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Situation des prisons africaines : Porte ouverte aux «délits autorisés»

Les surveillants de la maison d’arrêt de Bamako ont fait grève le lundi 7 juillet dernier ; un mouvement d’humeur qui intervient trois semaines après l’évasion spectaculaire d’une vingtaine de détenus dont Mohamed Ali Ag Wassouden, ce jeune Touareg de 25 ans, auteur présumé de l’enlèvement en 2011 de deux ressortissants français à Hombori dans le nord du Mali, qui a échafaudé le scénario de l’évasion, digne de la série américaine Prison Break.

 

Cette situation a révélé et ramené en surface les nombreux maux dont souffre le pénitencier et qui ont fait en réalité le lit du soulèvement. On savait déjà que des dysfonctionnements ont pu favoriser cette évasion mais plus les jours passent et plus on en apprend de belles. Notamment le «délit autorisé» de 500 FCFA par tête de pipe payés par les visiteurs des prisonniers et qui vont directement dans la poche des geôliers et le système D (comme Débrouillardise) qui a élu domicile dans la maison d’arrêt ; sans compter la surpopulation carcérale, les problèmes d’effectifs, d’équipements et même de rémunération. La prison civile de la capitale malienne, construite dans les années 50 pour abriter 400 détenus, en compte aujourd’hui environ 2 200 qu’ont en charge seulement 69 surveillants et agents.

On comprend d’ailleurs pourquoi l’ancien régisseur de la maison d’arrêt, relevé de ses fonctions après l’affaire de l’évasion, est aujourd’hui blanchi, car il avait en vain réclamé des moyens pour renforcer la surveillance des lieux. On l’a compris, ce n’était plus une prison mais un véritable foutoir, et peut-être que cet incident incitera à prendre des mesures vigoureuses pour sortir de la situation sinon les mêmes causes produiront les mêmes effets.

En fait, les réalités de la prison civile de Bamako sont, à quelques différences près, les mêmes que partout en Afrique.

Qu’on soit à Ouagadougou, à Abidjan, à Kinshasa ou on ne sait quelle capitale africaine, c’est à peu près la même situation. Il est vrai que même dans les prisons de haute sécurité en France ou aux Etats-Unis, il arrive que le système défaille, mais les risques sont encore plus élevés dans les prisons africaines en raison des conditions de vie et de travail des gardes de sécurité pénitentiaire. La situation n’est guère plus reluisante au pays des hommes intègres, dont l’expertise pénitentiaire est internationalement reconnue, lui valant notamment d’accueillir, du 8 au 10 juillet 2014, la 5e Conférence internationale des Nations unies sur les questions pénitentiaires dans les opérations de paix (après la Suède en 2009, la Belgique en 2010, Singapour en 2011 et l’Allemagne en 2012). On se rappelle, en effet, l’arrêt de travail observé en juillet 2013 par les gardes de sécurité pénitentiaire (GSP) de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) et la grève de la faim du GSP Hippolyte Bado en avril 2013 pour réclamer des conditions de vie et de travail meilleures et un statut particulier. Il faut dire que la MACO comptait en 2011, 1 512 prisonniers pour un seul véhicule de cortège et trois infirmiers brevetés.

Certes, pour revenir au cas du Mali, le président IBK a tellement de soucis et doit s’occuper de ceux qui sont en liberté, mais ceux qui sont privés de leur liberté ont également droit à un minimum d’égard. Un cas bamakois qui est semblable à ceux des prisons africaines et qui nécessite qu’on y trouve des solutions pérennes sans quoi celles-ci ne seront que des portes ouvertes aux «délits autorisés».

Hyacinthe Sanou

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