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Second tour présidentielle nigérienne : Qui de Bazoum ou d’Ousmane ?

Retour aux urnes hier dimanche 21 février 2021 pour les 7,4 millions d’électeurs inscrits. Aucun des trente prétendants à la magistrature suprême n’ayant  pu réaliser le coup K.-O. le 27 décembre 2020, les Nigériens étaient en effet appelés à départager Mohamed Bazoum et Mahamane Ousmane, les deux finalistes qui se disputent la succession du président Mahamadou Issoufou.

 

 

Il est 6h, Niamey s’éveille. Les autres villes et villages du Niger aussi. Les fidèles musulmans viennent de sacrifier au Fadjr, la première prière de l’aube d’une journée bien particulière. 7,4 millions d’électeurs sont en effet retournés aux urnes pour le second tour de la présidentielle qui doit consacrer l’alternance au sommet de l’Etat puisque le président sortant, Mahamadou Issoufou, ne se présente plus après avoir épuisé ses deux mandats constitutionnels. Ces derniers jours, la tension était montée d’un cran entre les camps des deux finalistes, Mohamed Bazoum du PNDS-Tarraya et Mahamane Ousmane du RDR-Tchandji. Sans doute donc, dans leurs invocations, les leaders religieux ont-ils imploré Allah que ce jour de scrutin se déroule sans encombre.

 

 

8h. Les quelque 26 000 bureaux de vote disséminés sur ce vaste territoire de 1,2 million de kilomètres carrés commencent à s’ouvrir pour accueillir leurs premiers « clients ». Des retards, souvent de quelques minutes, sont constatés par endroits mais, d’une manière générale, les opérations se font dans le calme et dans une ambiance bon enfant.

 

 

10h. Remue-ménage à la mairie de Niamey où est logé le BV n°001. L’arrivée en trombe des motards, toutes sirènes hurlantes, annonce la venue du président de la République. Il vient s’acquitter de son ultime devoir civique ès qualités, drapé dans son traditionnel boubou blanc immaculé et de son bonnet rouge. Après deux quinquennats, il passera la main début avril à son successeur élu, ce qui ne s’était jamais vu depuis l’indépendance en 1960 de ce pays jusque-là abonné aux coups d’Etat. C’est donc tout naturellement qu’à la grappe de journalistes qui l’attendaient au bas des marches, Zaki confie : « Le Niger est confronté à des défis immenses, sécuritaire, sanitaire, démographique, climatique, et pour y faire face, il nous faut des institutions démocratiques fortes et stables. Cela a toujours fait partie de mes priorités. Je m’y suis employé ces dix dernières années, notamment à travers des élections libres et transparentes comme le sera ce second tour de la présidentielle. L’alternance est en marche, l’alternance pacifique qui, jusque-là, a manqué, va se réaliser. Je suis fier d’être le premier président démocratiquement élu à passer la main à un président démocratiquement élu. C’est un événement majeur dont les Nigériens sont les artisans, grâce à leur maturité démocratique. Le Niger est aujourd’hui bien classé sur l’échelle de la démocratie mondiale. »

 

10h40. Le rituel est immuable. Le mentor a à peine tourné les talons que son dauphin désignéfait son entrée à l’Hôtel de ville, confiant quant à sa victoire finale. Il faut dire que les chiffres plaident en sa faveur.

 

 

Au premier tour le 27 décembre 2020, celui qu’on présente comme le super favori de la compétition était arrivé en tête avec 39,30% des suffrages exprimés contre 16,98% à l’ancien président qui rêve de retrouver son fauteuil perdu en 1996 suite au coup d’Etat du colonel Ibrahim Baré Maïnassara. Le pourra-t-il alors que Seini Oumarou (MNSD-Nassara) et Abouba Albabé (MPR-Jamuhiria), arrivés troisième et quatrième, ont décidé de voler au secours de la victoire programmée de Bazoum ? La réponse d’ici la fin de la semaine. 

 

 

11h. Cap sur Harobanda (derrière le fleuve en djerma), école Kirkissoye qui abrite plusieurs bureaux de vote dont le n°141, où sont inscrites 430 personnes. A notre passage, une centaine d’entre elles avaient déjà accompli leur devoir civique. Parmi celles-ci, le jeune Adamou Guidéré Boureima et la vieille Aïssa Saley. Après avoir glissé leur bulletin dans l’urne, ils espèrent qu’il n’y aura pas de tambouille et qu’Allah aura pitié de ce pays qui a tant souffert de l’instabilité chronique.

 

Aucun problème particulier à signaler ici, assurent en chœur les quatre délégués des deux candidats : Boubacar Mourtala et Abdoul-Aziz Soumana pour celui du RDR-Tchandji ; Oumeratou Godo Alio et Aïssata Amidou au titre du PNDS. Même son de cloche au n°146, présidé par dame Seïdou Aïssa. « Nous avons ouvert à 8h 26. Tout le personnel était là, le matériel aussi, et avant de commencer, j’ai fait une petite sensibilisation à la nécessité d’être vigilant, patient et courtois », a-t-elle indiqué. Seule ombre à ce tableau électoral idyllique, les électeurs qui arrivent avec leur récépissé mais dont on ne retrouve pas les cartes. Mais la consigne aurait été donnée de les laisser voter dès lors qu’ils sont munis de leur pièce d’identité et que leur nom est dûment répertorié sur le fichier.

 

 

11h 30, BV 132 de l’école primaire Gaweye 1. Ce quartier est réputé être un fief du Moden-Lumana de Hama Amadou, donc acquis à la cause de l’ex-président de l’Assemblée nationale. Fatouma Zara Brah, la présidente, n’avait, au moment de notre passage, noté aucun dysfonctionnement, tout comme Atta Aïr Alassane Mouctar et Ibrahim Hamidou Djibo de la COCEN (Commission pour l’observation citoyenne des élections). Tinni Tahirou Maïga par contre, lui, déplore, que par endroits il n’y ait qu’un délégué de parti au lieu des deux requis. Membre de la mission d’observation de la Confédération des travailleurs nigériens (CTN), il conseille également aux membres des BV de ne pas laisser des votants entrer dans l’isoloir avec leur sac, car ça pourrait être la porte ouverte à certaines fraudes.

 

12h. Rien à signaler au bureau de vote 064 du Centre Samaria de Karadjé, si ce n’est qu’il a ouvert avec une vingtaine de minutes de retard, comme c’est le cas dans la majorité des lieux où nous nous sommes rendus. Un retard à l’allumage qui, de toute façon, sera rattrapé puisque les BV doivent être ouverts durant 11 heures, si bien que l’heure de fermeture (19h en principe) sera fonction de celle d’ouverture. « Dans l’ensemble, tout se passe bien, nous n’avons encore rien noté de particulier », confient Issa Issaka et Bassirou Abdoulaye, les représentants de Tchandji. Même constat chez Moumouni Garba Ousmane, ingénieur de l’aviation civile. « Je suis venu poser un acte citoyen de la plus haute importance puisqu’il s’agit de choisir celui qui va gérer ma vie les cinq prochaines années : ma sécurité, ma santé, l’éducation de mes enfants, etc. Il faut donc faire le bon choix, notamment celui qui a le plus d’expérience et c’est ce que je viens de faire », lance-t-il, un tantinet sybillin.

 

 

13h. Alors que la journée électorale se passe de façon sereine dans la capitale et à l’intérieur du pays, on apprend qu’un réseau de falsificateurs de bulletins de vote, produits dans un Etat voisin, a été démantelé (voir encadré). Plusieurs personnes ont été interpellées et une enquête ouverte par la maréchaussée. Une nouvelle qui ne manquera pas de susciter la polémique dans un contexte déjà passablement tendu.

 

15h. L’affluence est toujours moyenne dans les centres de vote où le défilé ininterrompu des électeurs, qui a commencé il y a maintenant sept heures, se poursuit. Après avoir voté, certains forment sur place de petits groupes pour deviser, conjecturer sur les chances de leur champion ou simplement « ouvrir l’œil ».

 

 

18h. Nous apprenons la mort de 7 agents électoraux suite à l’explosion d’une mine dans la commune de Dargol, dans la région de Tillabery. Une information qui vient assombrir une journée qui était pourtant sereine jusque-là et qui replace plus que jamais la lutte contre le terrorisme au centre des priorités du futur président.

 

19h. Les bureaux de vote qui ont pu être ponctuels viennent de sceller leurs urnes. Minute après minute, la nuit est en train de couvrir la cité de son voile noir. Commence désormais la longue soirée électorale avec la délicate opération de compilation des résultats provisoires qui ne seront proclamés que dans quelques jours. Seule la CENI, rappelons-le, en a le monopole, même si les deux prétendants doivent  être situés sur leur sort à l’heure où nous sommes.

 

Ousseni Ilboudo

à Niamey

ENCADRE 1

Me Issaka Souna, président de la CENI

«Nous avons corrigé les dysfonctionnements du premier tour»

 

«L’organisation d’un scrutin est un événement politique, social, sociologique, technique aussi et quand vous conjuguez tout cela, il peut y avoir quelques malfaçons, c’est humain ; mais la CENI et les autres acteurs se sont mis ensemble pour bien faire et je crois que ça a été le cas. Cela dit, quelques erreurs, quelques dysfonctionnements ont été constatés, il faut y faire face et nous en avons tiré des leçons en organisant des discussions sur l’ensemble du territoire avec les différents acteurs ; ce qui nous a permis de corriger les faiblesses relevées et nous sommes sûrs que ce travail nous permettra d’avoir aujourd’hui un second tour beaucoup mieux organisé. Nous avons par exemple relevé des problèmes liés à la formation des membres des bureaux de vote, des questions d’interprétation des textes, de mise en œuvre du vote sur le bulletin unique ainsi que quelques actes d’indiscipline. Tout est rentré dans l’ordre. N’oublions pas non plus que la question sécuritaire n’a jamais été loin et nous avons cherché les voies et moyens pour mieux protéger les électeurs, les observateurs et toutes les parties prenantes au processus.

Sur le plan sanitaire, nous avons pris des dispositions pour que l’élection ne soit pas une occasion de propagation de la Covid-19».

              

ENCADRE 2

Saisie de faux bulletins de vote

(voir communiqué de la CENI)

 

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a été informée de la circulation de faux bulletins de vote dont un exemplaire lui est parvenu. Ce faux bulletin provient d’un lot de mille (1000) bulletins produits dans un pays voisin et livrés à Koré Maïroua pour le compte d’un militant d’un parti politique en compétition, dont la distribution a commencé dans plusieurs communes, notamment à Dan Kassari, Dogonkiria, Tibiri, Soucoucoutane dans la région de Dosso et Dabaga dans la région d’Agadez.

Ce bulletin manifestement copié n’est ni un spécimen, ni un bulletin de votre unique. Il est un faux évident.

La CENI s’insurge contre de telles manœuvres tendant à amener des citoyens à douter de la sincérité du scrutin.

Elle rappelle que ces faits constituent le délit de distribution et de détention de faux bulletins et ou spécimens, puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 5 millions de FCFA sans préjudice de la confiscation des bulletins.

La CENI met en garde les fauteurs de troubles dont l’action peut compromettre le bon déroulement des opérations électorales. Elle invite les différents acteurs à faire preuve de sens civique et de discernement dans le cadre de leur participation au scrutin en cours.

La CENI invite également tous les agents participant aux opérations électorales à respecter et à faire respecter scrupuleusement les lois électorales.

 

Fait à Niamey, le 21 février 2021

 

Le président

Me Issaka Souna

Dernière modification lelundi, 22 février 2021 22:26

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