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Condamnation anciens dignitaires algériens: Malheur aux vaincus

Pour être tranchant, le glaive de la justice algérienne l’a vraiment été. Hier elle a en effet condamné d’anciens dignitaires du régime Bouteflika à de lourdes peines pour corruption.

Au premier rang de ceux-ci, Ali Haddad, ex-président du Forum des chefs d’entreprise (FCE) qui a écopé de 18 ans ferme pour « obtention de privilèges, d’avantages et de marchés publics en violation de la législation, dilapidation de deniers publics, abus de fonction, conflit d’intérêts et corruption dans la conclusion de marchés publics ». Mais au-delà de sa seule personne, c’est toute sa famille qui a été dézinguée puisque ses frères Omar, Sofiane, Meziane et Mohamed écopent de 4 ans d’emprisonnement « seulement » si l’on ose dire comparé au chef du clan. Et pour ne rien arranger, tous leurs biens ont été confisqués.

Les frères Haddad paient ainsi leurs connexions avec l’ancien Raïs dont deux ex-premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, déjà incarcérés pour d’autres affaires de corruption, écopent de 12 ans chacun.

Dans le box des accusés figuraient aussi huit anciens ministres dont les peines varient entre 2 et 20 ans : parmi eux, Abdeslam Bouchouareb, jadis en charge de l’énergie et des mines, jugé par contumace puisqu’en fuite à l’étranger.

Seuls manquaient l’ancien locataire du palais d’el Mouradia dont on connaît l’état de santé et son frère Saïd qui, en son temps, faisait quasiment office de régent.

C’est donc le procès de la gabegie de l’ère Bouteflika et des liaisons dangereuses entre les milieux d’affaires et le monde politique qui vient de livrer son verdict. Et ce ne sera pas le dernier puisque d’autres dossiers sont en cours d’instruction,  notamment celui de Saïd Bouteflika, poursuivi pour « complot contre l’autorité de l’armée et de l’Etat ».

Les juges algériens jadis aux ordres ont retrouvé leur indépendance et se sont découvert un courage subit après la chute du Raïs. Ils font ainsi œuvre de salubrité publique, et l’on applaudirait des deux mains si tout ce ramdam judiciaire ne confinait pas à la justice des vainqueurs et n’exhalait pas un parfum de règlements de comptes politiques. Car, après tout, l’actuel président, Abdelmadjid Tebboune, n’est-il pas un pur produit du système Bouteflika, lui qui a été wali dans plusieurs wilayas, puis tour à tour ministre délégué aux Collectivités locales, à la Communication et à la Culture, à l’Habitat et à l’Urbanisme, au Commerce avant d’en être l’éphémère chef du gouvernement en 2017 ? Celui qui a été sauvé des eaux par l’armée et son regretté chef dont il était le candidat peut-il jurer, une main sur le cœur et l’autre sur le Coran, que pendant tout ce temps il n’a jamais trempé les babines dans cette soupe qui vaut aujourd’hui des ennuis à ses anciens camarades ?

Comme il n’y aura jamais de justice des vaincus, malheur à Haddad et à ses compagnons d’infortune.

 

H. Marie Ouédraogo

Dernière modification lejeudi, 02 juillet 2020 20:38

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