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Présidentielle en Zambie : L’opposition occupera-t-elle enfin State House ? Spécial

La Zambie : voilà un pays de l’Afrique australe dont on parle peu sous nos tropiques, mais qui constitue un des rares pays africains où la démocratie et la stabilité ont droit de cité. Les résultats des élections dans cette contrée sont souvent très serrés, loin des «tukguili (1)» et autres scores à hauteur d’homme.

 

Pour la petite histoire, le 24 octobre 1964, la Rhodésie du Nord disparaissait pour donner naissance à la Zambie. Kenneth Kaunda, le «Père de l’indépendance», dirigea alors le pays pendant vingt-sept ans sous le régime du parti unique, le Parti uni de l’indépendance nationale (UNIP).

Lorsque le multipartisme fut légalisé en 1990, mettant ainsi fin au règne de Kaunda, les Zambiens ont eu les premières élections multipartites, largement remportées, en 1991, par Frederick Chiluba et son parti, le Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD). Depuis lors, c’est le MMD qui  dirige les affaires de la Zambie, mais avec des personnalités différentes : c’est ainsi qu’après le long règne du «père de l’indépendance», Frederick Chiluba et Levy Mwanawasa (décédé lors de son deuxième mandat) se sont succédé avant que le président sortant actuel, Rupiah Banda, arrive à la tête de l’Etat. La fausse note qui a failli mettre en péril, à une époque, la démocratie naissante zambienne, c’est le fait que Frederick Chiluba, afin de briguer un troisième mandat, en 2001, a essayé de changer la Constitution, mais il cèdera finalement  sous la pression populaire.

Hier mardi 20 septembre 2011, les Zambiens ont voté pour élire leur nouveau président de la République. Parmi les candidats : le chef de l’Etat sortant, Rupiah Banda, en quête d’un deuxième et dernier bail, et son principal rival, Michael Sata, surnommé le «roi Cobra». Le président sortant, Rupiah Banda, et son adversaire redouté, Michael Sata, se retrouvent de nouveau face à face : les deux hommes, qui sont âgés de 74 ans, se sont déjà affrontés en 2008. Le résultat s’était alors joué à deux points d’écart ; ce qui avait occasionné des émeutes, par suite des accusations du «roi Cobra», à l’endroit de son adversaire, d’avoir triché. Certes, des efforts restent encore à faire pour des scrutins très propres dont les résultats seront acceptés par les différents challengers, mais il est déjà bon de saluer la vitalité de la démocratie zambienne,  bien réelle et évidente. Le fait que l’alternance est au rendez-vous au pays de Kenneth Kaunda, même si l’opposition n’a pas encore «délogé» le MMD du palais présidentiel depuis 20 ans, est quand même un signe évident que la démocratie n’est pas prise en otage par une seule personne, une famille ou encore un clan.

A l'occasion de cette élection, qui se joue en seul tour et implique plusieurs candidats, certains pensent que l’heure de l’opposition a enfin sonné, estimant que la majorité des électeurs sont actuellement dans un état d’insatisfaction profonde à cause de la pauvreté, qui frappe de plein fouet plus de 64% de Zambiens.

Et pour ne pas arranger le camp du candidat au pouvoir, il y a le brûlot d’Alice Odiot, réalisatrice, en mai 2011, d’un documentaire intitulé "Zambie : à qui profite le cuivre ?", tourné dans l’une des mines les plus importantes de Zambie (la mine de Mopani). Celle-ci confiera d’ailleurs à Radio France internationale (RFI) que, sur les 12 multinationales qui exploitent le cuivre, l’or rouge du pays, aucune n’est zambienne et surtout qu’une seule de ces multinationales paye des impôts sur ses bénéfices ; ce qui, si ces propos sont réels, pourrait bien corroborer les accusations de l’opposition contre le parti au pouvoir de mal redistribuer les richesses et de confier à des mains étrangères la destinée du pays ; une situation qui peut valoir de nombreuses voix au «roi Cobra», président du Front patriotique (FP), qui lorgne depuis 2008 le State House, la résidence présidentielle.

D’autres, par contre, notamment les partisans de Rupiah Banda, sont certains que leur candidat est bien parti pour un deuxième mandat, en raison des performances du premier producteur africain de cuivre (8e mondial) : en effet,  l’envolée des cours du cuivre à 10 000 dollars la tonne, début 2011, est une véritable aubaine pour la Zambie, qui en tire son principal revenu ; selon le Fonds monétaire international (FMI), l’activité économique de la Zambie a enregistré 7,6% de croissance en 2010 contre 6,4 en 2009 ; de quoi susciter une grande fierté chez l’adversaire de Michael Sata, qui se targue d’avoir dirigé un pays au taux de croissance record en Afrique ; seulement, il reste à savoir si les 5 millions d’électeurs le suivront dans cette logique.

Tout compte fait, le cuivre et la corruption, qui se sont beaucoup invités dans cette joute électorale, seront des éléments déterminants de l’élection du futur président. Et si l’opposition, d’aventure, la remportait, ce serait un véritable renouveau démocratique au pays de Kenneth Kaunda.

 

Cyr Payim Ouédraogo

Notes :

(1) Signifie en langue mooré razzia

Dernière modification lemardi, 20 septembre 2011 21:47

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