Mali : Fulaniphobie mortelle
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Ils n’en peuvent plus. Et ils ont décidé de le faire savoir en laissant éclater leur ras-le-bol, d’exprimer leur colère. Ecoutons Amadou Nassrou Dicko, le président de l’association Andal pulaaku Mali, éructer de rage : « La situation s’aggrave de jour en jour. Il y a une milice appelée dozo qui fait des descentes dans les villages, ils brûlent les cases, ils tuent les animaux, ils arrêtent même les voitures et égorgent les passagers. On ne sait pas qui tire les ficelles, mais c’est une milice fabriquée et ça risque de contaminer la région entière. Aujourd’hui, c’est Koro, hier c’était Djenné, demain ça sera peut-être Douentza, Bankass ou Bandiagara… »
Trop, c’est trop donc. Les Peuls du Mali ont marché le jeudi 15 mars 2018 à Bamako pour dénoncer les amalgames, cause de la mort vingt-cinq personnes pas plus tard que la semaine dernière, suspectées d’intelligence avec les terroristes ou tout simplement et plus grave… sans raison.
A l’origine de la montée de ce sentiment anti-peul, la création en 2015 par Amadou Koufa du Front de libération du Macina (FLM) au centre du pays, un des nombreux groupuscules prétendument djihadistes rattachés à Ansar Dine, composé pour l’essentiel de membres de cette communauté mais dont l’écrasante majorité est en réalité prise entre plusieurs feux : celui justement des salafistes qui ont souvent tué leurs propres frères soupçonnés de pactiser avec l’armée ainsi que des religieux qui refusaient leur imposture ; celui des FAMA qui font parfois, eux aussi, dans le délit de faciès et de patronyme et maintenant, de cette milice de chasseurs dozos qui assimilent pour ainsi dire les victimes aux lièvres, aux biches, aux singes ou aux outardes qu’ils abattent comme bon leur semble.
Cette fulaniphobie boit en réalité à la même source que l’islamophobie rampante qui a cours dans bien des pays, occidentaux notamment, où, pour les agissements de quelques moutons noirs, c’est tout un groupe qui est ostracisé, suspecté et violenté à l’occasion. Or, on ne décime pas tout le troupeau parce qu’une seule vache a brouté ce qu’il ne fallait pas manger.
Les autorités maliennes auraient en tout cas tort de négliger la légitime colère des Barry, Dicko, Diallo, Sidibé et autres dans la mesure où les risques de vengeances communautaires ne sont pas à exclure. Et si à l’éternelle question touarègue qui perdure depuis des décennies et au narco-djihadisme déjà difficile à enrayer malgré Barkhane, la MINUSMA ou le G5 Sahel devait se greffer un problème peul, les portes de l’enfer, pour le moment entrebâillées, s’ouvriraient bien grandes comme qui dirait, pour tous, qu’on soit Peul, Bamana, Tamachekh, Dogon ou Arabe.
En réalité la situation de guerre que vit le pays de Modibo Keita a sans doute exacerbé un problème qui existait et qu’on retrouve, hélas, même en temps de paix, dans bien des pays sur fond de violences entre agriculteurs et éleveurs et de préjugés tenaces mais le sujet, sensible il est vrai, reste tabou.
Ousseni Ilboudo
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