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Grève de 72h au Mali: Grogne sociale, enjeux politiques

Les autorités de la Transition se seraient bien passées de cette grève qui sonne comme la fin de leur état de grâce, elles qui, dans un concert de louanges unanimes, venaient de conduire Amadou Toumani Touré à sa dernière demeure. L’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) a en effet entamé hier un débrayage de 72 heures pour exiger la satisfaction de trois revendications matricielles touchant aux revenus des salariés.

D’abord, la situation des « travailleurs compressés ». Une expression qui désigne les ex-employés des sociétés d’Etat transférés dans le privé ou qui ont accepté de jouir d’une retraite anticipée dont les conditions n’auraient pas toujours été respectées ; ensuite l’harmonisation des grilles indiciaires des agents de la fonction publique ; et enfin l’harmonisation des primes et indemnités versées à certains fonctionnaires.

Jusqu’à demain donc, l’administration malienne fonctionnera au ralenti. Mais on se demande bien comment le gouvernement de transition va s’y prendre pour répondre favorablement à ces doléances. Est-il alors dans son rôle de gérer de tels dossiers, lui dont la mission essentielle doit être avant tout de conduire le pays à des élections apaisées pour un retour à une vie constitutionnelle normale d’ici 18 mois ?

C’est d’ailleurs une fin de non-recevoir qui aurait sanctionné les premiers échanges entre les syndicats et les autorités de la Transition.

En réalité, sous cette fronde sociale se cache une lame de fond politique, car ce mouvement intervient en pleine polémique sur l’installation du Conseil national de transition. On suspecte les militaires qui ont renversé Ibrahim Boubacar Keita le 18 août dernier de vouloir faire main basse sur cette future assemblée législative en s’arrogeant trop de représentants aux couleurs du treillis pour en prendre la tête. En signe de désapprobation, bon nombre de partis et d’organisations de la société civile, dont l’UNTM, n’ont jusque-là pas déposé de candidatures.

L’enjeu est pourtant énorme puisque c’est de ce futur CNT que sortira l’architecture institutionnelle du Mali de demain. On comprend dès lors que les putschistes qui ont déjà installé leur président en la personne du colonel major Bah N’Daw et se sont taillé la part du lion dans le gouvernement de transition veuillent coûte que coûte achever la manœuvre. Si l’assemblée législative devait elle aussi se retrouver sous leur coupe, ils auraient tous les leviers pour faire tout ce qu’ils veulent.

Autant dire qu’au-delà de ce mouvement corporatiste, c’est quelque part l’avenir du Mali qui se joue en filigrane. Et à l’allure où vont les choses, on ne serait pas étonné de voir la classe politique malienne embrayer pour ne pas se laisser déposséder des fruits de son insurrection populaire.

 

H. Marie Ouédraogo

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