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Yéli Monique Kam : L’ « amazone » qui fait de l’éducation son cheval de bataille

 

Unique femme à prendre le départ de la « chevauchée » pour Kosyam, Yéli Monique Kam a fait de l’éducation son cheval de bataille. Nous l’avons rencontrée à son domicile à Gounghin le 30 octobre 2020, veille de l’ouverture de la campagne électorale.

 

 

La voix est douce, le ton ferme et assuré. Les yeux de son état-major rivés sur elle, Yéli Monique Kam peaufine les dernières stratégies, rassure et donne les dernières consignes, quelques heures avant le moment tant attendu.

 

Depuis que cette cheffe d’entreprise de 47 ans, qui ne sort jamais sans son Faso Dafani et son Luili pendé, a fait une entrée remarquable sur la scène politique juchée sur la selle d’un cheval, elle a rallié parents, amis, collègues, personnalités ou illustres inconnus qui veulent l’aider à réaliser son ambition : s’asseoir dans le fauteuil présidentiel.

 

Dans son salon, où celle qui se présente comme une « femme au foyer », mère de 5 enfants âgés de 7 à 22 ans nous reçoit finalement plus d’une heure après notre arrivée, elle prend les nouvelles de ses enfants. « Bon devoir », formule-t-elle à l’intention d’une de ses filles qui, sac au dos, se rend à son évaluation à l’école du coin. L’aîné de la fratrie fait monter les spécimens de vote fournis à la CENI. La candidate numéro 11 sur le bulletin a fait de l’éducation son credo et assure donner l’exemple avec sa petite colonie à la maison. Se faisant d’ailleurs appeler « La Yennenga de l’éducation », elle est convaincue que tous les maux qui minent aujourd’hui le pays sont « liés à la mauvaise éducation  ou au manque d’éducation». Elle veut redonner à l’enseignement ses lettres de noblesse. La championne du Mouvement pour la renaissance du Burkina (MRB) le répète à l’envi : « Je viens du bas peuple. Si je suis arrivée là où je suis aujourd’hui, c’est grâce à l’éducation.»

 

 

 

De secrétaire à courtier

 

 

 

Yéli Monique Kam, épouse Ngankam, est née le 24 août 1973 à Bobo-Dioulasso. Elle est l’aînée d’une fratrie de 8 enfants. Son père, Baga Kam, dit Sika, est un électricien en automobile, un autodidacte qui a appris seul à lire et à écrire. Sa mère, Yéli, est une femme au foyer, analphabète.

 

Brillante élève, comme nous le confirme son père, qui jouit aujourd’hui d’une paisible retraite à Ouagadougou, la jeune Monique, après le BEPC, est orientée dans un lycée technique comme on le faisait pour les élèves s’étant illustrés par leurs bons résultats. Pour elle, ce sera le lycée Charles Lavigerie, où elle obtient un baccalauréat G1 à l’âge de 21 ans en 1994.

 

Tout juste après son DUT (Diplôme universitaire de technologie) en secrétariat passé dans le très sélectif IUT (Institut universitaire de technologies) de l’université polytechnique de Bobo, elle passe avec succès le test de recrutement de Gras Savoye, une société de courtage d’assurances. Nous sommes en 1996, elle fera en tout 15 ans de carrière dans cette entreprise française, gravissant les différents échelons. En 2007, elle est nommée responsable commercial de Gras Savoye avant d’être propulsée en 2012, agente générale d’assurance de la compagnie Allianz Assurances.

 

Pendant qu’elle entrait dans le milieu professionnel, Yéli Monique n’a pas perdu de vue ses études. A l’Institut burkinabè des arts et des métiers (IBAM), où elle s’est inscrite, elle obtient une licence en marketing. S’ensuivent des cours à l’Institut supérieur privé polytechnique (ISPP) qu’elle quitte nantie d’un master II en marketing et stratégie.

 

En 2018, la jeune femme se lance dans l’aventure entrepreneuriale en mettant sur pied SAGER, qui propose des solutions en assurance et en gestion des risques. Les clients de la nouvelle société se comptent parmi les PME/PMI, les multinationales et les sociétés minières.

 

La femme d’affaires dans son parcours aura déjà, si l’on en croit sa biographie officielle, créé près de 100 emplois permanents et temporaires et encadré plus de 200 stagiaires. Une performance qui lui a valu en 2014 le trophée du Programme spécial de création d’emplois-jeunes et femmes (PSCE).

 

 

 

Ancienne militante du CDP  et du MPP

 

 

 

L’«amazone », selon ses propres dires, a toujours rêvé de changer le monde.  Une volonté qu’elle concrétise en 2010 en s’engageant comme militante du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Au sein de l’ex-parti au pouvoir, elle ne réussira pas, comme elle le voulait, à être positionnée sur les listes du parti de l’épi et de la daba pour les législatives et les municipales.

 

Entre-temps, précisément en 2012, elle crée, le Mouvement éducatif du Burkina (MEB) pour promouvoir le développement par l’éducation.

 

A la création du Mouvement du peuple et pour le progrès (MPP), Monique Kam rejoint ledit parti dans le même objectif : obtenir un poste électif. Une ambition contrariée une fois de plus. Pour elle, il n’y a pas de doute que « les partis politiques privilégient le rôle d’animatrice pour les femmes et ne leur donnent que difficilement accès à la sphère du pouvoir ».

 

Elle veut briser le plafond de verre et tente en solo l’aventure. En août 2020, le MEB devient le Mouvement pour la renaissance du Burkina (MRB), le parti dont elle est la présidente et porte les couleurs pour la présidentielle du 22 novembre prochain.

 

La seule femme en course pour la magistrature suprême ne veut pourtant pas brandir cette exception comme un argument de campagne. « Je ne vois pas des hommes en face de moi, mais des candidats. »  La cheffe d’entreprise veut surtout compter sur son parcours d’enfant du bas peuple qui est montée à force de travail et d’abnégation en haut de la pyramide sociale et sur son expérience dans le secteur privé. «J’ai des propositions pour ce pays », souffle-elle. Il faut croire qu’elle en a à foison  si bien que certains font remarquer qu’avec ses 138 pages, son programme de société est l’un des plus volumineux parmi toutes les offres politiques.

 

Son engagement pour le Burkina a été matérialisé à travers sept pactes. Le premier, c’est le « pacte républicain ».

 

 Pour engager les réformes institutionnelles nécessaires, lutter contre la corruption et amorcer la réconciliation nationale, elle veut créer une Chambre des sages. Cette instance, qui sera composée de 130 membres et de tous les anciens chefs d’Etat, aura de larges prérogatives comme contrôler l’action du gouvernement et du Parlement, désamorcer toutes les tensions de divers ordres et négocier avec les groupes armés.

 

 

 

Campagne de proximité

 

 

 

 La seconde priorité pour la chantre de l’éducation concerne bien évidement ce secteur qu’elle promet de réformer. Yéli Kam milite pour une école qui inculque les valeurs burkinabè et donne des compétences réelles et pratiques aux apprenants.

 

Un vaste chantier pour lequel elle croit que les Burkinabè lui accorderont leur faveur. Certains pessimistes tentent bien de jouer les oiseaux de mauvais augure  en lui rappelant le score peu flatteur de feu Françoise Toé qui était arrivée dernière à la présidentielle  de 2015 avec 0,26% des voix. « On me dit que j’aurai  0%. Mais je ne suis pas une qui se laisse faire. Ce genre de critiques me motive au contraire», balaie-t-elle, faisant remarquer l’enthousiasme qu’elle suscite, selon elle, sur tout le territoire national : « Ça aurait été un gâchis si je ne m’étais pas présentée »

 

Le seul facteur qui tempère son optimisme débordant, c’est le nerf de la guerre. La patronne de SAGER dénonce un système politique fermé où l’argent fait les rois. Après avoir déjà tenu des assemblées générales avec son parti, elle se désole d’avoir constaté que les participants ne se mobilisent bien souvent que sur la base de leurs intérêts. Mais elle veut croire que les électeurs sont consciencieux et feront leur choix en fonction des programmes. Pour cette pêche aux électeurs, Monique Kam souhaite éviter le « folklore » comme ces meetings tapageurs que servent les grands partis politiques. « On ne peut pas se le permettre. On va faire avec les moyens qu’on a ».

 

La candidate, au cours des trois semaines de campagne, a prévu de faire du porte-à-porte, de visiter des orphelinats, des enfants en difficulté, des personnes vulnérables. Elle prévoit même de passer la nuit dans un poste de garde dans un hôpital. Des sorties qui se feront parfois à l’abri des caméras et des journalistes.

 

 

 

Hugues Richard Sama

 

 

 

Encadré 1

 

Une enfant de Napougou

 

 

 

C’est au quartier Napougou, à Boulmiougou, que nous retrouvons les parents de la candidate. Baga Kam, dit Sika, aujourd’hui âgé de 76 ans, est installé dans le quartier depuis 30 ans avec son épouse Yéli. C’est ici que Monique a passé le plus clair de sa jeunesse. « Les gens du quartier la connaissent mieux que moi-même », informe le père qui profite de sa retraite depuis une vingtaine d’années. Depuis que leur fille aînée s’est lancée dans la compétition pour la conquête du fauteuil présidentiel, les Kam ne manquent pas de recevoir de bons mots des voisins. « Ils nous encouragent. Certains nous disent qu’ils vont la voter. » A Napougou, en tout cas, la seule femme en lice à la présidentielle pourra grappiller quelques précieuses voix.

 

Monique, selon son père, a toujours été une enfant courageuse et studieuse. L’ancien électricien en automobile se souvient de son premier jour de retraite, sans pension. Monique avait pris la ferme résolution, avec ses 7 frères et sœurs, de s’occuper désormais des besoins de la famille.

 

On ne peut pas vraiment dire que ses parents aient sauté de joie quand la « Yennenga de l’éducation » leur a annoncé ses intentions. Discrets et réservés, les Kam ont une mauvaise image de la politique et craignaient que ce saut dans le marigot politique, plein de crocodiles, n’édulcore l’éducation exemplaire qu’ils ont donnée à leur fille. « Mais comme elle s’est déjà engagée, on ne peut que la soutenir et lui donner nos bénédictions », explique Baga Kam, qui n’a pas manqué de donner des conseils avisés à son enfant en cette période : « Je lui ai dit de ne pas insulter, de rester respectueuse. » « On lui a dit de rester confiante et positive quel que soit le résultat », ajoute son épouse.

 

H.R.S.

 

Encadré 2

 

Appolin Aimé Ngankam, l’époux

 

 

 

Dans ce challenge qu’elle s’est lancé, Yéli Monique Kam peut compter sur son époux : Appolin Aimé Ngankam Pente. « C’est mon principal soutien », nous a-t-elle confié. Ce Camerounais d’origine, naturalisé burkinabè, est d’ailleurs deuxième sur la liste provinciale du MRB au Kadiogo, derrière son épouse, tête de liste pour les législatives. Très impliqué dans la campagne, il a par exemple représenté en ce début de campagne sa femme lors d’une interview chez nos confrères de Radio Oméga.

 

Appolin Ngankam n’est pas un parfait inconnu sur la scène publique burkinabè. Enseignant chercheur en marketing, il est le concepteur du « marketing chrétien », un concept qu’il a explicité  dans deux livres présentés le 29 octobre 2019 : « Marketing chrétien management/Tome1 : Stratégie marketing pour le développement des églises » et « Marketing chrétien management/Tome 2 : la prospection évangélique ».

 

Appolin Aimé Ngankam est également l’un des initiateurs de « ISPP Elite class », une initiative externalisée de l’Institut supérieur privé polytechnique (ISPP) qui ambitionne d’offrir aux étudiants des formations en adéquation avec l’emploi.

 

Légende :Photo encadré 2

 

 

 

H.R.S.

 

 

 

Dernière modification lemardi, 03 novembre 2020 22:27

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