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Madagascar : « L’Amiral Rouge » a levé l’ancre pour l’au-delà

C’est un dimanche des Rameaux endeuillé que les Malgaches ont vécu ce 28 mars : en effet, un baobab du landerneau politique s’est écroulé sous le poids de l’âge dans la matinée d’hier ; Didier Ratsiraka, puisque c’est de lui qu’il s’agit, avait 84 ans.  Il  n’a pas survécu à un malaise général, qui avait causé son internement dans  un hôpital de la Grande Île pour un contrôle de routine.

 

 

Avec sa disparition, Madagascar perd un patriote engagé pour l’indépendance véritable du pays, le continent, un panafricaniste convaincu et le monde un  tiers-mondiste qui se voulait un non-aligné. Non-aligné dans le discours, dans la réalité, celui qui s’inspirait du dirigeant nord-coréen Kim Il-Sung et de l’idéologie du JUCHE, ne cachait pas non plus ses sympathies pour Fidel Castro. En clair, il passait pour être un officier révolutionnaire, et la Charte de la Révolution Socialiste malgache en disait long sur ses options politiques. Il avait les idées de gauche chevillées au corps au point de passer pour un mentor du président du Conseil national de la Révolution (CNR), Thomas Sankara. De fait, le père de la Révolution burkinabè était étudiant à l’Académie militaire d’Antsirabe quand une révolte ou une insurrection populaire, c’est selon, conduisit à la chute du président Philibert Tsiranana en 1972. A l’époque, les insurgés malgaches avaient un slogan : « malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple » que l’on retrouvera 10 ans plus tard dans la bouche du capitaine Thomas Sankara quand il démissionna de son poste de ministre de l’Information du président Saye Zerbo.

 

Didier Ratsiraka que les Malgaches pleurent depuis hier fut lui aussi, d’abord, ministre des Affaires étrangères (1972) de son pays puis porté au pouvoir par un directoire d’officiers révolutionnaires en 1975. La politique dite de malgachisation qu’il imprima à la Grande Île la porta au pinacle des relations internationales avec un rôle remarqué au sein du Mouvement des non-alignés et de l’Organisation de l’unité africaine, l’ancêtre de l’Union africaine.

 

Le revers de la médaille, ce fut des options douteuses en politique intérieure. Si fait que, Madagascar, qui était un grand producteur de cacao, de vanille, de riz et de minerai de fer, perdit ses partenaires traditionnels d’Europe occidentale. L’économie connut alors une chute libre que les 21 ans de pouvoir (1975-1991) de celui qui était surnommé « l’Amiral Rouge » n’a jamais pu éviter. Son retour au pouvoir à l’ère du multipartisme (1996-2002) n’y fera rien. Le fringant officier révolutionnaire au verbe haut, devenu un exilé politique de luxe (2002- 2013), puis un vieillard grincheux, a passé l’arme à gauche sur une Grande Île en proie à un marasme économique sévère auquel sa politique hasardeuse de malgachisation des milieux des années 1970 aura grandement contribué.

 

Ainsi va la politique des extrêmes, surtout quand elle se nourrit plus des illusions idéologiques que du pragmatisme des réalités socio-économiques. La route de l’enfer est pavée de bonnes intentions. Didier Ratsiraka avait assurément des intentions nobles pour Madagascar, mais se sera égaré dans une gouvernance approximative où le dogme idéologique le disputait à sa poigne au gouvernail de l’Etat. L’un dans l’autre, la Révolution socialiste malgache a été plus un leurre qu’une lueur pour les populations de la Grande Île.

 

Que l’âme du défunt président  repose en paix  et que son expérience politique inspire en bien les générations actuelles et futures de décideurs africains.

 

La rédaction

Dernière modification lemardi, 30 mars 2021 21:12

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