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L’OMS et la gestion de la covid 19 : Quand Nkurunziza apporte de l’eau au moulin de Trump

 

Ils avaient 72 heures, à compter du 12 mai dernier, pour quitter le Burundi : le docteur Walter Kazadi Mulumbo et trois autres experts de l’OMS dont celui chargé de la riposte à la covid 19 au Burundi. Ils sont accusés par le gouvernement de Pierre Nkurunziza « d’ingérence inacceptable dans sa gestion du coronavirus ».

 

 

En fait d’« ingérence inacceptable », les autorités burundaises n’ont pas apprécié les critiques des experts de l’OMS sur la politique de prévention à minima contre la pandémie mise en œuvre par Bujumbura : en effet, Pierre Nkurunziza et son gouvernement, qui estiment que leur pays bénéficie d’une « protection divine » contre la covid 19,  sont restés en marge du branle-bas de combat général contre la pandémie : pas de fermeture totale des frontières, pas de confinement des populations, pas de test pour tous les cas suspects, pas de port obligatoire de masque et, pour ce qui est des gestes barrières, notamment la distanciation sociale, il faudra repasser, car le pays est en campagne électorale. Les foules s’entassent par milliers  au cours d’interminables meetings politiques qui ont lieu partout dans le pays. Tout se passe comme si le Burundi était dans un autre monde et comme si toutes les alertes pour combattre la covid 19 n’étaient que gesticulations alarmistes pour peu de choses. La preuve, à la date du 13 mai, le Burundi ne comptait officiellement que 27 malades du coronavirus dont 1 décès pour 12 millions d’habitants.

 

 Justement l’un des casus belli entre autorités burundaises et experts de l’OMS,  c’est ces statistiques qui jurent avec la réalité des populations, lesquelles souffrent et meurent en plus grand nombre  qu’officiellement de pathologies qui ressemblent à s’y méprendre à cette peste du 21e siècle. Qu’importe ! Les autorités de Bujumbura ont d’autres chats à fouetter : organiser des élections générales et surtout assurer la victoire à Evariste Ndayishimiye, dauphin désigné de Pierre Nkurunziza, le 20 mai prochain. Alors, les experts de l’OMS n’ont qu’à aller se faire cuire un œuf, eux qui estiment que partout où l’on s’est entêté à organiser des élections dans ce contexte de pandémie, on crée le terreau de son expansion. Les profonds regrets de l’ONU, les appels du Centre de contrôle et de prévention des maladies de l’UA n’y ont rien fait. L’expulsion des experts de l’OMS du Burundi est consommée.

 

 Hélas, cette brouille n’est pas la première de l’institution onusienne avec un gouvernement de pays membre : ainsi et pas plus tard qu’au début de cette semaine, le président Andry Rajoelina de Madagascar ne cachait pas son agacement vis-à-vis des dirigeants de l’OMS pour leur peu d’intérêt pour le covid-organics, un traitement mis au point dans son pays pour prévenir et guérir la covid 19. Avant le président malgache, c’est Donald Trump qui stigmatisait le tâtonnement, voire l’amateurisme de l’OMS, dans la gestion de cette pandémie, taxant ses dirigeants d’être complaisants avec Pékin, accusé de non-transparence dans cette affaire. En expulsant les experts de l’OMS de son pays, Pierre Nkurunziza apporte donc de l’eau au moulin de tous ceux qui sont mécontents de la gestion de la pandémie par cette institution, à commencer par Donald Trump. Car, après avoir manqué de stratégie cohérente de riposte à la covid 19, laissant chaque pays se débrouiller comme il peut, l’OMS va difficilement se faire accepter maintenant comme le gendarme des politiques gouvernementales en la matière. Certes, c’est trop facile pour certaines autorités étatiques de se dédouaner de leurs incapacités à endiguer la propagation de la covid 19 sur le dos du directeur général de l’OMS et de ses experts, mais ne dit-on pas que qui sème le doute récolte la méfiance ?

 

 

 

Zéphirin Kpoda

 

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