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Une lettre pour Laye : Deuil national de 72 heures

 

Cher Wambi,

Après une quinzaine de jours de caprices au cours du mois d’août, Dame Nature fait enfin preuve de générosité, en tout cas en ce qui concerne la région du Centre. Et gageons qu’elle en fera de même jusqu’à la fin de l’hivernage au grand bonheur des paysans, qui ne demandent que du « saako songô », autrement dit une «bonne pluviométrie».

 

 

En attendant que le Ciel et les mânes exaucent leurs vœux, voici les quantités d’eau recueillies par les services de l’ASECNA dans ses différentes stations au cours de la semaine du jeudi 15 au mercredi 21 août 2019 :

 

Dori : 106 mm ; Ouahigouya : 47,1 mm ; Ouagadougou-Aéro : 46,2 mm ; Dédougou : 89,6 mm ; Fada N’Gourma : 24,9 mm ; Bobo-Dioulasso : 29,6 mm ; Boromo : 50,1 mm ; Pô : 28,1 mm ; Gaoua : 91 mm ; Bogandé : 22,2 mm.   

 

 

 

Cher Wambi, quatre jours après l’assaut contre le détachement militaire de Koutougou (Soum), la plus meurtrière de toutes les attaques terroristes contre notre armée, l’émotion est toujours à son comble. Les Burkinabè restent encore partagés entre colère, incompréhension et interrogation.

 

« Le 19 août est une tache noire dans la vie de notre armée nationale », a soupiré le chef suprême des armées, le président Roch Marc Christian Kaboré, au regard du bilan qui fait froid dans le dos : 24 soldats tués, sept blessés et cinq portés disparus, retrouvés vivants 3 jours après selon un communiqué de l’état-major général des Armées daté du jeudi 22 août.

 

Comment un tel carnage a pu avoir lieu ?

 

En attendant d’en savoir davantage, l’une des grandes questions qui taraudent bien d’esprits, c’est de savoir si en parlant dans son premier communiqué d’une dizaine de morts, l’état-major ne disposait pas déjà du bilan révisé dès le lendemain. 

 

Si oui, pourquoi avoir choisi, dans un premier temps, de minimiser le bilan réel dont plusieurs sources indépendantes mais concordantes s’étaient déjà fait l’écho dans les réseaux sociaux ?

 

Mais cher cousin, au-delà de ça, le drame de Koutougou remet au goût du jour la question des conditions dans lesquelles les FDS évoluent sur le terrain.

 

Sur le plan opérationnel, sont-elles suffisamment équipées pour faire pièce aux groupes terroristes dont les modes opératoires sont aussi variés que meurtriers ?

 

Autrement dit, nos militaires, gendarmes et policiers envoyés au front disposent-ils de l’armement et du stock de munitions nécessaires à l’accomplissement de leur mission ? Sont-ils bien nourris et, osons la question, suffisamment ravitaillés en eau, en ce qui concerne ceux d’entre eux qui sont basés en zone sahélienne ? Les renseignements sont-ils efficaces et remontent-ils à temps afin que les mesures idoines soient prises ?

 

Sur cette dernière préoccupation, cher Wambi, j’ai ouï dire que 72 heures avant l’attaque, certaines informations en provenance du détachement de Koutougou faisaient état d’un grand rassemblement d’individus au carrefour Tchiombolo-Filio et Tchiombolo-Tondiata sans qu’on en sache les intentions. N’empêche, la même alerte aurait prévenu que le poste d’Inata, le détachement de Koutougou ou celui de Nassoumbou pourraient être pris pour cible.

 

Ces informations vitales sont-elles remontées à qui de droit et qu’en a-t-on fait ou pas fait ? Je ne saurais quoi dire.

 

Si tout cela est vrai, va-t-on m’accuser de saper le moral des troupes en te rapportant cela ?

 

Est-ce en jouant à la politique de l’autruche que l’on viendra à bout de la pieuvre terroriste ? Assurément non !

 

Parlant de la politique de l’autruche, cher cousin, je pense au démenti de l’état-major paru hier dans le journal de ton oncle Nakibeuogo et relatif à un mouvement d’humeur qui aurait traversé les rangs.

 

Et pourtant, selon ce qui me revient, de jeunes soldats, mécontents du massacre de leurs frères d’armes, ont effectivement dans un premier temps refusé l’accès du camp Guillaume-Ouédraogo à des officiers, et pas des moindres, ce mercredi 21 août. Avant que, suite à des tractations, certains galonnés puissent franchir l’entrée de l’enceinte militaire pour des pourparlers avec les soldats. Engagement aurait été pris de se retrouver ultérieurement.  

 

Si tout cela est avéré, plutôt  que de verser dans le démenti systématique, ne convient-il pas d’affronter la réalité pendant qu’il est encore temps ? 

 

Toujours en rapport avec l’attaque de Koutougou, je t’apprends qu’un deuil national de 72 heures a été décrété par le président du Faso, allant du vendredi 23 au dimanche 25 août sur toute l’étendue du territoire national, « à la mémoire des 24 victimes de l’attaque de lundi dernier. En rappel, «Durant cette période, les drapeaux sont mis en berne sur tous les édifices publics et dans les représentations du Burkina à l’étranger » et «les réjouissances populaires, les manifestations à caractère récréatif sont interdites ».

 

Rendez-vous manqué pour  Djibrill  Bassolet. Cher cousin,  poursuivi devant le tribunal militaire pour son implication présumée dans le putsch de septembre 2015, il était en effet censé être hier jeudi 22 août 2019 dans l’après-midi au service d’oncologie de l’hôpital Foch à Suresnes dans la banlieue ouest de Paris. Mais jusqu’à la date d’hier, il était dans sa résidence surveillée de Ouaga 2000. C’est que, cher cousin, ainsi que je te l’ai expliqué dans mes précédentes lettres, s’il avait obtenu l’autorisation du président du tribunal, la sortie du territoire était toutefois suspendue à la décision du ministre de la Défense, Sy Moumina Chériff Sy. Le problème, cher Wambi, c’est que ce dernier et les avocats de Yipènè ne semblent  pas avoir la même lecture de « l’autorisation » du juge Saidou Ouédraogo, ce qui donne lieu depuis quelques jours à une guerre épistolaire entre les différentes parties.

 

Pour Chériff, le magistrat n’aurait fait que prendre acte de la demande des avocats de l’intéressé et  du rapport médical du professeur Sanou qui préconise l’évacuation de son patient pour des soins plus appropriés à l’étranger. Les avocats de l’accusé malade ont donc dû, selon ce qui me revient, demander au juge de préciser les termes de sa correspondance, lequel dit «accepter pour vrai ce qui résulte du rapport médical du 19 juillet…». Cela a-t-il valeur «d’autorisation» ? C’est là que les interprétations divergent.

 

En attendant donc que le ministre des Armées permette au résident-surveillé d’aller se soigner à ses frais (et non d’être évacué au compte de l’Etat comme on l’entend souvent), le premier général de gendarmerie de notre pays a pu se rendre mardi dernier à l’Office national d’identification pour se faire établir un passeport ordinaire, son passeport diplomatique lui ayant été retiré à son retour de Tunisie où il avait déjà effectué, tu te rappelles, un premier séjour médical entre mars et mai 2019. Seulement voilà, une fois les formalités accomplies, l’ONI aurait exigé de lui la présentation d’un « certificat de présence au corps » pour compléter le dossier. Aux dernières nouvelles cher cousin, la maréchaussée aurait délivré ce précieux document qui a été déposé à la police mercredi. Est-ce le dernier obstacle de ce parcours du combattant ? Je ne saurais le dire. Affaire à suivre donc.

 

 

 

Cher Wambi, à présent, je t’invite à feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.

 

 

 

- Cela fait maintenant une bonne semaine que Kupiendiéli est mort à 84 ans après 17 ans de règne. Depuis, certains se demandent quand auront lieu les obsèques du 31e roi du Gulmu et quand son successeur sera connu. En fait, contrairement à ce qui se passe en milieu moagha par exemple (on l’a vu récemment avec la disparition du Boussoum naaba Sonré), il n’y a pas d’obsèques à proprement parler chez les Gulmancéba quand le souverain disparaît. Le rituel des obsèques est en fait effectué le jour même de son intronisation, de sorte que lorsqu’il décède, les notables procèdent juste à son inhumation dans l’intimité absolue.

 

Pour ce qui  est de la succession, le dernier jour du deuil intervient aujourd’hui même et ce n’est qu’à partir du week-end donc que les prétendants au trône pourront commencer à se faire connaître.    

 

 

 

- Dans la nuit du lundi 14 au dimanche 15 juillet 2019, onze personnes gardées à vue trouvaient la mort dans les locaux de la brigade antidrogue de la police nationale de Ouagadougou. Cela créa une grande émotion dans l’opinion publique nationale, voire internationale. Dans la foulée, les autorités avaient pris des mesures administratives en relevant de leurs fonctions le commandant de la brigade antidrogue et la directrice de la police judiciaire. Une autopsie a été commandée et une enquête judiciaire ouverte.

 

Les survivants à ce drame avaient été transférés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Par la suite, un bon nombre d’entre eux a été libéré. Et nous avons fait des pieds et des mains pour rencontrer l’un d’eux. On va l’appeler Karim Sawadogo, pour cacher son identité. Il a accepté de nous parler de ce qui s’est passé dans la cellule de l’antidrogue en cette nuit fatidique du 14 au 15 juillet 2019.

 

Selon Karim Sawadogo, dans la soirée du 6 juillet 2019, il était à la maison en train de regarder un match à la télé avec des amis. Il y avait de la bonne humeur. Mais tout d’un coup, la police a débarqué en expliquant que ce groupe est soupçonné de consommer de la drogue. Naturellement  les jeunes ont nié ces affirmations et la fouille de leurs poches a été infructueuse.

 

Mais sûre de son fait, parce que bien tuyautée, la police ne va pas pour autant lâcher l’affaire. Les flics ont poursuivi les fouilles de la maison et lorsqu’ils se sont rendus à l’arrière de la cour, ils ont été édifiés, car c’est là-bas que se trouvait la came.

 

Karim Sawadogo et ses compagnons sont interpellés et conduits à la brigade antidrogue qui venait de frapper ainsi un grand coup avec une trentaine de personnes dans la nasse. Elles sont alors toutes placées en garde à vue pour des faits de consommation et de vente de stupéfiants.

 

Quelques jours plus tard, soit exactement dans la nuit du 14 au 15 juillet, onze des gardées à vue vont trépasser. Karim Sawadogo soutient que ces compagnons sont morts de chaleur et de soif. Il déclare qu’ils ont longtemps tambouriné sur la porte en réclamant de l’eau mais que les gardes sont restés sourds à leurs supplications. Par la suite, l’air serait devenu irrespirable au point que tout le monde suffoquait. Karim affirme que peu après 21 heures, certains de ses camarades ont commencé à perdre connaissance.

 

En larmes, il a déclaré que le lundi 15 juillet 2019, lorsque les policiers ont ouvert la porte de la cellule, c’était le soulagement total. « Pressés d’humer l’air frais du dehors, certains d’entre nous ont enjambé, sans le savoir, des corps sans vie. Mais voyant qu’il y avait des gens qui étaient toujours couchés à terre, les policiers nous ont donné l’ordre de réveiller ceux qui dormaient. Mais nos tentatives de les réveiller sont restées vaines. C’est alors que les policiers nous ont demandé de retirer les corps ».

 

Parce qu’il avait un de ces bons petits parmi les victimes, Karim n’a pu supporter cette « corvée » et il en a été dispensé par les policiers.

 

Karim Sawadogo est toujours sous le choc de ce qu’il a vécu cette nuit-là. Il a même déclaré que, pour survivre, un de ses amis lui a confessé avoir bu ses propres urines pour étancher un peu sa soif.

 

 

 

- La course à l’investiture pour la présidentielle de 2020 est bien lancée au sein du CDP, où les deux principaux rivaux, Eddie Komboïgo et Kadré Désiré Ouédraogo, multiplient les contacts avec les populations locales.

 

Après Kaya où il était début août pour une remise de vivres au profit des déplacés internes, KDO, comme on l’appelle,  sera ce samedi 24 août à Pabré pour une rencontre avec ses partisans de cette  commune rurale. Il est attendu la semaine prochaine à Koubri.

 

 

 

- Dans sa parution du mercredi 21 août dernier, « L’Observateur Paalga » annonçait le décès, la veille, à 86 ans, du professeur Yembila Abdoulaye Toguyeni, premier recteur de l’université de Ouagadougou.

 

Le programme des obsèques du premier assistant africain de la faculté des sciences de Dakar se déroulera comme suit :

 

-                Samedi 24 août (matin) : hommage de l’université de Ouagadougou suivi à partir de 19h 30 d’une veillée de prières, puis de témoignage à son domicile ;

 

-                Dimanche 25 août : prière des morts à 5h 10 à la mosquée Lamizana à Zogona suivie à 5h 30 du transfert de la dépouille à Fada N’Gourma. Après l’inhumation à 11h dans la demeure familiale (secteur 2, route de Niamey, côté nord du CFP) interviendra le Doua de 12h 00 à 13h 30.

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle  n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

 

 

Dernière modification ledimanche, 25 août 2019 17:42

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