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Une Lettre pour Laye : Quand le procureur général se fait l’avocat des détenus préventifs

 

Cher Wambi,

Tu te souviens qu’à l’issue du conseil des ministres du 1er avril 2020, les Burkinabè avaient été informés de ce que le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, avait pris un décret portant remise de peine totale pour 1207 prisonniers. Par cet acte, le chef de l’Etat entendait désengorger les établissements pénitentiaires afin d’éviter la propagation de la pandémie du Covid-19 en leur sein. Selon les autorités, ces détenus ont été choisis au regard de leur âge avancé, de leur état de santé et de l’accomplissement de la moitié de leur peine. Et bien évidemment, les condamnés pour acte de grand banditisme, de terrorisme et d’excision ne figurent pas sur la liste jointe au décret présidentiel.

 

 

Mais, cher cousin, depuis cette annonce, et jusqu’au moment où je te traçais ces lignes, aucun des bénéficiaires de ce décret n’avait pu en jouir, et cela au grand dam de leurs familles. En effet, jusqu’à hier après-midi, les directeurs de prison étaient formels : aucun détenu n’avait été libéré. De plus, il y a des formalités pour libérer un prisonnier, notamment la signature du procureur du Faso et la contresignature du directeur de l’établissement pénitentiaire.

 

En réalité, cher Wambi, si l’exécution du décret traîne, c’est parce qu’il y a une sorte de bras de fer entre les pouvoirs exécutif et judicaire : les magistrats, à travers leurs syndicats, ont dénoncé leur non-consultation dans la prise du décret présidentiel. Leur intersyndicale estime que le gouvernement a ignoré des aspects basiques sur le régime juridique du droit de grâce et que les institutions du juge de l’application des peines et de la Commission de l’application des peines ne comptent pas pour du beurre dans la procédure de remise de peine par voie de grâce.

 

Outre la forme, nos juges sont contre le fond du décret présidentiel. Il me revient que les magistrats contesteraient la présence de certains détenus sur la liste, car ne remplissant pas, selon eux, toutes les conditions requises. C’est la raison pour laquelle ils se susurrent que l’intersyndicale pourrait attaquer le décret de Roch devant les juridictions administratives.

 

Les jours à venir nous situeront sur l’issue de ce bras de fer qui a lieu au détriment des prisonniers bénéficiaires de la grâce présidentielle.

 

 

 

Cher Wambi, c’est dans cette même lancée que le procureur général de la Cour d’appel de Ouagadougou, Laurent Poda, a adressé une correspondance aux différents procureurs du Faso relevant de sa juridiction pour les instruire, dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19, de procéder à la libération des détenus préventifs, en clair les détenus qui sont en attente de jugement.

 

J’ai pu obtenir copie de cette lettre datée du 2 avril 2020 et je m’empresse de t’en livrer la teneur :

 

« A tout Procureur du Faso du ressort de la Cour d’appel de Ouagadougou

 

Objet : instructions relatives à la question des détenus préventifs

 

En raison du ralentissement des activités juridictionnelles lié à la pandémie du Covid-19 je vous instruis :

 

- d’une part, de faire le point des cas de personnes poursuivies selon la procédure de flagrance se trouvant en situation de dépassement de délai de deux semaines prévu pour une comparution devant le tribunal correctionnel ; et de procéder à leur libération immédiate conformément aux termes du dernier alinéa de l’art 321-15 du Code de procédure pénale ;

 

- d’autre part, de recenser les cas de personnes poursuivies dont les causes ont été entendues par le tribunal correctionnel qui, cependant, n’a pu, sans motif légalement admis, rendre sa décision dans le délai de deux mois fixés par l’art 321-16 du même code ; et de procéder à leur mise en liberté.

 

Pour toutes autres situations spécifiques tenant à des impératifs d’ordre public et nécessitant des mesures autres que celles induites des dispositions légales sus énoncées, je demeure activement attentif aux comptes rendus en retour.

 

J’attache du prix aux termes des présentes instructions ».

 

Voilà une instruction qui, à coup sûr, fera plaisir à cette catégorie de détenus préventifs. Cependant, ce geste du parquet général de Ouagadougou pose plusieurs problèmes. Le premier étant celui de l’équité. En effet, il aurait été bien pensé que cette mesure soit prise en concertation et de concert avec les deux autres Cours d’appel du pays (Bobo-Dioulasso et Fada N’Gourma) afin que les détenus préventifs soient traités de la même manière. Je ne connais pas très bien la situation à Fada, mais du côté de Bobo-Dioulasso on dénombre beaucoup de cas du Covid-19. Alors pourquoi le détenu de la ville de Sya ne pourrait pas bénéficier de la même faveur que celui de la capitale ?

 

Selon des informations que j’ai pu glaner, si cette mesure était appliquée à Bobo-Dioulasso, près d’une centaine de personnes allaient en bénéficier. Et il est évident que du côté de Fada, un certain nombre de personnes auraient pu également en jouir ; malheureusement pour elles puisqu’elles ne sont pas poursuivies par des juridictions judiciaires rattachées à la capitale.

 

Mais au-delà de ce problème d’équité, il me revient que Laurent Poda a pris sa décision sans tenir compte ni de l’avis ni du ressenti des autres parties que sont les avocats des victimes et les victimes elles-mêmes. Une telle concertation était d’autant plus nécessaire qu’on sait que le ministère public n’est qu’une partie au procès même si c’est lui qui poursuit. C’est pourquoi, ne serait-ce que pour éviter que son instruction soit l’objet de critique, voire de rejet, n’aurait-il pas été plus judicieux en pareille circonstance pour le procureur général de consulter le barreau, les autres procureurs généraux du pays ainsi que les premiers présidents des Cours d’appel et les présidents des tribunaux de grande instance ?

 

Est-ce que comme il se susurre concernant le décret présidentiel, les autres parties qui y ont intérêt (les prévenus, les parties poursuivies) ne vont pas ester contre l’instruction que le procureur général de Ouagadougou vient de donner aux parquetiers qui sont sous ses ordres ? Attendons de voir !

 

 

 

Cher Wambi, tu as sans nul doute entendu la nouvelle du décès de celui qu’on ne présentait plus au Burkina Faso.

 

Je veux parler de Moustapha Laabli Thiombiano, fondateur de la chaîne des radios « Horizon FM » et musicien dans une autre vie dont la chanson culte « Je m’en fous » a fait danser bien des Burkinabè de l’époque.

 

Décédé dans la soirée du 6 avril 2020 à la clinique du Bois, le « Laabli national » a été porté en terre hier jeudi 16 avril  à son domicile de Kossodo. 

 

Véritable boîte à idées, il est à l’origine de plusieurs manifestations culturelles et sportives comme « Miss Burkina », le Rallye moto de Ouaga (RAMO), la compétition des piroguiers sur le barrage de Tanghin. Initiateur de la première rue marchande de la capitale, il a, dans sa jeunesse, passé près de deux décennies aux Etats-Unis d’Amérique. 

 

Mais, cher cousin, contrairement à ce que peut laisser croire son patronyme, Moustapha Thiombiano est un natif de Dapongo, au Togo, où il a encore de la famille dont une délégation était présente à l’inhumation.

 

Pour la petite histoire, sache que cet homme-orchestre a été répétiteur d’anglais à l’Ecole nationale de l’administration (ENA). Il doit sa bonne maîtrise de la langue de Shakespeare au Ghana, où il a vécu pendant un certain temps.

 

A l’époque, il convoyait des matériaux de construction de ce pays au Burkina Faso lors de l’édification de l’hôtel Indépendance.

 

Alors qu’il ramenait de la marchandise, son véhicule tomba en panne à Pô. C’est à cette occasion qu’il fit la connaissance d’un groupe de jeunes instituteurs bons vivants qu’il finit par intégrer. C’est de là qu’il a pris goût à la musique, devenue depuis son violon d’Ingres. 

 

A Ouagadougou, il a joué dans l’orchestre ATIMBO avant de rejoindre celui d’Hermann Yaméogo sous la présidence du père de celui-ci ; ensuite il évoluera avec le groupe « Djinaroux » où il était batteur.

 

Comme tu le constates toi-même, cher Wambi, c’est un véritable touche-à-tout, un brin anticonformiste au parler direct, que tout le Burkina Faso perd. 

 

 

 

A présent, cher Wambi, je t’invite à feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.

 

 

 

- On l’attendait plus ou moins, et il a fini par se matérialiser : le report sine die de la réouverture des kiosques PMU initialement prévue pour le mardi 14 avril 2020. Pouvait-il en être d’ailleurs autrement au regard des fortes menaces qui pesaient tant sur le personnel commis à cette délicate mission que les installations-mêmes destinées à cela ? Quand on sait que des rumeurs des plus persistantes laissaient entendre que des commerçants de Rood-Woko et des autres marchés et yaars, fermés pour raisons sanitaires, menaçaient de rouvrir leurs échoppes au cas où. Une attitude du reste compréhensible quand on sait que c’est la même indiscipline qui se vit dans les deux milieux. Une décision sage donc de la Nationale des jeux, car à quoi rimerait une reprise précipitée des activités dans un environnement toujours en proie à la pandémie du coronavirus ; où l’enseignement, les transports et autres domaines vitaux sont mis en berne même si, reconnaissons-le, nombreux sont ceux-là qui broient du noir depuis la fermeture des points de vente PMU ?

 

 

- Au cours du point de presse d’hier 16 avril 2020 au Service d’information du gouvernement afin de livrer aux journalistes les points saillants du Conseil des ministres tenu le même jour, le ministre de la Communication, Remis Fulgance Dandjinou, a annoncé que le président du Faso s’est engagé à céder six mois de son salaire pour la riposte au Covid-19. Le Premier ministre et les ministres d’Etat, eux, renonceront respectivement à quatre mois et à deux mois de salaire. Tout le reste de l’équipe gouvernementale mettra l’équivalent d’un mois de salaire dans la lutte contre cette pandémie. Une bonne preuve de solidarité avec cet exemple qui vient d’en haut. Mais on ne sait pas pour l’instant, ce que valent exactement toutes ces contributions de l’exécutif à l’effort de guerre.     

 

 

- Le Burkina Faso, dans sa lutte contre l’épidémie à coronavirus, a reçu un renfort de la part de la Chine : en effet, une mission complète sur le plan scientifique, composée de 12 experts des maladies infectieuses, respiratoires, de l’imagerie, de la désinfection, du traitement des cas graves, des épidémiologistes, est arrivée hier jeudi à l’aéroport de Ouagadougou pour apporter son assistance dans la lutte contre la propagation du Covid-19 au Burkina Faso.

 

Deux semaines durant, ils exerceront sur plusieurs sites retenus pour la circonstance et aux côtés des médecins burkinabè avec lesquels ils partageront leurs expériences et leur savoir-faire.

 

En plus de leur expertise, ils sont venus les bras chargés : deux tonnes de matériels comprenant des masques, combinaisons, gants, couvre-pieds, lunettes de protection. Un deuxième vol, transportant 1,5 tonne de matériel en provenance du Ghana, était attendu autour de 20 heures hier jeudi.

 

Selon l’ambassadeur chinois, Li Jian, tous les membres de l’équipe médicale ont préalablement été soumis au test du Covid-19 avant leur vol vers le Burkina Faso. C’est donc avec un certificat montrant qu’ils sont sains et testés négatifs au nouveau coronavirus qu’ils atterrissent au Burkina, a-t-il soutenu.

 

 

 

- Le trafic sur la route nationale n°22, qui va de Ouagadougou au chef-lieu de la province du Soum, Djibo, longue d'environ 200 km, connaît des perturbations depuis maintenant deux semaines : en effet des terroristes ont organisé un blocage notamment sur le tronçon Namsiguia-Djibo, long de 36 km, empêchant ainsi les camions de ravitaillement d'entrer dans la ville. Il y a un peu plus d'un mois de cela, les principales compagnies de transport en commun y avaient cessé tout trafic au regard de la détérioration de la situation sécuritaire. Toutefois, des camions de transports de marchandises continuaient de desservir les localités environnantes d’où ils repartaient avec du bétail. 

 

Mais depuis quelque temps, ces poids-lourds ont disparu de la zone du fait de la multiplication des exactions terroristes. Conséquence, les produits de première nécessité commencent à se faire rares à Djibo, les lieux de commerce ainsi que les pharmacies sont en rupture de stocks. D’où les incessants appels au secours des résidents à travers les réseaux sociaux et radios locales.

 

 

 

- Demain samedi 18 avril 2020, à partir de 20h 30 en direct de la RTB en synchronisation avec plusieurs chaines de télés et radios partenaires, sera lancé le Coronathon, ou soirée de collecte de fonds contre le Covid-19.  

 

L’événement, organisé par l’Assemblée nationale, en collaboration avec des structures professionnelles de la santé et des médias et des organisations de la société civile, entre dans le cadre d’une initiative populaire et citoyenne de collecte de fonds pour la lutte contre le coronavirus au Burkina Faso.

 

Cet élan de solidarité nationale contre le Covid-19, lancé le 9 avril par le chef du Parlement, Alassane Bala Sakandé, se poursuivra jusqu’au 14 mai 2020.

 

Les dons sont recevables via :

 

Orange Money : *144*10*96 59 713* montant # 

 

Mobicash : 02 05 05 05 

 

Coris Money : 01 18 30 11

 

MoneyGram ;  

 

Western Union.

 

Ils peuvent aussi être déposés dans des comptes bancaires auprès de : IBank, BSIC, WBI, BOA, Coris Bank, Orabank, UBA, BCB et BDU-BF.

 

 

 

- La lutte contre la propagation du coronavirus semble avoir surclassé celle contre le terrorisme qui, en plus des nombreuses pertes en vies humaines, a causé plusieurs milliers de déplacés. C’est ainsi qu’il faut saluer les initiatives locales de solidarité qui sont mises en œuvre pour soulager les personnes déplacées en situation de détresse. A Korsimoro dans la province du Sanmatenga, la coordination communale des femmes a lancé depuis le mois de mars une collecte de condiments, d’effets d’habillement et de matériel de survie pour soutenir les déplacés qui ont trouvé refuge dans la commune. En collaboration avec le Conseil départemental de secours d’urgence et de réhabilitation (CODESUR), l’aide collectée par les femmes a été distribuée à de nombreux ménages des déplacés internes de Korsimoro le mercredi 14 avril dernier. La commune accueille environ 3000 personnes déplacées constituées en majorité de femmes et d’enfants venus de plusieurs localités du Sanmatenga et du Soum.

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle  n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

Dernière modification lejeudi, 07 mai 2020 10:39

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