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Présidentielle togolaise : Tragi-comédie électorale à Lomé

Les lendemains d’élections sont souvent mouvementés au Togo. La présidentielle du samedi 22 février 2020 n’aura pas échappé à la règle.

 

Après le calme et la sérénité qui, de l’avis unanime, ont été constatés le jour du scrutin, place maintenant à la polémique après l’annonce des résultats de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Les chiffres donnent le président sortant, Faure Essozimna Gnassingbé, vainqueur avec 72,36% des voix contre 18,37% pour son poursuivant direct, Agbéyomé Messan Kodjo, suivi de l’opposant de toujours, Jean-Pierre Fabre, plafonné, lui, à 4,35%. Les 7 autres prétendants se partagent les miettes restantes.

Ces résultats apparaissent surprenants aux yeux de nombreux Togolais et de certains observateurs de la scène politique. Et pour beaucoup, c’est moins la victoire que le plébiscite qui pose problème. De la même manière qu’est sujet à caution le taux de participation, qui serait de l’ordre de 61%.

Un coup K.-O. donc pour l’héritier du trône qui, sous réserve de confirmation prévisible par la Cour constitutionnelle, va rempiler après déjà 15 ans passé aux affaires, pour un 4e mandat. Au grand dam de ses challengers, particulièrement de celui qui fut le Premier ministre de son père. Avant même l’annonce des résultats officiels dimanche soir, Agbéyomé Kodjo, qui crie au hold-up électoral, s’est autoproclamé président élu, nommant dans la foulée un Premier ministre et annonçant la formation d’un gouvernement inclusif. Et pour mieux enterrer son adversaire toujours au pouvoir, il l’a félicité chaudement d’être « le premier ancien président de la République vivant dans l’histoire » et l’a invité « à un sursaut patriotique afin que le transfert du pouvoir puisse se faire dans les règles de l’art et de manière pacifique».

On ne sait pas si l’opposant de 65 ans est vraiment au sérieux ou si c’est une pure comédie. Mais une chose est sûre, celui qui a tout d’un mauvais perdant risque gros en jouant au Jean Ping ou au Maurice Kamto togolais. Il aurait dû, du reste, prendre exemple sur les opposants gabonais et camerounais avant de se lancer dans pareille aventure  qui ressemble plus à une pièce de théâtre qu’à autre chose.

Certes, le processus électoral est plus transparent aujourd’hui qu’il ne l’a été au temps d’Eyadema, mais Agbéyomé Kodjo pensait-il réellement pouvoir ainsi faire tomber facilement un pouvoir qui s’est enraciné depuis plus d’un demi-siècle ?

Que le fils soit moins obtus que le père, qu’il soit plus sensible à la démocratie et aux droits de l’homme (encore que…) que son géniteur, nul n’en doute,  mais vouloir qu’il lâche le fauteuil que le clan considère comme sien, c’est quand même trop lui demander.

Le régime avait-il d’ailleurs vraiment besoin de fraudes massives et organisées pour conserver sa chose ? On peut raisonnablement en douter : d’abord parce qu’il y a toujours la fameuse prime du sortant, surtout quand elle repose sur des acquis socioéconomiques indéniables selon de nombreux observateurs ;

à cela s’ajoute l’incapacité de l’opposition à faire bloc contre l’adversaire commun ; une opposition bien souvent réduite à un phénomène urbain et notoirement impécunieuse, qui plus est quand la subvention étatique aux candidats ne tombe pas à temps, obligeant certains à faire du porte-à-porte en lieu et place des meetings et des grands rassemblements ruineux.

Pour tout dire, il n’y a rien de surprenant dans ce qui arrive au Togo. Et si Agbéyomé Kodjo ne prend garde, il risque à coup sûr de connaître le même sort que Maurice Kamto qui a goûté aux saveurs des geôles camerounaises.

Le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, n’a-t-il pas d’ores et déjà proféré des menaces ? « Tout agissement qui serait contraire à l’ordre public fera l’objet des conséquences prévues par les lois et règlements applicables en République togolaise », a-t-il en effet prévenu.

A bon opposant…

 

Hugues Richard Sama

Dernière modification lemardi, 25 février 2020 22:05

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