Affaire recrutement CNSS :«J’ai demandé un service au DRH» (Odile Nikiéma, témoin)
- Écrit par Webmaster Obs
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Les dépositions des témoins dans l’affaire du recrutement problématique de 85 agents pour le compte de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) se suivent et se ressemblent. Dans un témoignage échevelé, Odile Nikiéma a déclaré qu’elle a demandé un service à l’ancien directeur des Ressources humaines (DRH). Le tribunal a beau user de subterfuges, il ne connaîtra pas la nature de l’aide. L’audition des témoins a pris fin le 10 juillet 2020. Ce procès marathon amorcera une nouvelle phase le 21 juillet. A la demande des avocats de la défense, à cette date, le parquet prendra des réquisitions, ensuite la défense interviendra pour ses plaidoiries.
Le premier jour de la comparution des témoins, le 30 juin dernier, elle avait eu un malaise. Des soucis de santé qui l’avait amenée à rejoindre dare-dare son domicile. Odile Nikiéma, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a recouvré la santé. En sa qualité de témoin, elle a juré de ne dire que la vérité sur ce qu’elle sait du recrutement de 2018 de la CNSS.
Cet agent de la Caisse a appris comme n’importe quel quidam le test de recrutement par le biais de L’Observateur Paalga. A l’écouter, aucune note de service n’informait les travailleurs de la boîte qu’il y aurait un recrutement dans les jours à venir. Ses enfants, au nombre de trois, ayant vu cet avis de recrutement, ils ont décidé de tenter leur chance. Deux ont été éliminés dès la phase du tirage au sort à l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi). La plus fortunée des trois, en revanche, franchira la deuxième étape, à savoir l’écrit. Ainsi, Ines Nikiéma est devenue secrétaire administratif à la CNSS. Sa mère, a demandé le parquet, n’est-elle pas intervenue pour donner à son enfant toutes les chances de réussir ? « Non », a-t-elle répondu. Le procureur insiste, la dame persiste et signe. Le ministère public sort ses notes pour prouver que la réponse de Dame Nikiéma contraste avec ses déclarations devant le juge d’instruction. Dans le procès-verbal (PV) du témoin, est consignée cette déclaration : « Je reconnais avoir demandé un service au DRH. Je lui ai demandé de m’aider parce que ma fille allait prendre part au concours. Je ne sais pas s’il a pris cela en compte ». Nouveau coup de théâtre !
Le tribunal se demande que retenir. Le parquet insiste pour lui tirer les vers du nez. Devant la ténacité du ministère public, le témoin reconnaît avoir demandé au DRH une aide. Mais quand le président du tribunal veut savoir quel genre de service elle a sollicité, c’est mystère et boule de gomme. « Vous avez demandé un service, lequel ? », lui a demandé le président agacé. Peine perdue. Le dialogue de sourds se poursuivra. « J’ai demandé de l’aide… M’bon… », a-t-elle balbutié. Ayant sans doute peur de voir son statut de témoin évoluer vers celui de prévenue, elle s’empressait de présenter ses excuses au procureur et au tribunal chaque fois qu’elle avait le sentiment de n’avoir pas été convaincante. Son témoignage étant échevelé, l’ancien directeur des Ressources humaines (DRH), Norbert Zeda, a été appelé à la barre pour une confrontation. Ce dernier a affirmé sans détour qu’il n’a pas été sollicité pour un service. Voilà sa restitution des faits : « Elle m’a informé dans les couloirs du service que sa fille a tiré oui. Je lui dit bonne chance pour la suite ». Témoin suivant.
Aminata Somda, cadre à la CNSS, a son petit frère parmi les admis. A l’écouter, personne au service ne savait que son frère faisait partie des postulants, donc rien ne pouvait être fait pour favoriser son admission. Pourtant, ce ne sont pas les mêmes déclarations que la juriste de formation a faites lors de son audition par le juge d’instruction. Dans un extrait de son P-V d’audition lu par la partie poursuivante, elle a déclaré que, dans le cadre des activités du service, elle a collaboré avec le DRH et que peut-être cette coopération a pu influencer ce dernier. « Est-ce à dire que vous ne lui avez rien demandé ?» a demandé le tribunal. Elle a répondu par la négative. Cette déclaration, selon la juriste, est une hypothèse qu’elle a émise. Une hypothèse qu’a voulu comprendre Me Marcelin Ziba des parties civiles. Mais cette fois-ci, cet avocat qui a le souci du détail n’aura pas d’aveu. Dame Somda ne pipera pas mot. Le petit frère en question, Adama Kassamba, ne reconnaît ni son écriture, ni sa signature sur la copie que lui a présentée le procureur. Comme sa sœur, il ignore qui a bien pu la manipuler. Et la générosité se poursuit. De 10/20 en dissertation si l’on se fie au relevé de la correctrice, il s’est retrouvé avec la note de 13/20. L’identité de cette bonne volonté reste un mystère.
Diarra Aminata, témoin, par ailleurs candidate admise au test des agents administratifs, sème le doute dans l’esprit des juges. son paternel, Seydou Diarra, qui est passé avant elle, a déclaré lors de son audition qu’il a accompagné sa fille à l’ANEP pour le tirage ; son enfant se présente à la barre avec une autre version. « Je suis allée seule à l’ANPE », a-t-elle affirmé. « Qui croire ? », s’est demandé un membre du tribunal, avant de lâcher : « Une chose est sûre, il y a une personne qui ne dit pas la vérité ». Il sera donc demandé au greffier de consigner tout ce qui a été dit dans le plumitif.
Le tribunal a également écouté des candidats malheureux qui entendent se constituer partie civile. Certains d’entre eux demandent des réparations pécuniaires allant jusqu’à 71 millions de francs CFA, par contre d’autres veulent la reprise du concours. La section CGT-B (Confédération générale du travail du Burkina) de la CNSS, qui a levé le lièvre, est aussi partie civile dans ce procès. Pour sa part, ce syndicat réclame l’annulation du test, un franc symbolique et la somme de 3 millions de francs CFA comme frais de réparation pour le préjudice subi. Au début de l’affaire, quand la CGT-B avait dénoncé la fraude, un autre syndicat de la maison, en l’occurrence l’Organisation syndicale de la prévoyance sociale (OSPS), avait à travers une conférence de presse contre-attaqué pour dire que le processus de recrutement s’était déroulé dans les règles de l’art.
Akodia Ezékiel Ada
Encadré 1
Les 7 prévenus dans l’affaire
Norbert Zeda, ex-directeur des Ressources humaines
Daniel Sawadogo, chef du personnel au moment des faits
Gildas Ouédraogo, agent de classement
Liliane Saré, secrétaire de direction
Alix Karine Kaboré, secrétaire
Natacha Ouédraogo, épouse de l’ex-DRH
Martinien Ilboudo, comptable
Encadré 2
Des noms de témoins
Célestin Yaméogo de l’ASCE/LC
Léopold Toé, SG OSPS
Salamata Ouédraogo, correctrice
Odile Nikiéma, agent CNSS
Djénéba Kanao, candidate admise
Maïmounata Siritié
Mohamed Sanon de l’ENAM
Seydou Diarra, comptable CNSS
Augusta Traoré
Ferdinand Onadja, chauffeur CNSS
Odile Tougouma, comptable CNSS
Fatimata Ouédraogo, agent CNSS
Edith Tougouma, candidate admise
Marc Zeda, candidat admis
Raymond Ouédraogo, agent CNSS
Judith Tankoano, candidate admise
Aminata Somda de la CNSS
Adama Kassamba, candidat admis
Marcel Zongo
Baïlou Sari, directeur de la prospective, CNSS
Aminata Diarra, candidate admise
Thérèse Ouédraogo, candidate admise
Sandrine Yanogo, candidate admise
Aïcha Kafando
Raïssa Tiemtoré