris ses quartiers dans le pays, les transformations économiques susceptibles d’apporter les solutions aux nombreuses  demandes sociales se font attendre. Pire, pour beaucoup de Tunisiens, leurs conditions de vie se sont détériorées, et  la loi de finances 2018, parce qu’elle en ajoute à l’austérité et à la vie chère, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de mécontentement. En une semaine, le Mouvement  Fech Nestannew, traduisez «qu’est-ce qu’on attend », sous-entendu « pour protester », a donné des sueurs froides au gouvernement de Youssef Chahed. On a senti flotter comme une odeur de jasmin, c’est-à-dire les prémices d’une seconde révolution, obligeant les autorités à user du bâton et de la carotte pour endiguer la contestation sociale.

Pour ce qui est du bâton, entre 500 et 800 manifestants, selon les sources, ont été arrêtés et seront traduits en justice d’après les autorités. Diabolisés en « casseurs, pilleurs », ces manifestants risquent des peines de prison et de lourdes amendes. Concernant la carotte, le gouvernement multiplie les effets d’annonce en mettant en avant des mesures en faveur des Tunisiens les plus pauvres, notamment une augmentation des allocations sociales, la mise en œuvre d’un plan logement, d’une couverture maladie universelle et  la fixation d’une pension minimale de retraite. Côté politique, on envisage sérieusement la formation d’un gouvernement ouvert à l’opposition qui verrait l’entrée en son sein du Front populaire, lequel ne fait pas mystère de son soutien aux manifestations de ces derniers jours.

On le voit bien, le gouvernement s’échine à parer au plus pressé, mesurant sur le tard l’impact négatif de la dernière loi de finances sur l’opinion tunisienne. Pourquoi n’a-t-il fait sienne la vérité assénée par l’adage : « gouverner c’est prévoir » ? Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été prévenu des risques de troubles sociaux dont  le projet de budget 2018 était porteur. En cela le gouvernement Youssef Chahed n’a pas le monopole de la bêtise d’attendre que le front social bouillonne pour penser aux couches les plus vulnérables de la population. Il y a comme de l’infantilisme chez nos gouvernants à ignorer la grogne des populations jusqu’à ce qu’une quelconque étincelle mette le feu aux poudres. Et les voilà en pompiers qui imaginent des dissolvants pour éteindre l’incendie. Pour quels résultats ?

Pour l’heure, le président Beji Caïd El Sebsi et son gouvernement semblent avoir contenu la grogne sociale en Tunisie, mais pour combien de temps ? En tout cas, en ce 7e anniversaire  de la Révolution du jasmin, le cœur n’est pas à la fête sur l’avenue Bourguiba. Le plus puissant des syndicats du pays, l’Union générale des travailleurs de Tunisie (UGTT), et  le parti d’opposition Front populaire ont appelé à une marche dans une mobilisation massive et patriotique pour crier la colère des Tunisiens devant le Parlement  le 20 courant. On attend de voir.

 

Zéphirin Kpoda

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