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Côte d’Ivoire : Elections sénatoriales sur fond de dissensions politiques

Le mercure social est monté d’un cran hier, jeudi, à Abidjan. Une marche de l’opposition, projetée par le regroupement « Ensemble pour la démocratie et la souveraineté » (EDS), a été dispersée par la police à coups de gaz lacrymogène et d’arrestations ciblées des meneurs.

C’est la deuxième fois, en l’espace d’une semaine, qu’une marche de l’opposition ivoirienne est interdite par les autorités et étouffée dans l’œuf.

Cette volonté de l’opposition ivoirienne de manifester publiquement son mécontentement par des marches est symptomatique du déficit de dialogue politique dans le pays. A la vérité, les différentes composantes de la classe politique ivoirienne, malgré les discours serinés sur la réconciliation nationale, ne fument pas le calumet de la paix. Les contradictions nées de la guerre civile et de la crise postélectorale (2010 – 2011) sont encore latentes, des braises sous la cendre que le pouvoir d’Alassane Ouattara n’a pas encore trouvé la potion magique pour éteindre. Certes, on est loin des confrontations armées meurtrières que le pays a connues mais des problèmes politiques demeurent qui, si l’on n’y prend garde, peuvent rouvrir les plaies mal cicatrisées.

Au nombre de ces contentieux politiques qui polluent actuellement l’atmosphère, l’opposition cite en premier la Commission électorale indépendante (CEI). La composition de cette dernière est jugée inéquitable. En cause, une surreprésentation de l’administration et des partis de la mouvance présidentielle. L’opposition, notamment la tendance EDS, est alors vent debout contre cette CEI à laquelle elle dénie toute impartialité et qu’elle déclare disqualifiée pour organiser des élections crédibles en Côte d’Ivoire, notamment la présidentielle de 2020.  Elle a mis cette défiance de la CEI en épingle au point de saisir la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP)  qui a statué en faveur d’une réforme de ladite institution. Mais le gouvernement d’Alassane  Ouattara traîne les pieds à mettre en œuvre les recommandations de la CADHP. De quoi apporter de l’eau au moulin du boycott des élections sénatoriales par l’opposition, toutes tendances confondues. La marche projetée hier se voulait donc une dénonciation véhémente de cette politique du cavalier seul en matière électorale que mène le pouvoir Ouattara.

A cause de ce boycott, point de suspense sur les résultats de ces sénatoriales au forceps. Les 66 candidats du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), la coalition des partis au pouvoir, sont archi-favoris devant les 48 candidats indépendants. Non seulement ces indépendants ne sont pas présents dans toutes les circonscriptions électorales mais, pis est, ils sont défavorisés par le mode de scrutin : le suffrage universel indirect. En effet, seuls les grands électeurs, députés, maires, conseillers régionaux et municipaux iront élire demain les sénateurs. Une grande majorité de ces grands électeurs étant du RHDP, on n’a pas besoin d’un dessin pour comprendre que les indépendants feront plus de la figuration qu’autre chose. Ils se contenteront de la portion congrue des sénateurs que le pouvoir voudra bien leur concéder. Par ailleurs, quand on sait que le président Alassane Ouattara nomme un tiers de ceux-ci, 33 sur 99, la conclusion est vite tirée que la future Chambre haute du Parlement ivoirien sera monocolore.

Un Sénat monocolore, configuration parfaite d’une chambre d’enregistrement, chose à mille lieues du travail consciencieux de représentation des collectivités territoriales et des Ivoiriens de l’extérieur que ces élus sont censés faire au sein du Parlement. De quoi exacerber les critiques sur son inutilité, son caractère budgétivore et de garage honorifique pour courtisans de luxe. La paix en Côte d’Ivoire, fondée sur le dénominateur commun d’un dialogue politique inclusif, n’est-elle pas plus importante que ce gadget pseudo-républicain ?

Zéphirin Kpoda   

Dernière modification ledimanche, 25 mars 2018 20:46

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